Devant les images du Roi du désert affaibli, fatigué par la clameur populaire que de gros bras de gaillards se passent comme un ballon de ping-pong, je ne puis me retenir de pondre cette modeste contribution. Comparaison n’est pas raison, me direz-vous. Mais comme, à mes yeux, il y a des similitudes, beaucoup de similitudes dans ces deux affaires que je tiens à partager avec vous, alors je plonge. Hissène Habré et Tidjani Thiam, « le héros » de Amadou Hampathé Bâ, ne seraient-ils pas deux hommes aux destins identiques ? Du moins, dans ce que nous en offre « le spectacle judiciaro-politique, qui se déroule au pays de la Téranga (?) », à la grande joie de l’activiste américain Reed Brody, « chasseur de dictateurs » pour certains, « gourou » pour d’autres, mais qui se veut «un défenseur des droits de l’Homme ou un militant pour la Justice sociale», de l’avocat Me Jacqueline Moudeina et Cie…
Si vous l’aviez lu, c’est tant mieux. Si ce n’est pas le cas, suivez avec moi, le procès de Tidjani Thiam que intitulé : «Justice imposée, justice négociée…», dans «Relire Amadou Hampâté Bâ pour une approche africaine du Droit… de Christophe EBERHARD et Aboubakri Sidi NDONGO».
«(…) Enfin, ce fut le jour du procès. Selon l’usage colonial, le tribunal, en tant que tribunal de deuxième degré, était présidé par le commandant lui-même – le tribunal du premier degré étant présidé par l’adjoint du commandant (Ndlr : Commandant de cercle qui équivaut au préfet d’aujourd’hui). Il était assisté de plusieurs assesseurs indigènes, tous originaires de Bandiagara, et de son interprète Bâbilen Touré qui répétait à haute voix toutes les paroles prononcées de part et d’autre. Tidjani Thiam et ses codétenus comparurent enchaînés à l’audience. On appela Tidjani Thiam à la barre.
Selon la formule consacrée, le commandant, en tant que président du tribunal, lui demanda, par le truchement de l’interprète : – Quels sont tes nom, prénom, profession et domicile ?
Abdallah, un ami de Tidjani qui assistait à l’audience, ne put contenir son indignation. Il s’exclama en peul d’une voix forte : – Vraiment, il est étonnant de voir comment Dieu, qui a tant donné aux Blancs en fait de science pour la fabrication de machines ou autres objets matériels, a par ailleurs affecté leur esprit d’une certaine imbécillité ! N’est-ce pas une preuve de bêtise de la part du commandant que de demander à Tidjani Thiam, ses nom, prénom, profession et domicile ? Qui ne connaît le fils d’Amadou Ali Thiam dans ce pays ?
A son tour Tidjani, offensé par la question, s’écria : – Le commandant m’a-t-il tellement oublié qu’il ne se rappelle même plus mon nom et mon titre ?… Eh bien, je suis Tidjani, fils d’Amadou Ali Thiam, chef de la province de Louta, arrêté pour avoir vengé son frère et ses hommes assassinés à Toïni alors qu’ils prélevaient l’impôt pour le compte de la France.
Sans paraître attacher d’importance à la déclaration de Tidjani, qui avait été traduite par l’interprète, le commandant, imperturbable, continua : – Accusé ! Lève la main droite et jure de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité !
Là, c’en était trop ! Comme piqué par un dard, Tidjani se dressa et secoua furieusement ses chaînes. Il tenta de lever sa main pour pointer son index vers le commandant afin de souligner ce qu’il allait dire, mais ne pouvant y parvenir, il se pencha par dessus la barre et cria d’une voix tremblante d’indignation : – Comment peut-on supposer à l’avance que je ne dirai pas la vérité, alors que je n’ai même pas encore ouvert la bouche pour exposer les faits ? La vérité, je ne la pratique pas pour plaire à un homme, fût-il roi ou toubab (européen). Je la pratique parce que Allâh, par la bouche de son envoyé Mohammad, a commandé de toujours dire la vérité. Mais puisqu’on insinue que je pourrais ne pas la dire, et qu’on veut me faire jurer pour être sûr que je ne mentirai pas, je refuse de jurer. Et à partir de maintenant, personne n’entendra plus de ma bouche ni mensonge ni vérité. Que l’on fasse de moi ce que l’on voudra. Je ne parlerai plus.(…)
Devant les injonctions de la Cour internationale de justice qui avait décidé le 20 juillet 2012 « que le Sénégal avait manqué à ses obligations internationales et a ordonné aux autorités sénégalaises soit de juger Habré, soit de l’extrader vers la Belgique », l’ancien homme fort du Tcahd subit… Le procès s’est ouvert à Dakar, le 20 juillet 2015 et se poursuit encore, après un répit de 45 jours.
Si l’histoire de Tidjani (qui puise sa naissance dans l’optique de comparer l’importance de la parole dans la société africaine traditionnelle à laquelle veut se substituer l’Occident qui impose l’écrit), est considérée comme une opposition du droit à «se faire justice soi-même, à se venger», celle de Habré ne serait-elle pas, elle aussi, «une vengeance de l’Occident (France, principalement) contre la prise d’otage et la détention de plusieurs ressortissants européens, dont l’ethnologue Françoise Claustre entre 1974 et 1977» ?
Et dans ce cas, n’y aurait-il pas dans cette affaire, comme on le dit bien au Sénégal, un parti-pris clair de l’Occident, supportant un camp contre un autre, alors que tous les deux ont fait les mêmes bêtises et atrocités. Bref, du «Kumba am Ndey contre Kumba Amul Ndey», pour ne pas dire du David (Habré) contre Goliath (Deby Itno) ?
Qui disait : « mieux vaut vivre un jour comme un Lion que cent ans comme un mouton » ?
Vive l’Afrique debout et combattante !
A bas le colonialisme, comme disait feu Ahmed Sékou Touré, Président de la Guinée.
Par Hadramé Samba DIALLO, Citoyen du Monde ; Tel : 78 292 93 11