Ce dimanche 26 février 2017, les Sénégalais devaient se rendre aux urnes pour élire un nouveau président de la République. Mieux, pour renouveler, peut-être, le mandat à celui qui préside actuellement aux destinées du pays. Macky Sall pour ne pas le nommer, ne leur en a pas donné l’occasion. Il a préféré se dédire et mettre une croix sur son engagement ferme et sa volonté pourtant réitérée plus d’une fois, de ne faire qu’un mandat de cinq ans, au lieu de sept.
Le grand absent de «la bataille de Dakar»
Du candidat de la coalition Benno Bokk Yakaar d’alors, il ne fallait pas attendre grand-chose. L’homme présenté comme neuf, n’avait rien de tel. Relooké, savamment «mackyllé» après un passage des grâces de Wade aux tréfonds de la déchéance, l’ancien Premier ministre a su se relever et prendre son destin en main. Il est allé à la rencontre des populations et a convoité leurs suffrages, à l’heure où l’opposition reconnue d’alors, livrait «la bataille de Dakar», tombant ainsi dans le piège de l’ex-chef de l’Etat qui les priva de campagne électorale à travers le pays.
Beaucoup de privilèges, peu de mérite
Macky Sall à la tête de l’Etat, un concours de circonstances? La guéguerre Niasse-Tanor, ces éléphants socialistes qui peinent à surpasser leur ego au profit de l’essentiel qui consistait à unir leurs forces pour «dégager» Wade, a fait le jeu d’un troisième larron, un certain Macky Sall arrivé à l’improviste dans la campagne pour leur voler la vedette. Une victoire qu’accuseront difficilement, un autre ancien Premier ministre de Wade, Idrissa Seck, et Abdoulaye Wade lui-même.
Mais l’ascension fulgurante connue dans parcours éclair de Macky Sall, a de quoi interpeller. La nomination, un pouvoir discrétionnaire, relève du bon vouloir du chef de l’Etat et ne reflète pas forcément un quelconque mérite. Le décret de Wade et l’allégeance à ce dernier lui auront tout donné, tout ou presque. Directeur de société, ministre, chef du gouvernement, président du parlement. Il lui restait la présidence de la république pour parachever son parcours politique, ce qui arriva le 25 mars 2012, lorsque l’entrée en rébellion de Macky Sall en 2009, mieux qu’une désignation, lui ouvre plus tard les portes du Palais de la République, faisant de lui le 4e président du Sénégal indépendant.
Macky Sall, le président que les Sénégalais n’attendaient pas
Macky Sall, c’est le président que les Sénégalais n’attendaient pas. Et peu d’observateurs auraient parié sur sa victoire finale. Le voilà donc appuyée de toute une classe politique opposante, réalisant ainsi le meilleur score jamais obtenu à une présidentielle. Une légitimité qu’il mettra au profit d’un groupe, d’un parti, d’un clan, d’une minorité au détriment de ces millions de Sénégalais qui avaient fondé leurs espoirs en lui, le 25 mars 2012.
Promettant d’être «le président de tous les Sénégalais», Macky Sall, encore une fois n’a pas tenu parole. Il est devenu le président d’un clan, d’une famille, d’une phratrie dont il nomme les membres aux postes les plus stratégiques de l’Etat. Les représentations diplomatiques du Sénégal à l’étranger n’échapperont pas à ce clanisme dont les prémices ont été posés sous l(ère Wade.
«Je serai le président de tous les Sénégalais»
26 février 2012, 26 février 2017. Les Sénégalais étaient si enthousiastes à l’idée de se rendre aux urnes, cinq ans après, pour évaluer le successeur d’Abdoulaye Wade. Mais Macky Sall qui n’aura pas le courage de subir cette évaluation qu’il jugea prématurée, après seulement 5 ans d’exercice. A la place, il choisit d’écouter ses conseils, ses laudateurs de la classe politique et parfois religieuse, qui inondent les médias pour inviter le président à ne pas honorer son engagement, donc sa parole. Pensent-ils ainsi éviter au chef de l’Etat, sous le prétexte des chantiers en cours ou dans le seul but de préserver leurs privilèges individuels, le risque d’une sanction électorale prématurée, faute de résultats suffisants. Mais ce n’était que différer le verdict inéluctable des urnes.
Wax Waxete : quand Wade inspire
En effet, sa décision finale et très controversée de maintenir le septennat pour son mandat en cours, en irritera plus d’un. L’opinion suffisamment préparée à ce sujet, elle suscite toutefois une levée de boucliers d’une bonne frange de la classe politique, de la société civile, de simple citoyens convaincus de la véracité des propos réitérés par un certain Abdoulaye Wade selon qui, «les promesses n’engagent que ceux qui y croient, ou ceux qui les croient».
Conscient d’avoir perdu la face, le président Sall pouvait en revanche se consoler d’un «avis» présenté comme une décision «à exécuter» émanant d’un Conseil constitutionnel dont les membres sont nommés par lui-même.
Le nouvel homme fort de Dakar qui détenait toutes les cartes en main, avait peu après son investiture, toute la latitude d’écrire l’histoire, d’entrer dans l’histoire de ces hommes politiques qui tiennent parole. Sa décision finale, un wax waxete, aura le mérite de conforter l’idée selon laquelle l’actuel chef de l’Etat n’est pas différent de ces hommes politiques qui, pour arriver à leurs fins, seraient capables de vendre des frigos aux Esquimaux.
«Je l’ai dit, je l’ai fait»
Elu au second tour du scrutin du 26 février 2012 qu’il a disputé avec le sortant d’alors, Abdoulaye Wade le 25 mars 2012, Macky Sall était attendu par les Sénégalais sur la demande sociale, mais également sur ce qui était présenté comme un engagement phare, une promesse immuable. Mais à l’arrivée, l’opinion ne retiendra qu’une chose : le non-respect de la parole donnée, en dépit des arguments soutenus et défendus par les émissaires du Palais.
Or, si Macky Sall avait respecté son engagement, s’il avait tenu parole, le Sénégal, à l’heure actuelle, s’attellerait à aller aux urnes ce dimanche, pour donner, sans doute, une deuxième chance, un second mandat à celui qui aurait pu, le cas échéant, battre campagne sur ce slogan : «Je l’ai dit, je l’ai fait».
Momar Mbaye