L’officier suprême dans la hiérarchie de Benno bok yakaar est amené à boire, jusqu’à la lie, les conséquences historiques de la « structuration horizontale » qui orchestre forcément une armée mexicaine en l’absence d’un comité de gestion des carrières qui règle la succession suivant un calendrier précis.
Depuis son accession au plus haut destin politique, le chef de l’Etat, dont tous les regards convergeaient vers 2035, n’a pas favorisé un PLAN SUCCESSORAL EMERGENT (PSE). C’est ainsi que Narcisse, à force d’habiter les reliefs du sur-dimensionnement du moi, est tombé dans le puits de la déchéance en dialoguant trop avec son reflet.
En faisant supprimer la Primature, il ne pouvait pas encore entendre les Augures lui prédire les coutre-coups néfastes de chocs exogènes comme le Coronavirus et la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui exacerbent la colère de la plèbe en réduisant les moyens d’intervention sociale de l’Etat. Le gouvernement, à la marge de manœuvre rétrécie dans un contexte d’alourdissement de la dette, peine à amortir l’état de paupérisation chronique causé par des politiques publiques ultra-libérales dictées par le Grand Capital occidental depuis le mitan des années 70 à rebours des finalités du « Socialisme autogestionnaire » prôné par Mamadou Dia mais délaissé sous contrainte des intérêts franco-libanais.
Cette conjoncture économique défavorable, en remontant aux points culminants dans le graphique de notre impossible évolution, dès 2018, après une relative embellie ayant accompagné l’élection de Macky, fait que Benno, qui a pourtant sauvé la face grâce à la stratégie de « l’encerclement des villes par les campagnes », est mise en fragilité en milieu urbain, zone de focalisation de la cherté du coût de la vie sous une forte poussée inflationniste qui atteint en juin 2022 son niveau le plus élevé de l’histoire du pays de la teranga (8,9%). De l’huile au coude de Ousmane Sonko et Cie qui fondent un discours populiste sur cette situation dramatique. L’affaire Adi Sarr viendra enfoncer un coin dans l’arc.
En pareille occurrence, Léopold Sédar Senghor a refilé la patate chaude à Abdou Diouf pour ne pas avoir à porter la responsabilité de la crise induite par les politiques d’ajustement structurel préfigurées avec le plan initial de 1979 qui marqua une césure au détriment des secteurs productifs. Le mieux pour Macky Sall aurait été de manigancer à la florentine à passer le sceptre à un homme de son camp dûment préparé à affronter la tempête. Hélas, en chantre de l’organisation et de la méthode, Senghor aidait Diouf à ménager sa monture dès 1976, là où l’on ne voit pas trop comment l’actuel président de la République, dont la mouvance n’est pas en principe « majoritaire » à l’Assemblée nationale, peut se choisir un dauphin à quelques jets de pierre de 2024.
Aly Ngouille Ndiaye pouvait présenter un bon profil, mais sa « forte personnalité » qui – la caque sent toujours le hareng- tiendrait de son appartenance à l’aristocratie des Ndiaye du Djolof aurait installé la méfiance au sommet. Amadou Ba a les qualités d’un bon diplomate, à l’image de Abdou Diouf, qui a su cacher son jeu pour triompher des barons du Ps, mais l’ex-argentier de l’Etat, pareil à Dominique de Villepin, ne peut pas revendiquer le moindre titre foncier sur la carte électorale du Sénégal. Aminata Touré a souvent fait figure de faux-numéro 2 de l’Apr, mais cette posture purement administrative qui a connu un dédoublement fonctionnel quand elle fut Premier ministre, ne lui a jamais procuré une dignité correspondante dans l’organigramme du parti.
Les cancans qui minent son quotidien de frère de la Première dame ont pendant longtemps prêté à Mansour Faye de vouloir succéder à Macky, sous le mode sous lequel on théorisa un projet de dévolution monarchique du pouvoir au profit de Karim Wade, mais sa Bérézina aux dernières législatives fait que l’homme aux fortes dotations budgétaires dignes d’un trésor de guerre n’en obtient pas pour autant la légitimité requise pour occuper le fauteuil présidentiel. Il reste un 5e larron, Omar Youm, qui a gagné à Mbour, la 3e plus grande agglomération électorale après Dakar et Touba. Cependant, face aux fortement médiatisées personnalités précitées, le presque anonyme Me Youm n’est pas cette tête de Gondole qui établirait le consensus autour de son profil.
Conséquemment, en direction de 2024, le seul dauphin dans l’ombre de Macky, serait Macky lui-même. L’unique plan de A à Z de Benno. Il a toutefois besoin de casser la dynamique unitaire de Yewwi Askan Wi, par isolement de Ousmane Sonko (qui a assoupli son discours radical depuis sa rencontre avec le président bissau-guinéen) et se recentrer sur la famille libérale. Autrement, une défaite de Macky au second tour de la présidentielle est inéluctable s’il se présente encore.
Madambal Diagne, en militant pour une 3e candidature de Macky, croit savoir que ce dernier va capitaliser sur le taux d’abstention. Il en oublie qu’en 2012, le fort taux d’abstention ne profita pas à Abdoulaye Wade.
Dans une perspective de « reconstruction de la famille libérale» (la formule est du président Abdoulaye Wade), Idrissa Seck aurait pu faire l’affaire. Mais l’ancien maire de Thiès, qui descend de Charybde en Scylla, serait plus proche de donner corps à son rêve de se retirer de la vie politique en 2022, à l’âge de 63 ans.
Par transposition d’un scénario à la congolaise, on aurait favorisé l’élection de Karim Wade. Un terrain de jeu intéressant pour réaliser le vœu de 50 ans de règne des libéraux. Sauf que le mutisme qui entoure le Protocole de Doha et ses additifs (Conakry et Massalikoul Jinaan) prédispose à une expectative prudente. Une chose est sûre : si Wade-fils est « libéré » définitivement, c’est parce que Macky ne sera pas candidat en 2024.
Par Thierno Diop