Les choses sérieuses commencent. Au total, pas moins de 20 candidats ont déposé leur dossier de candidature au greffe du Conseil Constitutionnel pour la présidentielle du 24 février 2019. La caution, fixée à 30 millions Cfa, et le système de parrainage (53 mille signatures au minimum) n’ont pas pour autant découragé les prétendants au fauteuil présidentiel.
Les dépôts seront clos ce mercredi à 23h 59 et le sort de ces candidats est donc entre les mains du Conseil Constitutionnel qui ,aura la lourde tâche d’examiner minutieusement leurs dossiers avant le 12 janvier, date prévue pour la publication de la liste provisoire des candidats.
Retour sur les différentes étapes de cette longue procédure précédant le dépôt de candidature.
La course à la présidentielle de 2019 a été lancée dès les premiers mois de l’année 2018. Et le long chemin menant vers cette bataille fatidique est semé d’embuches. Un véritable « embouteillage électoral », comme le constataient d’ailleurs certains observateurs. En effet, malgré la loi sur le parrainage, adoptée le 19 avril sur fonds de contestations, des dizaines de personnalités politiques et indépendantes se sont signalées à travers les médias pour annoncer, chacune à sa propre manière, leur ambition de devenir le 5e Président de la République du Sénégal. Pourtant, le but principal du parrainage citoyen, d’après l’initiateur du projet de loi, Macky Sall, c’est de rationaliser le nombre de candidats aux élections pour une stabilité démocratique. Selon les dispositions de la loi, le parrainage constitue « un système qui exige que toute personne souhaitant devenir candidat à l’élection présidentielle devra être parrainé par au moins 53.000 citoyens sénégalais, issus d’au moins 7 régions différentes ».
Un « filtre » qui ne coupera nullement l’appétit des plus ambitieux. Une ambition donc bien trop grande pour certains d’entre eux qui ne cherchent, vraisemblablement, qu’à faire le buzz juste pour exister politiquement. D’autres par contre n’ont qu’un objectif : rester au-devant de la scène, constituer une menace potentielle à l’égard du pouvoir pour augmenter les enchères. Dans cette catégorie, il y en a parmi qui iront jusqu’à l’élection tout en sachant qu’ils ne gagneront rien, mais pourront quand même jouer les bons rôles pour, en cas de second tour pour, négocier leur entrée dans la future équipe dirigeante. La dernière catégorie et c’est la moins peuplée, c’est celle qui a de réelles chances de gagner les joutes dès le premier tour ou, à défaut, d’aller au second tour.
87, une si longue…liste !
Le 27 aout dernier, le ministère de l’Intérieur, à travers la Direction générale des élections (DGE), dévoilait à la presse les noms des candidats déclarés à la prochaine présidentielle. Une si longue liste de 87 candidats à la candidature avait donc été affichée ce jour de retrait des supports de parrainages marquant aussi le démarrage officiel des collectes de signatures. (Voir liste ci-dessus)
Effet parrainage ?
Le 11 décembre, s’ouvre une nouvelle bataille : celle d’être le premier à déposer. A minuit déjà, de vives altercations rythmées par des coups de poing, opposaient mandataires du pouvoir et de l’opposition, devant le siège du symbolique Conseil Constitutionnel. L’enjeu faisant étant clair pour tous : d’après la loi électorale, en cas de double signature, celle contenue sur la première liste déposée sera acceptée. Depuis ce 11 décembre, la juridiction suprême ne désemplit pas. Les dépôts de candidatures à l’élection présidentielle se sont poursuivis sur le bureau du greffe de l’institution judiciaire. La date limite devrait normalement être fixée au mardi 25 décembre, mais ce jour étant férié (Noël), le délai est prorogé de 24 heures, conformément aux dispositions de l’article R.26 du code électoral, lequel dispose : « Lorsque le premier ou le dernier jour des délais prescrits dans le présent code est un dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai expire le premier jour ouvrable suivant, sauf pour le dépôt des candidatures aux élections de liste. Tous les délais prescrits sont des délais francs ».
Une vingtaine de dossiers à examiner
Aujourd’hui que les dépôts sont clos, quelque 20 dossiers ont été enregistrés. Parmi les candidats qui se sont manifestés devant le Conseil Constitutionnel, il y a le président sortant Macky Sall, Ousmane Sonko, Malick Gakou, Aissaita Tall Sall, Me Madické Niang, Khalifa Ababacar Sall, Karim Wade, Idrissa Seck, Bougane Guèye Dany, Thierno Alassane Sall, Pierre Goudiaby Atepa, Moustapha Guirassy, Pape Diop, Abdoul Mbaye, Abdou Wahab Ben Geloune, El Hadj Issa Sall, Samuel Sarr, Boubacar Camara, entre autres. Une vingtaine de candidats à la candidature sur les 87 qui avaient fait part de leur intention de briguer le suffrage des Sénégalais.
Comment expliquer ce tassement extraordinaire ? Le parrainage a-t-il fait son effet ? En tout cas, certains comme Me Mame Adama Gueye, l’ex-capitaine Mamadou Dièye ou encore le Juge journaliste Adama Gaye, ont renoncé dès les premières heures car «bloqués» par cette loi sur le parrainage qualifiée d’«anti-démocratique » instaurée le candidat sortant pour « écarter de potentiels adversaires ».
Au même moment, d’autres personnalités ont tout simplement préféré se ranger derrière des candidats et plus généralement celui de la Coalition Benno Bokk Yakaar (BBY). C’est le cas d’Abdoulaye Baldé, de Modou Diagne Fada, entre autres. D’autres enfin comme Thierno Bocoum, qui disent avoir atteint le nombre de parrains requis par la loi, préfèrent quand même se retirer de la course pour des raisons souvent non avouées.
Stratégie du silence
L’autre catégorie de candidats à la candidature, la plus importante, est constituée de ceux-là qui ont tout simplement adopté la stratégie du silence. Ils se sont effacés de la scène politique et médiatique depuis l’affichage de la fameuse liste. C’est le cas de Saliou Fall (Indépendant), Ansoumana Dione (indépendant), Mouhamed Tété Diédhiou (UFD), Amadou Seck (PPS), Hamidou Datt (CERDI), Ousmane Niébé Ndoye (Bess Dina Gneuw), Amdoulay Mady Ndiaye (LES 3A), Amadou Makalou (USPD), Ben Mady Faye (FPR), Alioune Ndao (Indépendant), Nafissatou Wade (indépendante), Kadim Diop (indépendante), Joseph Sarr (indépendante), Mouhamed Sall Sao (FAC) Pape Ibrahima Samb (CIS), Oumar Oualy Zoumaro (indépendant), entre autres.
Rappelons que le dossier de candidature à la présidentielle doit comporter le nom, les prénoms, le lieu de naissance et de filiation du candidat, la mention qu’il est de nationalité sénégalaise et jouit de ses droits civils et politiques, la mention qu’il a reçu l’investiture d’un parti légalement constitué ou d’une coalition de partis politiques légalement constitués, ou se présente en candidat indépendant, et les fiches de parrainages. La déclaration de candidature doit être accompagnée d’un certificat de nationalité, d’un extrait d’acte de naissance de moins de trois mois, d’un bulletin N°3 du casier judiciaire de moins de 3 mois et d’un quitus fiscal.
Deux «K» en sursis !
Au-delà du défi de régularité avec notamment le parrainage, deux candidats devront aussi et surtout relever le défi de la légalité, pour avoir eu des antécédents avec dame justice. Il s’agit de Khalifa Sall et de Karim Wade dont les candidatures ont suscité beaucoup plus de polémiques dans la sphère politique. Le premier nommé, condamné en première instance puis en appel à 5 ans de prison ferme pour ‘’escroquerie sur deniers publics’’ et ‘’faux et usage de faux en écriture’’, sera édifié sur son sort le 3 janvier prochain par la chambre criminel de la Cour suprême. En cas de condamnation définitive, son éligibilité pourrait, selon bon nombre de spécialistes du droit, être remise en cause. Même si, il faut le rappeler, ses avocats auront la possibilité de faire recours au rabat d’arrêt. C’est la mise à néant (l’arrêt est censé n’avoir jamais existé) par la Cour suprême, sur requête, d’un de ses arrêts lorsqu’il a été rendu à la suite d’une erreur de procédure qui n’est pas imputable à une partie.
Karim Wade, pour sa part, avait bénéficié d’une grâce présidentielle après avoir été condamné par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) à 6 ans d’emprisonnement ferme et d’une amende de 138 milliards de francs CFA.
Contrairement à l’ex-maire de Dakar, le fils de l’ancien Président Abdoulaye Wade, candidat investi par le Parti démocratique sénégalais (PDS), n’est pas inscrit sur les listes électorales. Toutefois, ses soutiens minimisent, mettant en avant le caractère d’électeur du nouveau Code électoral. Sera-t-il ou pas candidat? En tout cas, son retour tant reporté est annoncé pour début janvier, c’est-à-dire avant la date du 12 janvier 2019 jour où les différents mandataires devront être édifiés sur le sort de leurs candidats respectifs.
Les candidats auront ensuite 48 heures pour se régulariser et les ‘’7 Sages’’ du Conseil Constitutionnel publieront la liste définitive des candidats retenus, le 19 janvier prochain.