REPORTAGE – En difficulté dans cette fin de campagne, Marine Le Pen a encore vu son rassemblement perturbé, lundi soir.
Violences à l’extérieur, interpellations à l’intérieur… Dix jours après les incidents d’Ajaccio, le grand meeting parisien de Marine Le Pen, lundi soir au Zénith, a été une nouvelle épreuve pour le camp frontiste et son service de sécurité. Par deux fois, dans cette salle du nord-est de la capitale, la candidate a dû interrompre de quelques secondes son discours. Bouquet de fleurs à la main, une militante des Femen est même parvenue à monter sur la scène, frôlant la présidente du FN avant d’être brusquement écartée. Marine Le Pen venait de dépeindre une « France dépossédée » de sa souveraineté autant que son identité. Et y affirmait qu' »en France, on respecte les femmes, on ne les interpelle pas dans la rue (…) on ne leur demande pas de se cacher sous des voiles ». Après les huées de ses supporteurs, Marine Le Pen a repris la parole en accusant ces « militants d’extrême gauche qui marchent sur la tête » : « Ils viennent perturber le meeting de la seule femme qui défend les femmes. »
« Rendez-nous la France, bon sang! »
Après 50 minutes d’intervention, c’est une autre Femen cachée qui a commencé à se manifester avant d’être là encore immédiatement évacuée. « Elle aurait dû rester un peu, elle aurait appris quelque chose! », a cette fois répliqué Marine Le Pen, sans montrer davantage d’agacement. Les sympathisants, eux, ont été regonflés à bloc par ces perturbations. Avant cela, ils avaient déjà donné de la voix lorsqu’une première femme a été sortie pour avoir fait des doigts d’honneur au public. Ils ont également acclamé Gilbert Collard, agressé quelques minutes plus tôt par un groupe de militants antifascistes alors qu’il arrivait au Zénith, porte de Pantin. « Des racailles d’extrême gauche », a lâché à la tribune le directeur de campagne David Rachline, alors que les affrontements se poursuivaient avec la police à l’extérieur. « Des fascistes », a complété devant les caméras Gilbert Collard, qui dit avoir reçu une canette de bière sur la nuque, des crachats et du gaz lacrymogène. Le député refuse toutefois de porter plainte.
Dans cette salle du Zénith de 6.000 places, pas entièrement remplie pour l’occasion, les frontistes ont grondé, conspué, insulté. En reprenant les habituels slogans « On est chez nous » et un bien plus rare « La France aux Français ». « Islam hors de France! », a aussi lancé un homme plusieurs fois de suite alors que Marine Le Pen venait d’énumérer les terroristes ayant frappé le pays ces dernières années. « Avec moi, il n’y aurait pas eu Mohamed Merah (…) Avec moi, il n’y aurait pas eu les terroristes migrants du Bataclan », s’est vantée la candidate sous les vivats.
Le Pen promet un moratoire sur l’immigration légale
A six jours du premier tour, la présidente du Front national a serré la vis sur les thèmes forts de sa formation politique : insécurité, immigration et souveraineté, relayant l’économie au second plan. « Rendez-nous la France, bon sang! », a clamé Le Pen, en évoquant des « Français qui se sentiraient étrangers dans leur propre pays ». « Moi présidente, le rétablissement des frontières sera mis en place dès le lendemain de ma prise de fonction », a-t-elle également promis, réaffirmant son intention de quitter Schengen et en annonçant « un moratoire sur l’immigration légale pour arrêter ce délire ».
« Je serai la présidente de la République française, une République vraiment française. Alors je vous le dit : n’ayez plus peur d’être Français », a encore harangué Marine Le Pen, recevant comme réponses tout au long de son allocution des « On va gagner » et « Marine présidente ». Et alors qu’elle parlait de l’enseignement de l’hymne français à l’école, elle a dû une nouvelle fois s’interrompre, cette fois-ci pour une Marseillaise spontanée. « J’ai beaucoup plus de chanteurs autour de moi que M. Macron! », a-t-elle ironisé.
Fillon, Macron et Mélenchon, trois « immigrationnistes »
La candidate, justement, n’a eu de cesse de s’en prendre à François Fillon et Emmanuel Macron, décrits comme des « poulains de Madame Merkel » et respectivement surnommés « eurolâtre » et « eurobellâtre ». Elle n’a pas oublié non plus Jean-Luc Mélenchon, qualifié pour sa part « d’idiot utile du capitalisme sauvage ». Marine Le Pen a renvoyé ses trois adversaires, tous les susceptibles de se qualifier comme elle pour le second tour de la présidentielle, dans la catégorie des « immigrationnistes ». Par opposition à « l’enjeu de civilisation » que représenterait sa propre candidature.
Mais à en croire les sondages, Marine Le Pen n’est plus aussi certaine d’atteindre la finale de cette élection. Tombée à 22- 23 pourcent d’intentions de vote quand elle était encore à 26-27% il y a quelques semaines, la dirigeante reste à égalité avec Macron et est maintenant menacée par Fillon et Mélenchon. « Si chaque patriote réussit à convaincre un seul indécis, un seul abstentionniste, la victoire de nos idées est assurée », a-t-elle fait valoir, appelant ses troupes à se « mobiliser jusqu’au bout ». Elle-même s’est offerte un moment d’unité, en faisant monter sur scène son équipe de campagne, pourtant traversée ces dernières semaines par les tensions. Ainsi, Marion Maréchal-Le Pen s’est montrée non loin de Florian Philippot. La propre mère de Marine Le Pen, Pierrette, était également présente lundi soir, avec son autre fille Marie-Caroline. Toute la famille réunie dans la dernière ligne droite, ou presque : presque deux ans après leur rupture, Jean-Marie Le Pen, lui, a annoncé dimanche qu’il voterait pour sa fille.
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