Pourquoi autoriser la vente de pilules sans ordonnance ?

Libérez ma pilule » : c’est sous cette appellation qu’un collectif, composé notamment de pharmaciens, du médecin Martin Winckler, du Planning familial et de féministes, ont publié une lettre ouverte accompagnée d’une pétition, mardi 18 avril. Leur revendication ? « La mise sur le marché d’une pilule contraceptive sans ordonnance. »

Dans cette missive envoyée aux laboratoires pharmaceutiques français, à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ainsi qu’à l’Agence européenne du médicament (EMA), ils se désolent :

« Il est regrettable de constater qu’en Europe et en France cette avancée pour le droit des femmes à disposer d’un accès facilité à la contraception est au point mort. »
Une auto-évaluation en répondant à un questionnaire

Le collectif revendique la possibilité d’avoir une pilule contraceptive accessible en pharmacie, en remplissant simplement un questionnaire préétabli. Consulter un gynécologue ou un médecin généraliste ne serait donc plus une nécessité. Un questionnaire déjà réalisé par l’ANSM pour les prescripteurs pourrait d’ailleurs être réutilisé. Si une femme présente une contre-indication, elle sera bien entendu orientée vers un médecin.

Les signataires informent qu’en 2012, le Collège américain des Gynécologues obstétriciens recommandait déjà d’autoriser la vente de pilules contraceptives sans ordonnance.

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« Il soulignait ainsi l’existence d’un grand nombre de preuves montrant que les femmes sont capables d’évaluer si l’utilisation de la pilule contraceptive est possible en répondant à un questionnaire avec l’aide d’un pharmacien. »
Une responsabilisation des femmes

D’autre part, ces gynécologues signalent que « les femmes auraient une approche plus prudente que les prescripteurs eux-mêmes sur les contre-indications et qu’elles rapportent plus facilement aux professionnels de santé les risques de contre-indication quand la pilule est sans ordonnance. » Leur étude montre également qu’elles ont « utilisé correctement le médicament sans prescription » et que « le risque d’utilisation de la pilule malgré une contre-indication était similaire que la pilule soit avec ou sans ordonnance. »

Cela permettrait « une plus grande autonomie des femmes, mais aussi d’améliorer l’accès à la contraception », a plaidé auprès de l’AFP une porte-parole du Planning familial. Symboliquement, les signataires demandent « un engagement public » avant le 8 mars 2018, date de la Journée internationale des droits des femmes.

Une pratique déjà établie dans plusieurs pays

Cette pratique est d’ailleurs déjà effective dans plusieurs pays, notamment en Russie, Turquie, Portugal mais aussi dans la plupart des pays d’Amérique du sud, dans quelques pays d’Afrique et d’Asie.

Une carte de The Oral Contraceptives over-the-Counter working Group sur l’accès à la contraception. (Capture d’écran Liberezmapilule.com)

En France, actuellement, les femmes doivent consulter un gynécologue pour obtenir une prescription leur permettant d’obtenir la pilule. Celles qui n’ont pas de problèmes de santé particuliers comme des saignements en dehors des règles, des douleurs ou des pertes anormales peuvent demander une ordonnance à un médecin généraliste ou une sage-femme.

Il est tout de même possible de faire renouveler pour une durée maximum de six mois son ordonnance périmée depuis moins d’un an.

Voici donc trois raisons de soutenir l’initiative du collectif « Libérez la pilule » :

1Les pilules progestatives ont des contre-indications limitées

La demande porte uniquement sur la pilule progestative, composée d’un progestatif de synthèse, considérée comme une méthode de contraception hautement efficace. C’est celle qui présente le moins de risques et qui est la moins chère.

« La pilule progestative a en effet un profil de risque très bien connu et maîtrisé. Ses contre-indications peuvent être identifiées facilement à l’aide d’un questionnaire », précise les signataires.

Elles sont contre-indiquées notamment dans le cas de diabète, de tabagisme, de maladie thromboembolique (formation de caillots de sang dans les veines), d’hypertension artérielle ou de problèmes cardiovasculaires.

Dans leur lettre ouverte, ils précisent également que selon les gynécologues américains, la prescription d’une pilule contraceptive ne nécessite pas le dépistage d’IST ou des cancers du col de l’utérus et du sein.

« Quant au risque d’embolie, il est très inférieur à celui qu’encourt une femme enceinte », ajoutent-ils.

Les pilules oestroprogestives, qui contiennent de l’œstrogène et un progestatif, en particulier les pilules combinées de 3e et 4e génération présentent des risques accrus de thrombose veineuse. Elles ne sont pas concernées par cette requête.

2De moins en moins de gynécologues en France

Cette mesure permettrait de réduire le temps d’attente des femmes. Avoir un rendez-vous avec un gynécologue pour renouveler son ordonnance peut, pour certaines, s’assimiler à un parcours du combattant. Selon une étude de l’Ifop pour l’observatoire Jalma de 2015, il fallait en moyenne patienter 57 jours pour obtenir un rendez-vous chez le spécialiste.

Une nouvelle pas si étonnante puisque que, selon les chiffres officiels de l’Ordre des médecins, il n’y a que 1.212 gynécologues en exercice en France pour près de 30 millions de femmes, soit un spécialiste pour environ 24.000 Françaises. Comme le révèle le pure player féminin Cheek Magazine, dans un article du 6 avril, les départements des Ardennes, de la Nièvre ou du Cher n’ont plus de cabinets de gynécologie.

Cette pénurie s’explique pour la disparition de la spécialité gynécologie médicale, une spécificité française, des écoles de médecines au début des années 80. Elle n’est de retour que depuis 2003. Certaines, qui se voient dans l’obligation de consulter un gynécologue pour leur prescription, se retrouvent donc dépourvues.

Mais pour les autres, les médecins généralistes sont aussi de moins en moins nombreux, l’Ordre des médecins en a recensé 89.000 en activité en janvier 2016, soit 8,4 % de moins qu’en 2007. La densité moyenne est de 284,4 généralistes pour 100.000 habitants.

3L’accès à la contraception encore difficile

« L’accès à la contraception demeure encore difficile dans notre pays », ajoute le collectif. Selon le Crips, qui se base sur plusieurs études référentes, 6,7 % des femmes de 15 à 29 ans déclarent n’utiliser aucun mode de contraception. La pilule reste le moyen le plus utilisé par 78,6 % des femmes.

Malgré ce taux élevé d’utilisation de contraceptifs, le chiffre des interruptions volontaires de grossesses reste stable depuis 10 ans. Ainsi, 218.000 interruptions volontaires de grossesses ont été réalisées en 2015, selon le rapport de la commission sur les données et la connaissance de l’IVG.

L’accès des jeunes filles à la contraception est particulièrement difficile et inégale en raison de contraintes sociales, mais aussi financières. Les centres de planification où elles avoir des consultations gratuites et anonymes sont, en outre, souvent concentrés dans les grandes villes et très peu en milieu rural. Un problème que l’accès en pharmacie sans ordonnance permettrait aussi d’éviter.

 

sources    Nouvel Obs – Nouvelobs.com

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