Baye Niass, nom de naissance, Ibrahima Niass (en forme longue Cheikh Al-Islam Mawlana Ibrahima Niasse), né à Taïba Niassène (centre du Sénégal) en 1900 et mort à Londres en 1975,est un soufi, gnostique et mystique musulman, sénégalais. Il est le 9e fils d’Abdoulaye Niass. Il est le fondateur du mouvement Faydha Tidjaniyya, une branche de la confrérie soufie laTijaniyya, qui deviendra l’une des plus importantes organisations musulmanes au monde comptant plus d’une centaine de millions d’adeptes1.
La position stratégique de Kaolack au centre du Sénégal et les relations suivies de son père avec les lettrés du Sénégal, de la Mauritanie et l’Afrique du Nord font de sa maison paternelle un endroit privilégié où le jeune Ibrahima étudie non seulement les sciences religieuses (exégèse, jurisprudence, théologie, grammaire arabe, rhétorique, métrique, biographie du Prophète, etc.), mais également cultive un goût prononcé pour le mysticisme musulman. Témoigne de ses connaissances ésotériques d’acquisition précoce, son premier ouvrage Rûh al adab écrit à l’âge de 21 ans2, ainsi que son fameux Kâshif al ilbas (1930), le traité fondamental de soufisme et de la Voie Tijaniyya.
À la mort de son père, en 1922, son frère aîné Mouhammad (Khalifa) prend en charge la communauté des « Niassènes » et Ibrahima enseigne dans les écoles coraniques de son père de Taïba, Kossi et Kaolack. Son érudition et sa piété lui attirent très vite de nombreux adeptes. Dès 1930, il se proclame héritier spirituel de Cheikh Ahmed Tijan, et obtient l’allégeance massive des disciples de son père ainsi que celle de nombreux cheikhs maures qu’il initie à la tarbiyya (initiation mystique) dont le but est de parvenir à lamarifa (gnose), initiation qui marque la spécificité de sa branche Tijaniyya.
Toutefois son audience reste limitée jusqu’en 1937, année où il effectue son premier pèlerinage à la Mecque et y rencontre l’émir de Kano (Nord du Nigeria), Abdoulahi Bayero (en) qui renouvelle son affiliation à la Tijaniyya auprès de lui et l’invite à Kano. Il y obtient l’adhésion de la majorité des ouléma de la Tijaniyya qui, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale se font les moteurs de l’expansion de son mouvement dans toute l’Afrique de l’Ouest. À la mort de l’émir Abdoulahi Bayero en 1953, son fils Mouhamed Sanuss lui succède et renforce ses liens avec Cheikh Ibrahima Niasse. À la fin des années 1960, grâce à ses appuis politiques, le zèle de ses disciples nord-nigérians, son action éducative, le zèle de son prosélytisme, il se trouve à la tête d’une communauté transnationale de plusieurs millions de membres répartis entre le Nord Nigéria, lieu par excellence de son rayonnement, le Ghana, le Niger, le Togo, le Liberia, la Sierra Leone, le Tchad, le Cameroun, la Gambie, la Mauritanie et la région du Sine-Saloum à l’ouest du Sénégal. Selon Mervyn Hiskett, « »il n’y a aucun doute que son mouvement était la plus grande organisation musulmane en Afrique de l’Ouest à la fin de la période coloniale3.
Au-delà de l’Afrique, de nos jours, on retrouve ce mouvement aux États-Unis, en Asie mais aussi dans les pays du Golfe.
Premier chef religieux ouest-africain à établir des contacts avec les organisations islamiques internationales, Cheikh Ibrahima Niasse a été membre fondateur et vice-président de la Ligue mondiale islamique basée à la Mecque, membre de l’Académie de recherches de l’Université al-Azhar et vice-président de la Conférence mondiale islamique dont le siège est à Karachi.
Plus qu’un érudit et un chef charismatique, Cheikh Ibrahima Niasse était un homme politique d’envergure. Non seulement, il entretenait des relations étroites avec des dirigeants africains et arabes dont l’ancien président égyptien Nasser et le premier président du Ghana Kwame Nkrumah qui, bien que chrétien, passe pour avoir été l’un de ses disciples. Il a été dans les années 1950 et 1960, très actif dans l’arène politique africaine en général et nigériane en particulier où il dispose plusieurs dizaines de millions de disciples.