Cheikh Ibrahima Fall a beaucoup contribué à révéler au monde la dimension de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké. Sa soumission totale au fondateur du mouridisme lui a valu d’être élevé au rang de Cheikh.
Cheikh Ibrahima Fall est décrit comme un homme de teint noir qui n’avait pas un physique impressionnant. Il avait une chevelure abondante et un visage toujours rayonnant qui reflète sa paix intérieure. Même s’il ne prêtait pas attention à son accoutrement, celui-ci était toujours propre. L’historiographie mouride situe sa naissance vers 1855 à Ndiaby Fall, un village situé à 2 km de Kébémer, dans la région de Louga. Fils de Seynabou Ndiaye, il appartient à lignée de l’aristocratie princière du Cayor de par son père Amadou Rokhaya Fall et donc pouvait prétendre à exercer le pouvoir traditionnel. Ce qui ne l’a pas empêché d’être un grand érudit qui maîtrisait à fond le coran et les connaissances annexes. Très jeune, il a été habité par la soif ardente de trouver un guide spirituel qui le ferait accéder à Dieu. Ainsi ses recherches seront longues. Mais sa quête ne sera pas vaine puisqu’un rêve promontoire lui signalera que ce maître est sur terre en la personne de Cheikh Ahmadou Bamba. Sa quête opiniâtre le mènera à Taïba Ndakhar où résidait un grand érudit, mais aussi à Mbacké Kadior. Sa rencontre avec Cheikh Ahmadou Bamba eut lieu dans cette dernière localité, le vingtième jour du mois lunaire de ramadan de l’an 1301 de l’Hégire. Aussitôt qu’il le vit, ses genoux fléchissent et il fit acte d’allégeance. Chaque fibre de son corps vibrait à la conviction qu’il était en présence de celui que Dieu lui avait indiqué.
Cheikh Bassirou Mbacké, fils de Serigne Touba, dans ‘Minarou bakhil khadim’ (ou les ‘Bienfaits de l’éternel’), raconte les propos qu’ils ont échangés en cette circonstance. Cheikh Ibra Fall à Serigne Touba : ‘J’ai tout abandonné, tout quitté, renoncé à tout, pour chercher un Maître qui peut m’assurer l’accès au voisinage du Seigneur […] Si d’aventure, je ne le trouverai pas en vie, je chercherai à identifier son mausolée. Et là, sur ce lieu sacré, avec une détermination inflexible, je consacrerai le reste de mon existence en dévotion et en actes si méritoires que Dieu m’accordera, à coup sûr, le bénéfice du service que j’aurais accompli à ses côtés si je l’avais trouvé vivant. A présent, je fais acte d’allégeance auprès de toi. Je proclame que, de ce bas monde, je ne veux même pas, en biens, l’équivalent du poids d’un cheveu. Mon unique préoccupation est Dieu et ma demeure dans l’au-delà.’
A ces propos qui traduisent la profondeur et la sincérité de l’allégeance de Cheikh Ibra, Serigne Touba répondit : ‘Sache Ô toi Ibrahima Fall, que nous avons la même résolution. Mon guide, mon phare est Seydina Mouhammed (Paix et salut sur Lui). Si d’aventure, je n’avais trouvé sur cette terre rien qui atteste de son existence, comme le Coran, les Hadiths, etc., il me suffira de la certitude que le même ciel, les mêmes astres que je vois ont, un jour, surplombé son auguste personne, pour me consacrer à son service. Et j’affirme que, par ce service, j’aurais obtenu l’agrément de Dieu. J’agrée donc ton allégeance, mais à une condition, cependant : tu exécuteras à la lettre tout ce que je te commanderai et tu éviteras soigneusement tout ce que je t’interdirai. Plus rien de ce bas monde ne sera ta préoccupation. Seul Dieu occupera tes pensées et remplira tes intentions. Cela signifie que tu n’as rien à espérer comme biens sur cette terre. Pas même un abri pour te procurer de l’ombre, à plus forte raison une maison. Ne pense pas à fonder une famille. La raison est que, si tu veux obtenir la réalisation des vœux que tu as exprimés, tu ne dois plus rien désirer de ce monde périssable.’
Dès que Cheikh Ibra rejoignit le groupe des talibés de Cheikhoul Khadim, la vie de la communauté fut bouleversée. Il témoigna tant de respect, de vénération et de dévouement à Serigne Touba que, bientôt, tout le monde se conforma à son exemple. Désormais, personne n’ose plus regarder le guide dans les yeux ou s’asseoir sur le même niveau que lui. Finies les plaisanteries, les familiarités et autres marques de camaraderie. Un nouveau style de rapports avec le guide est né. La même déférence respectueuse, la même vénération indescriptible, la même confiance aveugle, les mêmes marques d’attachement viscéral dont Seydina Mouhammed (Psl) était entouré par ses compagnons, furent bientôt dévolues à Serigne Touba par son entourage. Cheikh Ibra Fall fit preuve d’une soumission totale et d’une fidélité sans faille au khalife.
Au travail, il n’avait pas de temps à perdre et psalmodiait : ‘La illaha illalah’ (il n’y a de Dieu que Dieu). Il sera également très actif dans la mobilisation des fonds pour la concrétisation des projets de Serigne Touba au point qu’on le surnomme le ‘ministre des finances du mouridisme’. Il a quitté ce bas monde le 30 juin 1930, un peu plus de trois ans après le rappel à Dieu de Khadim Rassoul. Il restera à jamais comme une figure centrale du mouridisme. Ainsi, pour lui rendre hommage, le minaret le plus long de la grande mosquée de Touba porte son nom Lamp Fall. Tout un symbole parce que c’est lui qui a révélé au monde entier la grande dimension de Serigne Touba.
« Sala lahou Ala Seydina Mohamed (PSL) »