(PORTRAIT) Hélène Mayé Ngom, 76 ans: Je ne suis pas pauvre, mais je vis dans la rue

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Femme d’affaires prospère et brave entrepreneure, cela fait 40 ans que cette voisine de Macky Sall (à Fatick), élève des porcs et en commercialise la viande. Une tâche quotidienne qu’elle exerce avec amour, bravoure et enthousiasme. Un sacerdoce presque ! Jalouse de son autonomie et de son indépendance financière, Mayé Hélène Ngom a choisi de vivre dans la rue malgré le succès de son business. Son vœu secret ? Se faire bâtir une maison, puis effectuer le pèlerinage aux lieux saints de la chrétienté. Côté conjugal, la vie n’a pas fait cadeau à Hélène Mayé : ses deux mariages se sont soldés par des divorces successifs. Finalement, c’est son activité qu’elle a épousée pour le meilleur et pour le pire. Vraisemblablement ! Et bénit soit Dieu, ça lui marche bien. Son seul enfant, elle l’a perdu peu après sa naissance. Et un enfant qu’elle était sur le point d’adopter l’a échappé. Tranche de vie d’une vieille ambitieuse.

Éleveuse doublée de bouchère, c’est depuis 1973 que Hélène Mayé Ngom s’active avec endurance dans l’élevage et la boucherie à Bignona, haut lieu du négoce de la viande du porc, sis dans le quartier populaire de Grand Yoff. Ingénieuse, elle revend à ses concurrents une partie des aliments qu’elle collecte ici et là. Femme forte, de taille courte, vêtue d’une longue robe de pagne, la septuagénaire accepte de nous ouvrir son cœur et de nous montrer ses blessures. De teint noir, cette serere bon teint, est une catholique pratiquante. Même si elle affiche souvent un léger sourire, son histoire est à la fois tragique, triste et pleine de leçons de vie.

En ce début après-midi, c’est derrière l’hôpital général Grand Yoff (HOGGY) que nous l’avons rejointe à sa demande. Assise sur le seuil d’entrée, elle est entourée de nombreux récipients remplis de reliefs de nourriture, communément appelée«gnamum mbam». Hélène Mayé procède minutieusement au tri de ces restes d’aliments destinés à nourrir ses cochons et ceux de ses concurrents dont elle est la fournisseuse. Malgré l’odeur pestilentielle que dégagent ces aliments, cette maman travailleuse et ambitieuse ne se plaint pas alors que le visiteur, lui, a tendance à rebrousser chemin illico presto. Tellement, ça titille les narines.

Hélène Mayé Ngom, alias «mère Hélène», comme l’appellent affectueusement ses proches, est née en 1941 à Fatick, au Centre du Sénégal. Scolarisée à l’école française, son père la déscolarise de force dès la classe de 3è sous prétexte qu’une fille n’avait pas besoin de longues études. Elle va donc honorer le vœu de son père qui était qu’elle se mariât. Chose faite. Mademoiselle Ngom trouvera pointure à son pied. C’est alors qu’elle épousa un monsieur de croyance animiste en 1962.

De cette union, naquit un seul enfant qu’Hélène perdra malheureusement, trois mois seulement après sa naissance. Ce fut son premier et son dernier geste jusqu’à sa ménopause. Plus tard, son époux se reconvertit à l’islam et il exigea d’elle qu’elle apostasiât, à son tour pour embrasser la même religion. Exigence rejetée par Hélène qui est une femme de caractère.

Devant l’absence de consensus, une seule option s’offrait aux deux époux : le divorce. Hélène Mayé se souvient et raconte : «Il était animiste, mais c’est son oncle de confession musulmane qui l’a influencé à adhérer à l’islam. Il voulait que je devienne musulmane aussi, ce que j’avais refusé. Nous nous sommes alors séparés». 12 ans d’amour et de vie commune venait ainsi de se briser avec un époux qui a toujours rejeté l’officialisation de leur union à l’église et/ou à la maire. La jeune dame a soif d’aventure professionnelle et décidé d’explorer la capitale, 4 ans après l’indépendance du pays.

En 1964, Mère Hélène débarque à Dakar en provenance de Fatick. D’abord employée dans la marine française en 1966, elle exercera comme matrone en 1977, avant de travailler dans une usine d’exploitation de produits de mer.

Le temps passant, Hélène rencontre un nouvel amoureux en 1969. Il s’agit d’un certain Edouard, un catho, cette fois-ci. Elle contracte un nouveau mariage. Avec un coreligionnaire, elle espérait que les choses iraient mieux. Mais quel ne fut son désenchantement ! Elle essuie un nouvel échec et dans la douleur. Déjà, sa belle-famille ne la portait pas dans le cœur. Le goût prononcé de son nouvel époux pour l’alcool, n’a rien arrangé. Abonné à la bouteille, Edouard ne se fait aucun scrupule à s’enivrer et foutre la merde à la maison. En cela, son jeu favori, c’était surtout le bradage des biens de madame. «Il se saoulait. Il vendait mes bagages, se servait de mon argent. J’ai galéré avec lui. On a passé des nuits dans la rue», se remémore Mère Hélène. Tolérante, il a fallu composer, stoïque, avec cette difficulté pendant presque 5 décennies.

Seulement aucun enfant n’est né de cette union. Edouard a été sournois de ce côté. « Quand Eduard m’a épousé, il a décidé de ne pas faire d’enfant avec moi. Il me le cachait au début, mais j’ai découvert cela plus tard », explique Mère Hélène. Mais il faut dire que dans une certaine mesure Mère Hélène avait aussi quelques appréhensions du fait des complications de son premier geste. «J’ai accouché difficilement pour le seul enfant que j’ai eu. J’ai d’ailleurs subi une opération pour faire sortir le bébé. Vous savez à l’époque, rien que le fait d’entendre l’opération d’une personne faisait très peur. Cette situation a aussi influé sur le fait qu’on n’a pas eu d’enfant ».

Malgré la situation intenable avec un époux toujours en cuite, Mère Hélène, patiente, reste dans son foyer avec cet homme qui lui fait souffrir, qui avait déjà des enfants avec une autre femme et qui a refusé d’en faire avec elle. Des enfants de bas âge dont Hélène avait pris grand soin comme ses propres rejetons.

Jouisseur, le goût immodéré d’Edouard pour l’alcool et son insouciance met le couple en difficultés. Ruinés et incapables d’assurer un loyer, les deux époux se retrouvent à la rue. Ils passent une première nuit dans une baraque aménagée dans un espace inoccupé. Hélène découvrait ainsi la rue avec son drôle d’époux. «C’est par manque de moyens que nous nous sommes retrouvés dans la rue. Mon mari était navigateur. Mais à chaque retour de voyage en mer, il se saoulait, menait la belle vie, il jetait son argent par la fenêtre. C’est à cause de sa négligence et de son insouciance que nous sommes retrouver dans la rue», accuse notre interlocutrice. Et la conséquence logique de ce comportement peu responsable c’est qu’Edouard «n’a pas pu construire de maison ni à Dakar ni à Fatick, encore moins à Joal où il habite».

Confortablement installés dans la rue avec son petit cœur, Mère Hélène y a pris goût et curieusement, ne trouve aucune urgence à la quitter alors que sa situation financière s’est améliorée. Considérablement. Et Hélène assume parfaitement de vivre dans la rue. Elle est prête à faire ce sacrifice pour deux projets qui lui sont chers. «Cela ne me dérange pas de dormir dans la rue. C’est moi qui ai fait ce choix. Je suis en train d’épargner de l’argent. Je veux me construire une maison et me rendre à Rome pour effectuer le pèlerinage. Cela me tient à cœur», révèle-t-elle.

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