Aujourd’hui, plus qu’hier, le doute est permis sur les compétences réelles du Président Macky Sall à accomplir avec un succès éclatant, la mission que lui a confiée le Peuple sénégalais. Quel bilan allait-il présenter aux sénégalais embourbés dans une déception collective, s’il avait respecté sa parole de réduire son mandat à 5 ans, comme il l’avait promis, en organisant la présidentielle en ce mois de février 2017? Car, son magistère est émaillé d’échecs répétitifs et illustratifs de ses limites personnelles et son incompétence chronique auxquelles il a habituées les sénégalais désespérés.
Le professeur Abdoulaye Bathily vient de perdre l’élection à la présidence de la Commission de l’Union Africaine (UA) au profit du tchadien Ministre des Affaires étrangères, Moussa Faki Mahamat qui remplace la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma. Il ne s’agit guère d’une défaite propre au Pr Bathily mais c’est celle du Sénégal. Notre pays, jadis cité en référence en diplomatie et relations internationales, demeure une fierté. Et sous Senghor, Diouf et Wade, nous avons remporté toutes les victoires diplomatiques au niveau sous régional, continental et international. Alors, la défaite de Bathily est la conséquence d’une diplomatie en déliquescence et en rupture totale avec l’orthodoxie.
Ce lundi à Addis Abéba, le candidat de Macky Sall a été éliminé au premier tour. C’est une débâcle individuelle du président Sall victime de ses innombrables erreurs de jeunesse, recettes de son inexpérience. L’homme manque de finesse dans ses relations avec ses voisins. Comment le professeur Bathily pouvait-il battre ses concurrents alors que le Président SALL son «directeur de campagne » (c’est Mimi Touré qui l’a dit) ne s’entend avec aucun des grands pays d’Afrique : l’Algérie, l’Afrique du Sud, le Nigéria dont les voix et la puissance financière comptent et pèsent ? Le Sénégal est de plus en plus isolé dans la sous-région et en Afrique à cause des maladresses cumulées par son président qui oublie que dans les relations internationales, il faut aussi entretenir d’excellentes relations d’amitié avec ses homologues. Malheureusement, en Afrique, le président sénégalais est considéré comme un Ministre français.
L’élection du Président de la Commission de l’UA, s’est déroulée dans un contexte marqué par l’alternance politique en Gambie où un conflit a été évité suite à la médiation victorieuse du Président de la Guinée Alpha Condé (nouveau président de l’UA) et du Président de la Mauritanie Aziz (pays non membre de la CEDEAO). Ces derniers s’opposaient à toute intervention militaire contre le régime de Jammeh alors que Macky avait déjà envoyé ses soldats à Kanilaï.
Il est évident que, le Président Jammeh avec ses 22 ans d’expérience à la tête de la Gambie et dans les arcanes de l’UA n’est pas resté les bras croisés. Il a activé son réseau pour battre campagne contre le candidat de Macky Sall. D’ores et déjà, nous comprenons que le professeur Bathily ne pouvait pas passer face à la contre-offensive diplomatique des présidents Aziz (08 ans au pouvoir, ancien président de l’UA en 2014), Condé (07 ans au pouvoir, nouveau président de l’UA), Jammeh et des grandes puissances ci haut citées. Macky Sall a été véritablement mis en minorité et comme à l’UA, il n’est pas possible de transférer des bureaux de vote, d’acheter des consciences ou de corrompre des électeurs avec des sacs de riz, la défaite de Macky a été sans appel.
COMMENT DEBY S’EST JOUE DE MACKY SALL
On aurait pu dire que : «le président Déby a trahi Macky». Fraichement élu, le président Sall s’est empressé à organiser le plus grand complot judiciaire en Afrique avec le procès d’Hissein Habré principal ennemi de Déby. Macky jeune président, ignorait les rouages de l’UA, son mode de fonctionnement occulte et les lobbies qui rôdent autour des Chefs d’Etat. Le principal bailleur de cette Institution continentale fut Khadafi (parrain de Déby) tué en 2010. Ces derniers avaient activé tout leur réseau (juristes, journalistes, experts etc…) au sein de l’UA pour faire emprisonner Habré, l’extrader en Libye ou au Tchad où il serait exécuté en plein jour par Déby.
Le président Sall succomba malheureusement au charme du dictateur Tchadien qui lui impose la tenue du procès d’Habré. Après plusieurs émissaires envoyés nuitamment à Ndjiaména par vol privé, en moins d’un an, la téméraire ex dame de fer Mme Aminata Touré entamera des démarches pour la mise en place effective des Chambres Africaines Extraordinaires (CAE) devant juger Habré. Déby signe le premier chèque pour payer les honoraires du personnel des CAE et autres… Suffisant pour qu’Habré soit arrêté le 30 juin 2013. Le lendemain de cette arrestation a été déclaré jour férié au Tchad. Idriss Déby fit une déclaration publique à la télévision tchadienne pour remercier son «ami» Macky Sall et débloque plusieurs dizaines de millions pour organiser une fête à Ndjiaména. Le président sénégalais ne savait pas qu’il venait de signer un «pacta suntut servanda» avec l’un des plus grands dictateurs d’Afrique qui souffre de crédibilité, et qui a été épinglé plusieurs fois par Amnesty International pour des crimes de sang.
C’est bien après l’annonce de la condamnation à perpétuité d’Hissein Habré, que le président Sall sera lâché par Déby qui n’a plus besoin de ses services. Le refus du président Tchadien de soutenir le candidat du Sénégal en est une parfaite illustration. Cela ne suffit pas, lors de l’élection du président de la Commission de l’UA, Déby a présenté son Ministre des Affaires étrangères qui battra le candidat de Macky Sall artisan de la condamnation à perpétuité d’Hissein Habré. Le Sénégal n’est pas au bout de ses peines, car après son mandant, Déby a passé le témoin à Alpha Condé (proche de Jammeh) qui à son tour bat campagne pour le candidat du Tchad (Moussa Faki Mahamat) contre celui du Sénégal (Bathily). Déby administre à nouveau un coup fatal à Macky qui lui a, pourtant, arraché l’épine (Habré) du pied. Maintenant, le bailleur des CAE a déchiré la page Macky, car le Tchad n’a aucune relation (bilatérale ou multilatérale) avec le Sénégal. L’une des rares conventions signées a été l’Accord d’entraide judiciaire pour juger Habré. Un accord qui n’a d’ailleurs jamais été respecté par la Partie Tchadienne.
MACKY ISOLE
Le président Sall n’a presque plus d’amis parmi les chefs d’Etat africains. Contrairement à ce que la rumeur populaire dit, Bathily n’a jamais été le candidat du Maroc dont la réintégration dans l’UA a été une grande victoire de la diplomatie marocaine. Rabat n’avait pas de candidat. Et son retour au sein de l’Institution continentale va redonner du souffle à l’organisation qui traine des arriérées dans les cotisations.
Le Sénégal est isolé sur le plan diplomatique par la seule faute de son président mal vu au niveau de certaines Chancelleries. Il est difficile voire impossible de gagner une compétition diplomatique au sein de l’UA, si on ne s’entend pas avec les grands pays comme l’Afrique du Sud, l’Algérie et le Nigéria. Les entreprises sud-africaines perdent des parts de marché au Sénégal qui privilégie les entreprises françaises. Le dernier est le marché de 50 milliards de gré à gré passé pour la confection des cartes CEDEAO confié à Iris au détriment de la sud-africaine Bytes Technologies pourtant moins-disant. Le Nigéria estime que le Sénégal ne s’implique pas dans la lutte contre le terrorisme dans son pays, et nos dirigeants préfèrent pleurnicher sur le cercueil de «Charlie Hebdo» que d’apporter leur aide dans la lutte contre Boko Haram. L’Algérie qui voit notre pays comme la chasse gardée du Maroc, n’entend guère se bousculer à nos portes pour se faire inutilement humilier.
Le Sénégal est mis à l’écart dans la gestion des dossiers importants en Afrique. Sur le plan sécuritaire, les grandes initiatives telles le «G5 Sahel » et le Plan Barkhane ont été lancées sans consulter ni impliquer le Sénégal. Le sommet annuel sur la sécurité organisé à Dakar est boycotté par tous les chefs d’Etat et ministres africains. En plus, notre pays n’est plus associé dans la résolution d’aucune crise en Afrique à cause des maladresses cumulées et de l’immaturité manifeste de son jeune président.
Le président Sall a échoué, et il échouera encore et encore. L’échec est une composante de son pouvoir. C’est dans son ADN. Il ne gagne que lorsque la victoire est évidente. Ses rares médailles, il les a acquises, après le retour de l’armée française au Sénégal, le renouvellement scandaleux de la concession de la France Télécoms, le retour de Bolloré, le retour en puissance de «Total », le renflouement des caisses d’Eiffage et le lancement du projet TER.
Mamadou Mouth BANE
Journaliste/Chercheur
Président du Mouvement citoyen «Jubanti Sénégal »
[email protected]
www.jubantisenegal.org