L’image, politiquement incorrecte, a fait le tour du monde. L’ancien président de la République, le jour de la Tabaski 2017, s’affiche avec l’insulteur de son successeur, comme si le pape du Sopi bénissait des attaques à l’endroit de « cette créature constitutionnelle à incarnation humaine variable qu’est la Présidence de la République ».
Me Abdoulaye Wade, connu pour son génie politique, ignore-t-il qu’en ce jour solennel dans le calendrier musulman, il fallait sortir de la peau du lion pour entrer dans celle du mouton ? Accepte-t-il ainsi de marcher sur les cadavres des nombreuses victimes du youtubeur et, conséquemment, de perdre l’électorat composé essentiellement de Thiantacounes qui avaient limité les dégâts, en votant pour lui au second tour de la présidentielle de 2012 ou cherche-t-il à engranger les voix des centaines de milliers d’internautes qui suivent toujours avec assiduité les phrases socialement « Assassines » de Diouf. Son attitude pourrait se révéler électoralement contre-productif car Assane s’en prenait à des leaders d’opinion qui sont autant de porteurs de voix.
Ce n’est pas un hasard : la Rts, par la voix de Ahmed Bachir Kounta, a donné à Macky Sall l’occasion de ramasser les marrons du châtaignier quelques minutes après la prière de l’Aïd-El-Kébir en lui permettant d’interpréter, sous les habits blancs de colombe, le sort qu’il a réservé au dossier Assane Diouf comme un geste de grandeur. C’est une belle opportunité de realpolitik pour le leader de l’Apr de refiler la patate chaude du relatif contentieux post-électoral à l’opposition ; alors que la responsabilité du ministère de l’Intérieur ne peut pas être complètement écartée eu égard aux couacs ayant entaché les législatives du 30 juillet.
Comme en 1988 quand Abdou Diouf l’accusait de manipuler une certaine « pseudo-jeunesse malsaine », le leader sopiste risque, de nouveau, d’alimenter le prisme déformant de ses adversaires politiques qui ne manqueront pas l’occasion de le faire passer pour un Cassandre.
En effet, là où Macky Sall a essayé de toucher la sensibilité des Sénégalais, sociologiquement adeptes de « Yar » et de « Téguine », en n’attachant pas de l’intérêt aux injures de Assane Diouf et en jouant la carte de l’apaisement ; son prédécesseur projette l’image de quelqu’un qui est prêt à toutes les excentricités florentines pour en tirer quelques bénéfices politiques. Le président de la République s’est même, par le truchement de son Premier ministre, permis de lancer un message de paix à Me Wade.
A cet égard, les flèches des libéraux contre Souleymane Jules Diop, le précurseur de ce genre extra-journalistique, seraient plus légitimes si le patron du Parti démocratique sénégalais avait réservé un traitement classique, par-delà les contingences politiciennes, au dossier Assane Diouf.
On se rappelle que Wade, parlant de Souleymane Jules Diop, traita l’actuel secrétaire d’Etat de quelqu’un qui passe son temps à l’insulter à travers Internet. Pour moins que ce qu’a dit Assane Diouf, les préposés à la sécurité de l’ex-chef d’Etat ont, en 2008, lors d’une conférence aux Etats-Unis, failli faire passer un sale quart d’heure au blogueur réputé pour la virulence de ses « lignes ennemies » contre le régime sopiste. Pour mémoire, le chroniqueur politique sera exfiltré de la salle par la Police américaine.
En somme, en jouant sur le registre de la paix, relativement à l’affaire Assane Diouf, le « Macky » cherche à capitaliser sur les valeurs positives de la société sénégalaise. Par ricochet, une certaine opposition risque de tomber dans un piège en apportant un semblant de soutien à un supposé martyr tristement célèbre.