Autant souligner qu’elle revient de loin. De très loin même, comme attesté par certains de ses proches, venus à son chevet hier, à l’hôpital Principal de Dakar. C’est une dame épuisée, très affectée, le visage entièrement boursoufflé qui laisse à peine entrevoir ses yeux calfeutrés par des cicatrices, que nous avons retrouvé sur son lit d’hospitalisation. Des bandages recouvrent difficilement ses multiples blessures dont les plus béantes jonchent son cou, ses joues, le front, la tête, les deux bras… La voix peu audible, elle remercie «Allah» pour avoir échappé d’une mort cruelle, certaine. Entre deux souffles, elle articule l’incident l’ayant opposé à son ex-mari, Babacar Sakho, dans la nuit du 18 au 19 janvier dernier. Son mariage cauchemardesque, les multiples actes de torture, d’humiliation et ses trois divorces, en une année… Tout y passe.
Aujourd’hui âgée de 33 ans, la dame Astou Fall se livre : «J’ai vécu avec mon désormais ex-mari, Babacar Sakho, 5 années de mariage et nous avons eu un enfant. Mais durant ces 5 années, j’ai vécu l’Enfer dans mon ménage, parce qu’il est de nature belliqueux et très violent.
Je ne compte plus le nombre de fois qu’il m’a battue, humiliée, à la suite de scènes de ménage. À chaque différend, il m’enfermait dans notre chambre, il me rouait de coups de poings, il tentait parfois de m’étrangler et souvent, il me violenter avec des objets contondants à portée de main. À cause des nombreux sévices et tortures, nous avons été amenés à divorcer à deux reprises dans le courant de l’année 2018.
Après chaque divorce, il suppliait mon oncle qui avait scellé notre union pour que je retourne auprès de lui. Il n’hésitait pas à pleurer, promettant à mon oncle qu’il allait changer, parce qu’il n’aime que moi. Et donc à deux reprises, mon oncle qui me répétait que la place d’une femme est auprès de son mari, donnait sa bénédiction pour que je regagne son foyer. Mais après le deuxième divorce, mon oncle a tenu à lui rappeler qu’il a intérêt à mieux se comporter et à bien traiter sa femme, au motif qu’il ne tolérera pas un autre divorce. C’est ainsi qu’une fois de plus, j’ai regagné mon ménage.»
«J’étais devenue son souffre-douleur… mon ménage était sanctionné par un cycle de violences et de terreur»
«Mais quelques temps seulement après l’avoir rejoint, il a renoué avec ses vieilles habitudes. Il s’est remis à me battre en m’enfermant dans la chambre. Parfois, de retour à la maison, il s’emportait pour des futilités et c’était une occasion toute faite pour me tabasser. J’étais devenue son souffre-douleur et la risée du voisinage. Mais j’avais toujours espoir qu’un jour, il allait changer. Que nenni. Les choses allaient de mal en pire, au point que je craignais pour ma vie.
C’est alors que j’ai pris la ferme résolution de le quitter. Je lui ai dit que nous ne pouvons plus continuer à vivre de la sorte, parce que mon ménage était sanctionné par un cycle de violences et de terreur. Je lui ai expliqué que je préfère divorcer en paix, pour éviter de me retrouver un jour avec de graves blessures qui pourrait gâcher ma vie, ou pire, qu’il finisse par me tuer un jour, à force de me violenter sans retenue.
Puis, j’ai expliqué à mon oncle le motif de ma décision de divorcer. Sur ce, mon oncle l’a convoqué. Au cours de leur entretien, mon oncle lui a fait part des raisons qui m’ont poussée à vouloir divorcer. Il (Babacar Sakho) avait accepté le divorce. C’est en cela qu’il a remis 10 000 FCfa à mon oncle, en signe de restitution de la dote et est reparti. Nous venions ainsi de signer notre troisième divorce pour la seule année (2018). Après ce troisième divorce, j’ai quitté le domicile conjugal en compagnie de notre enfant et je me suis établie à l’Unité 3 des Parcelles Assainies. J’ai cherché et par la grâce d’Allah, j’ai trouvé un travail de technicienne de surface dans une société de la place, pour prendre en charge mon enfant.»
«La nuit de l’incident, il a tenté de s’immoler et de tuer mon enfant et moi, par le feu»
«Le jour des faits (18 janvier 2018), Babacar Sakho s’est présenté chez moi, vers 21 heures, sous prétexte qu’il est venu rendre visite à son fils. Il tenait en main un imposant sachet dont j’ignorais le contenu. Il a offert du lait et des bananes à son fils. Après avoir servi le dîner, je me suis allongée sur mon lit avec mon enfant et je me suis tout de suite endormie. J’ignorais qu’il n’était pas reparti. En réalité, il a profité de mon sommeil pour se blottir dans un coin de la chambre, après avoir discrètement verrouillé à double tour la porte de ma chambre. Vers 2 heures du matin, alors que je dormais profondément, il m’a réveillée en me tapotant les pieds et m’a dit : ‘’Debout, nous allons tous mourir aujourd’hui.’’ Je ne réalisais pas ce qui m’arrivait. Il était nerveux et dans la foulée, j’ai senti une odeur d’essence dans la chambre. Il me répétait que c’est la fin pour nous. Je lui ai alors supplié d’épargner notre fils. Il a refusé en me disant que nous allons tous les trois mourir aujourd’hui. J’ai tenté de le raisonner, croyant qu’il allait se calmer, mais en vain.
C’est alors que j’ai hurlé de toutes mes forces pour ameuter les voisins. Il a sorti une bouteille contenant de l’essence qu’il avait caché dans son sachet. Il a ingurgité quelques gouttes et a sorti de sa poche une boîte d’allumettes. J’en ai profité pour me ruer sur lui, avant qu’il ne mette le feu. Il m’a opposé une épreuve de force et m’a violement envoyée à terre et s’est assis sur moi. Je continuais à me débattre en criant et les premiers voisins intervenus lui ont sommé d’ouvrir la porte. Il a répondu à l’un d’eux (Ousmane) de patienter. Avec ses dents, il s’est mis à me mordre, avec conviction, le visage, le cou, les yeux, les oreilles… (Elle nous montre toutes les graves blessures causées par les morsures). Il devenait de plus en plus nerveux et dans la foulée, il s’est armé d’un couteau et m’a asséné plusieurs coups aux mains, aux cuisses et à divers endroits du corps. Le sang giclé de partout et j’étais, à ce moment précis, persuadée que l’heure de ma mort avait sonné et mes pensées allaient à l’endroit de mon enfant.
Voyant que j’étais affectée, il a pris le câble du chargeur de mon téléphone et a tenté de m’étrangler. Je me suis débattue et le câble s’est coupé, puis je me suis défait de l’emprise. Notre enfant hurlait sur le lit et les voisins, de plus en plus nombreux, tambourinaient la porte et tentaient de la défoncer. Il a saisi un bout de ma robe et s’est mis à me traîner vers la bombonne de gaz. Il me disait qu’il allait nous immoler et incendier la chambre. C’est au moment de mettre le feu que j’ai crié, en demandant aux voisins de défoncer la porte, car il est sur le point de nous immoler. C’est à cet instant que j’ai entendu un violent coup et la porte s’est ouverte. Les voisins se sont rués sur lui et l’ont maîtrisé. J’ai jeté un coup d’œil en direction de mon enfant et je me suis évanouie. C’est à l’hôpital Principal que j’ai repris connaissance», a confié la dame Astou Fall.