Entendu par le doyen des juges d’instruction du Tgi de Dakar dans le cadre d’une commission rogatoire d’un juge français, le fils de l’ancien tout-puissant président de la Fédération internationale d’athlétisme a une nouvelle fois nié les accusations de corruption portées contre lui.
Pape Massata Diack, nous l’aimons bien au fond. L’homme a une bouille sympathique et présente même des états de services plutôt respectables dans le domaine du marketing sportif.
Il s’y ajoute que les Sénégalais transfèrent en lui un peu de l’immense vénération qu’ils ont toujours vouée à l’icône de l’athlétisme mondial, ancien champion de France et ancien ministre sénégalais, Lamine Diack. Pour tout cela, Pape Massata Diack pouvait être considéré comme un grand Monsieur.
Un aristocrate. Et nos com patriotes avaient tendance à le jucher sur un piédestal. Mais là, franchement, quand on voit l’attitude qui est la sienne depuis bientôt quatre ans, attitude de lâcheté et de poule mouillée, il baisse dans notre estime. Et pas de peu ! Surtout, nous étions en droit de considérer que le respect que nous lui portions, il l’avait aussi pour nous.
Force est de constater que ce n’est pas le cas hélas. Car enfin, quand il passe son temps à nier les graves accusations de corruption active et passive, d’abus de confiance, de blanchiment en bande organisée entre autres joyeusetés portées contre lui par la justice française, on se dit qu’il insulte notre intelligence.
Quand il dit que ces faits qui lui valent un mandat d’arrêt international lancé contre lui par un teigneux juge d’instruction français et qui le force à se terrer au Sénégal, lui qui était toujours entre deux avions et était abonné aux plus prestigieux palaces du monde entier, que ces faits n’existent pas on se demande pour qui il nous prend. Car enfin, ce n’est tout de même pas par jalousie ou envie, encore moins par racisme anti-Nègre ou par volonté de casser du Sénégalais, que son vénérable père est pratiquement assigné à résidence en France par les juges avec interdiction absolue de quitter ce pays.
Des juges sénégalais auraient jeté en prison des opposants ou des mal-pensants, on aurait haussé les épaules avant de soupirer : « ils obéissent au pouvoir ». Mais là, c’est en France, pays réputé pour l’indépendance de sa justice et où un ancien président de la République vient même d’être renvoyé en correctionnelle — à la suite de plusieurs ex-Premiers ministres et anciens ministres, dans l’Hexagone, donc, qu’a été déclenchée l’enquête ayant mis au jour une gigantesque affaire de corruption de hauts dirigeants de l’IAAF, la Fédération internationale d’athlétisme, dirigée pendant plus de 15 ans par M. Lamine Diack. Lequel n’est autre que le père de notre ami Massata.
En gros, l’enquête a montré que des autorités russes ont corrompu les Diack, père et fils, pour qu’ils ferment les yeux sur des cas avérés de dopages d’athlètes russes.
Ce pour qu’ils puissent prendre part aux Jeux olympiques. Lamine Diack avait même demandé de l’argent aux Popov pour financer sa campagne électorale durant la présidentielle de 2012 ! Il aurait admis, face aux enquêteurs, avoir distribué une partie oh, une toute petite partie seulement !
De cet argent à des mouvements de notre pays pour chasser l’ancien président Abdoulaye Wade. Lequel avait eu la mauvaise idée de vouloir se faire succéder par son fils. L’enfer, c’est les enfants des autres !
Pour éviter la jurisprudence Alkaly… Quand son propre père est privé de sa liberté en France, quand le président de la fédération brésilienne d’athlétisme est embastillé, quand son alter ego du Japon et d’autres encore connaissent les rigueurs carcérales du fait de leur implication dans ce scandale du dopage des athlètes russes, quand les athlète russes eux-mêmes sont interdits de participation à toutes les compétitions officielles, difficile de dire que tout cela procède de faits inventés de toutes pièces par des juges.
Lesquels se seraient concertés pour lancer un aussi vaste coup de filet international dans les rangs de l’athlétisme mondial. Toute personne incriminée bénéficiant de la présomption d’innocence, nous, on veut bien croire que Massata Diack n’est pas coupable des faits dont il est accusé. Et qu’il est vêtu de probité candide et de lin blanc. Dans ce cas, pour prouver son innocence, nous pensons qu’il n’y a pas meilleur moyen que de se rendre à la justice française devant laquelle va s’ouvrir justement, en janvier prochain, le procès de son père.
Là-bas, s’il dispose de documents pouvant aider à le disculper, il pourrait bien prouver son innocence. Et revenir en héros au Sénégal puis, pourquoi pas, recommencer à sillonner le vaste monde pour vendre son expertise qu’il juge avérée en matière de marketing sportif.
Encore une fois, ce n’est pas devant les juges sénégalais qu’il doit clamer son innocence mais bien devant la justice française. Lorsque, au début des années 2000, la cour d’Appel de Dakar avait « blanchi » le sulfureux marabout et homme d’affaires Alkaly Cissé paix à son âme pourtant jugé coupable et condamné en première instance, nous avions écrit dans ces colonnes que cette décision ne lui rendait pas service.
Quelques années plus tard, la justice saoudienne lançait un mandat d’arrêt international contre lui. Arrêté au Maroc, il a été transféré au royaume des Saoud où il a trouvé la mort il y a quelques semaines après plusieurs années de détention. Pour dire qu’un blanchiment de Massata Diack par nos braves juges n’aurait aucun sens dans ce présumé scandale lié au dopage d’athlètes russes. C’est sur les bords de la Seine qu’il doit aller prouver son innocence au lieu de nous tympaniser sur son innocence !