Depuis vendredi dernier, le maire de Sicap-Mermoz-Sacré Coeur ne jouit plus de sa liberté d’aller et retour. Barthélémy Dias est accusé d’outrage à magistrat et appel à l’insurrection non armée. Le lieutenant de Khalifa Sall a été cueilli par des éléments de la Section de recherches dans les locaux de Dakaractu alors qu’il était invité d’une édition spéciale organisée suite à la condamnation du maire de Dakar à 5 ans de prison ferme. Placé sous mandat de dépôt en attendant son jugement prévu vendredi, Barthélémy Dias est accusé d’outrage à magistrat et appel à l’insurrection non armée. Il a « tenu des propos insultants à l’endroit des magistrats en charge du dossier », s’offusque ainsi l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS) qui, dans un communiqué, déplore une « atteinte intolérable à l’honorabilité des magistrats concernés et au-delà, à la dignité de la justice tout entière ».
Cependant, l’indignation et la colère des magistrats qui ont fait réagir la justice suite aux propos tenus par l’opposant au régime à leur encontre, n’avaient pas eu le même impact sur cette dernière dans l’affaire Moustapha Diop du nom de l’actuel ministre de l’Industrie, de la Petite et moyenne industrie, à qui on a aussi prêté des propos injurieux à l’endroit des magistrats siégeant à la Chambre des entreprises publiques de la Cour des comptes auprès du Fonds de promotion de l’entrepreneuriat féminin.
Et même si l’intéressé avait, par la suite, démenti formellement dans un communiqué, avoir traité de « petits magistrats de rien du tout » et qualifié la Cour des comptes de « Cour de règlement des comptes », l’UMS affirmait que le ministre est bel et bien l’auteur des mots que lui prête la presse. Mieux, le Bureau exécutif de l’UMS révélait avoir « pris l’attaché du Président du Comité de juridiction de la Cour des comptes qui a confirmé la véracité des informations rapportées ». Les magistrats condamnaient « fermement ces propos outrageants, graves et profondément irresponsables d’un ministre de la République qui, vraisemblablement, ignore les règles les plus élémentaires de l’Administration et de la courtoisie ». L’UMS, au-delà de la condamnation, invitait le président de la République, Président du Conseil Supérieur de la magistrature, à tirer toutes les conséquences de cette affaire. En d’autres termes, les magistrats souhaitaient le limogeage du ministre. Parce qu’à leur yeux, Moustapha Diop avait démontré son « incurie caractéristique de son ignorance des règles élémentaires de fonctionnement d’un Etat de droit », mais aussi son ‘’incapacité manifeste à occuper de hautes fonctions’’. Par ailleurs, l’UMS renseignait qu’elle « se réserve le droit de soutenir toute action judiciaire que ses collègues de la Cour des comptes estimeront devoir intenter ».
Mais jusque-là, rien n’y fit et l’ancien ministre délégué auprès du ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, chargé de la Micro finance et de l’Economie Solidaire n’a jamais été inquiété. Moustapha DIOP n’a jamais présenté des excuses et c’est Macky Sall en sa qualité de Président de la République qui l’avait fait au nom de son ministre. La justice a-t-elle failli en ne s’étant pas saisie du cas du responsable apériste de Louga? Moustapha Diop devrait-il être poursuivi pour outrage à magistrat, délit pour lequel Barthélémy Dias a passé les fêtes de Pâques dans les locaux de la gendarmerie avant d’être acheminé à Rebeuss? Autant de questions qui ressuscitent le débat sur l’indépendance de la justice au Sénégal.
M.S.N