L’OBS – Il avait fini de faire le «Nandité» sur la Télévision Futurs Médias. Mais, en l’espace d’un battement d’aile, sa vie est tombée comme un château de cartes. Ousseynou Diop, commerçant et acteur en herbe, est le présumé meurtrier du taximan Ibrahima Mbaye Samb. Il l’aurait abattu à bout portant avant-hier, alors qu’ils se ravitaillaient tous les deux en carburant, à la station d’essence Shell, sise sur la route de l’aéroport, à Yoff. Acteur dans le sketch «Nandité», le bonhomme aurait, dans un accès de fureur, dégainé et appuyé sur la gâchette, atteignant son antagoniste d’une balle à la tête, après deux tirs de sommation. Ousseynou Diop 33 ans, ou Ouzin pour les intimes, est né au quartier Centenaire, au centre-ville de Dakar. Il y coule une enfance sans embûches. Entre 1997 et 1999, il fréquente le lycée Lamine Guèye. Quelques années plus tard, il s’investit dans le commerce et gère son business à l’avenue Faidherbe. Marié et père d’une fillette qui a soufflé sa première bougie cette semaine, il vivait, avec sa petite famille, au quartier Ouest-Foire avant de se retrouver, depuis avant-hier, derrière les barreaux de la brigade de Gendarmerie de la Foire. Son avenir est aujourd’hui entre les mains de Dame Justice.
N.F.S
Souleymane Bâ, oncle de Ousseynou Diop (le tueur) : «Nous présentons nos excuses à la famille du défunt»
«Je suis oncle à Ouseynou Diop, incriminé dans la mort du taximan avant-hier, à Yoff. C’est ce matin (hier) que j’ai appris la nouvelle. La mère de Ousseynou Diop qui est ma sœur, m’a joint au téléphone. N’arrivant pas à m’annoncer la nouvelle, elle a demandé à sa grande sœur de le faire. J’avoue que la nouvelle, telle que présentée, m’a beaucoup surpris, parce que Ouseynou Diop, mon neveu que je connais parfaitement bien, n’est pas du genre belliqueux. Mieux, c’est un garçon sociable et travailleur. C’est pourquoi, au sein de la famille, nous avons du mal à croire ce qui est arrivé. C’est certainement une fougue de jeunesse. Par ailleurs, j’ai personnellement été surpris d’apprendre, depuis l’éclatement de cette affaire, qu’il était ivre. Je le connais depuis sa tendre enfance au quartier Centenaire où il a fait ses humanités, pas une seule fois, il n’a pris de l’alcool. C’est pourquoi, lorsque des témoignages ont fait état de son ivresse au moment des faits, je suis resté sans mot.
Je profite de ces colonnes pour présenter, au nom de toute la famille, mes sincères condoléances à la famille du défunt taximan, Ibrahima Mb. Samb. Ce qui s’est passé nous fait aussi très mal. C’est pourquoi, nous leur présentons toutes nos excuses, Dieu veut que celui qui a tort, présente ses excuses.»
PAPA A. NDIAYE (STAGIAIRE)
RETOUR SUR LES LIEUX DU CRIME : Les taximen déchaînés, les riverains médusés
Le jour d’après l’assassinat d’un des leurs, les taximen de la capitale, indignés, plaident le retour de la peine de mort et réclament plus de rigeur dans l’octroie des permis de port d’arme.
Station d’essence «Shell» de Yoff, lieu de l’incident qui a coûté la vie au taximan ibrahima Samb. Les lieux sont pris d’assaut par une foule de curieux et l’agitation est à son paroxisme. Torse nu, au milieu d’une petite foule, un homme hurle de colère. Il est retenu par quatre gaillards. Incosolable, il verse de chaudes larmes. Exprimant son courroux, il menace de venger son défunt frère. Son camarade Khadim Sow le ceinture et tente de tempérer ses ardeurs, en invoquant des versets coraniques. «C’était son destin. Tu dois t’en remettre à Dieu, car tu es un Musulman», manque-t-il de le tancer. Mais, l’homme hystérique est inconsolable. Car, cette nuit du jeudi 27 octobre 2016, il a vue le sang de son frère Ibrahima Samb qui gisait encore sur le perron de la station «Shell» de Yoff.
Sur la scène du crime, un groupe de taximen irrités deverse sa colère, en prennant d’assaut les deux voies menant à l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Ils brûlent des pneus et obstrue la circulation. De 22 heures à 01 heure du matin, les collègues du défunt Ibrahima Samb ont occupé la sattion Shell de Yoff. Et quand ils ont quitté les lieux du crime, ils ont investi la brigade de gendaremerie de Foire. C’est là où le présumé tueur, Oussseynou Diop, s’est refugié pour échapper au lynchage. Les forces de l’ordre se mobilisent sans, toutefois, violenter les manifestants qui voulaient tuer l’assassin de leur collègue. C’est au petit matin que la devanture de la brigade s’est vidée des taximen. «Si nous avions retrouvé l’assassin sur la scène du crime, nous l’aurions tué sans hésiter. C’est trop facile», hurle de colère Dame Diop. Se considérant comme des marginaux, les taximen ont réclamé plus de considérations de la part des autorités étatiques. «Nous sommes violentés au quotidien. C’est à croire que nous sommes des marginaux dans notre propre pays et pourtant, nous exerçons un travail noble. Nous interpellons directement le président de la République pour qu’il mette fin à ces violences contre les chauffeurs de taxi», dénonce avec conviction un des taximen, Khadim Sow.
La manifestation de colère des taximen
Au lendemain du crime, les camarades du défunt Ibrahima Samb qui ruminaient encore leur courroux, ont remis ça. De manière spontanée, des chauffeurs de taxis ont formé des groupuscules et bloqué, dans la matinée, les deux voies menant à l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Au cours de leur manifestation, ils se sont employés à débarquer des passagers qui se trouvait à bord de taxis affrétés. Un mouvement de grève s’improvise. Dans la foulée, des chauffeurs des taxis «jaune et noir» ont, cependant, regretté un manque d’organisation de cette grève, mené spontanément et sous l’émotion. «Nous ne pouvons ne pas soutenir notre collègue tué. Mais une grève doit être organisée dans les règles», regrette le chauffeur de taxi, Modou Fall, qui a été interpellé au rond-point «26». Retrouvé hier sur les lieux du crime, cet autre taximan, Yatma Fall, ne décolère pas. Il se dit même prêt à aller au combat. «L’Etat doit règlementer le port d’arme et nous protéger. On ne nous respecte pas. Si la justice n’intervient pas convenablement, nous réglerons ce problème à notre manière. Cette affaire prouve à suffisance que les autorités doivent nous permettre d’avoir une arme, pour assurer légitiment notre défense.»
Pour avoir servi de cadre à l’incident qui a perdu le taximen Ibrahima Samb, la station d’esence «Shell» de Yoff refusait du monde au lendemain du drame. Des riverains, curieux et autres badauds ont assaili les lieux pour satisfaire leur curiosité. Au centre de plusieurs personnes, un jeune homme exprime sont indignation : «Je suis atterré.» Présente sur les lieux, la dame Fatou Sow s’est réveillée alarmée. Elle était déjà au lit au moment du drame. Elle s’est faite racontée la scène, mais déjà, elle a tranché. «C’est lâche. Comment peut-on tuer pour une aussi banale histoire ? Je ne reconnais plus mon pays», s’indigne la belle liane, les yeux imbibés de l’arme. D’un pas mesuré, elle fait le tour de la station avec ses trois camarades. Dans le périmètre, d’autres petits groupes de curieux se forment. Quelques automobilistes qui passaient par-là, s’arrêtent un instant pour receuillir des informations. L’ombre du défunt taximan Ibrahima Samb plane encore sur Yoff.
CHIMERE JUNIOR LOPY
Ce que dit la loi sur le port et la détention d’arme
Le régime des armes est organisé par la Loi 66-03 du 18 janvier 1966. Les textes organisent à la fois la classification des armes en catégorie et les procédures en vue de l’obtention de l’autorisation d’acheter des armes et des munitions, de détenir ou de porter des armes et des munitions. Il y a toute une procédure pour bénéficier du permis de port ou de détention d’arme et des munitions. Pour obtenir le permis, il faut adresser une demande au ministre de l’Intérieur par l’intermédiaire de la Direction de surveillance du territoire (Dst) à l’intérieure de laquelle, est logée la Divison des armes et des munitions (Dam) qui étudie les dossiers et prépare les demandes d’autorisation. Le renouvellement se fait annuellement. «Toutefois, le permis de port ou de détention d’arme est, en principe, interdit aux civils. Ce n’est pas le cas pour les fonctionnaires de police, de gendarmerie ou de la douanes. Pour que la demande puisse aboutir, il faudrait que le demandeur démontre les risques qui existent pour sa sécurité du fait de la nature ou du milieu d’exercice de son activité professionnelle», a précisé Me Pape Jean Seye, avocat au barreau de Dakar. Il ajoute : «On ne peut faire usage de son arme que quand on est en situation de légitime défense. Même l’opportunité d’effectuer des tirs de sommation est parfaitement encadrée par les textes.» La robe noire fait une présicion de taille. «Il y a une différence entre le port d’arme et la détention d’arme. Le permis de détention autorise le bénéficiaire à posséder une arme chez soi. Elle ne doit pas sortir de la maison. Mais le permis de port d’arme autorise le détenteur à porter son arme par devers lui.» Mais entre les dispostions de la loi et la pratique des détenteurs d’arme, il y a un hiatus. On assistait à beaucoup de scènes où les porteurs d’arme à feu ont dégainé sans être dans une situation de légitime défense. L’on se rappelle les affaires Massata Diack avec les deux Guinéens, Barthélemy Dias avec Ndiaga Diouf, Farba Ngom à Ogo, Moustapha Cissé Lô à Touba. Ce dernier est même surnommé «El Pistolero», et Barthélemy Dias, «Luky Luke».
La peine de mort agitée
Seydina Fall dit Boughazelli, député de l’Alliance pour la République, avait introduit une proposition de loi à l’Assemblée nationale en 2013 pour la restauration de la peine de mort. Une pluie de critiques, surtout venant des défenseurs des droits de l’Homme, s’était abattue sur ce parlementaire. Mais aujourd’hui, l’histoire semble lui avoir donné raison. Et beaucoup de Sénégalais sont maintenant de son avis. Les taximen, réunis sur les lieux du crime jeudi nuit, ont plaidé en faveur du retour de la peine de mort. Parce que, disent-il : «C’est trop facile de tuer et de s’en tirer aussi facilement.» Le député de la majorité n’est plus le seul dans ce combat pour le retour de la peine capitale. Il est rejoint par son collègue Me El Hadji Diouf qui plaide pour cette «Loi du Talion», comme dans le royaume de Babylone. Son collègue Imam Mbaye Niang avait aussi affiché clairement sa position en faveur du retour de la peine de mort. Aujourd’hui, avec le lâche assassinat de Ibrahim Samb, ce débat pourrait être remis au goût du jour. Les initiateurs de cette loi seront de plus en plus confortés dans leur position à mesure que la violence s’accentue.
JUNIOR LOPY
IGFM