PartagerIl aime tirer sur les ficelles. L’ombre est le terrain de prédilection de ce métronome qui a écrit les pages les plus sombres de la géopolitique ouest-africaine. De la Sierra Leone au Libéria, en passant par le Mali et la Côte d’Ivoire, Blaise Compaoré est le fil d’Ariane qui aide à dénouer les énigmes. Il est présenté dans certains cercles comme l’homme de paille de Félix-Houphouët Boigny, le « crocodile » qui aurait dévoré le « capitaine » (nom de poisson) Sankara. Des palabres abidjanaises lui prêtent d’avoir manœuvré en sous-sol pour aider la rébellion à se débarrasser de Laurent Gbagbo. Il ne s’agit pas que de fausses allégations distillées par des cancans. Dans son brûlot, Ousmane Sanogo, qui faisait partie de la garde rapprochée de Ibrahim Coulibaly, révèle que Kadhafi avait, par le truchement de Blaise Compaoré, remis 60 milliards Cfa aux auteurs des tentatives de coup d’Etat entre 2000 et 2002. Il ajoute que la gestion opaque de ce pactole est la véritable pomme de discorde entre IB et l’ex-chef d’Etat du Burkina Faso. Ce dernier, dont Coulibaly était devenu l’otage à Ouagadougou, mit en selle Guillaume Soro, qui tira profit de la partition de la rébellion pour créer les Forces nouvelles et s’imposer dans le landerneau politique ivoirien. Comme pour enfoncer un coin, l’ancien ministre ivoirien de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, s’apprête à publier un livre explosif intitulé « De l’envers je reviens ».
Selon une information relayée ce 25 janvier par le site malien Bamada.net, l’œuvre accorde une large surface rédactionnelle aux confessions de Mohamed, proche de Mokhtar Belmokhtar. Ce terroriste du nord du Mali, arrêté par la DST, suite à l’attaque de Grand-Bassam, fait de troublantes révélations sur la complicité entre Blaise Compaoré, les djihadistes et les ex- rebelles ivoiriens.
Last but not least, l’affaire des enregistrements sonores qui avait refroidi les relations entre Abidjan et Ouagadougou. Affaire au centre de laquelle se trouve Guillaume Soro, accusé d’avoir conspiré avec Djibril Bassolé, l’ex très bien introduit ministre burkinabé des Affaires étrangères et Gilbert Djendéré. A l’époque, le ministre ivoirien de l’Intérieur Hamed Bakayoko (il est privé d’écoutes téléphoniques depuis qu’il est devenu en 2017 ministre de la Défense), était soupçonné de se servir du dossier pour salir Soro et mieux se positionner dans la course à la succession de Ouattara.
C’est dire qu’avec la crise, qui a atteint son paroxysme, entre Alassane Ouattara et Guillaume Soro, en direction de la présidentielle de 2020, il va falloir se poser des questions sur le sort de Blaise Compaoré à Abidjan.
Pour avoir fait de la réconciliation nationale la trame de son discours au point de se rapprocher du clan Gbagbo, le chef du Parlement ivoirien pourrait se voir opposer son rôle dans la déstabilisation du pays. Le cas échéant, Blaise Compaoré, qui ne sera pas épargné par les déballages, pourrait se sentir à l’étroit dans sa villa cossue du quartier chic de Cocody-Ambassades.
Habitué à se jouer des rivalités entre ses marionnettes pour tisser sa toile, l’ancien président du Burkina Faso, réputé rusé, pourrait mener une médiation pour prolonger son séjour abidjanais. Cependant, il faut avoir une vision romantique de la politique pour croire « être l’ami de tout le monde » sans nourrir une paranoïa sécuritaire.