Air Sénégal international a volé de février 2001 à avril 2009 ; elle avait remplacé la défunte Air Sénégal qui avait mis la clé sous le paillasson en février 2000. Senegal Airlines qui a pris le relai en 2004 agonise sous nos yeux : plus d’avion, dette faramineuse de 60 milliards FCFA impossible à éponger, personnel en chômage technique.
Pourquoi sommes-nous incapables de gérer une compagnie aérienne alors que nous avons tous les atouts pour cela ? Le Sénégal est un hub naturel du fait de sa position géographique privilégiée, les Sénégalais sont grands voyageurs devant l’Eternel et l’aviation a une histoire particulière avec notre pays depuis l’Aéropostale, Jean Mermoz, la création de l’ASECNA à Saint-Louis en 1959 et les tous premiers cadres africains formés par Air France avant l’indépendance. Dans la défunte Air Afrique, les Sénégalais avaient pignon sur rue.
Nous sommes incapables de gérer une compagnie aérienne malgré nos formidables avantages car il nous manque une chose essentielle dans le métier de l’aviation, la chose la plus essentielle : le SERIEUX. En aviation, le manque de sérieux vous plombe immédiatement et vous pousse en dehors du business. C’est la Loi de Murphy : « si les choses peuvent mal aller, elles vont mal aller ». Autrement dit, tous les voyants doivent toujours être au vert ou vous allez droit à la catastrophe. Ce n’est pas un hasard si l’avion de Senegal Air a crashé et disparu. Il faut être sérieux dans le montage des dossiers, le recrutement du personnel, le paiement des fournisseurs, le respect des horaires, des bagages et du service à bord pour les passagers, le respect des programmes de maintenance et d’entretien de la flotte. Toutes choses que la politique politicienne et la cupidité piétinent le doigt au nez. Or, tout est hyper politisé dans notre pays, avec la recherche de l’argent facile comme principale motivation.
Senegal Airlines, par exemple, est un bébé mort-né du fait d’une politisation outrancière dès sa conception. On ne sait même pas qui sont les véritables actionnaires. Tout était géré par la seule volonté du fils du président de la République, par ailleurs ministre des Transports aériens, domaine où il était un parfait novice. Le résultat est là : une trentaine de compagnies opère tous les jours à l’aéroport international de Dakar pendant que nous sommes cloués au sol. Les TAV, Air Burkina, Air Côte d’Ivoire, Ethiopian ou autres sont juste plus sérieux que nous. Conséquence : ils volent et nous ne volons pas.
Nous sommes incapables de gérer une compagnie aérienne parce que nous ne sommes pas sérieux. Il faut être sérieux, c’est-à-dire totalement et complètement objectifs et personnellement désintéressés, dans l’élaboration des stratégies, la conformité aux procédures, le suivi-évaluation de tous les objectifs fixés et l’amélioration continue. C’est le seul chemin qui mène à la performance. En aviation comme partout ailleurs.
Mamadou Sy Tounkara