Après plus de 70 ans de coopération financière, entre la France et les pays de la zone franc, la question du développement de nos Etats respectifs se pose avec acuité. D’où la pertinence de la garantie de la convertibilité et la fixation du taux de change entre autres questions.
C’est la problématique abordée par Ndongo Samba Sylla, économiste et chercheur à la Fondation Rosa Luxembourg et Fanny Pigeaud, journaliste indépendant et collaboratrice à Médiapart dans l’ouvrage intitulé: «L’Arme invisible de la Françafrique; une histoire du franc CFA», présenté au public samedi dernier, dans le cadre des activités mensuelles de l’Arcade appelées «Samedi de l’économie».
Hausser le débat et la réflexion sur le défi monétaire du franc CFA, est une question préjudicielle au développement de nos Etats et nous permettra sans doute de mieux comprendre que l’enjeu est d’importance surtout en termes de développement qu’en termes d’avantages et d’inconvénients de la monnaie. C’est cette lecture revigorante à savoir la pensée monétaire que Fanny Pigeaud, journaliste indépendante et Ndongo Samba Sylla économiste, chargé de programmes et de recherche au bureau Afrique de l’ouest de la Fondation Rosa Luxembourg proposent aux usagers du franc CFA, à travers un livre intitulé: «L’Arme invisible de la Françafrique; une histoire du franc CFA».
L’ouvrage a été officiellement lancé samedi dernier, à Dakar dans le cadre des activités mensuelles de l’Africaine de recherche et de coopération pour l’appui au développement endogène (Arcade), dénommées «Samedi de l’économie».
Tout d’abord l’économiste sénégalais fait remarquer sur cette question que, parler de souveraineté des Banques centrales de la zone franc (Bceao-Uemoa, et Beac-Cemac) en matière de politique monétaire s’avère le moins disant de la problématique. Car, à l’en croire, les statuts (mécanismes) réjouissant le franc CFA sont verrouillés. Ainsi, selon lui, «L’on nous dit que la France garantit la convertibilité illimitée du franc CFA, un gros mot. En clair, cela signifie que si chacune des Banques centrales (Beceao, Beac) venait à voir ses réserves de change s’épuiser (dollars, euros, yens), le Trésor public Français s’arrangerait à leur prêter ses euros à leur volonté. Et donc, nos réserves ne nous servent pas grande chose. D’où la pertinence de l’effectivité de cette garantie de franc CFA? Or, cette réalité a été rarement effective». Et pour preuve: «Depuis la dévaluation de 1994, jusqu’à présent, la France n’a pas prêté un seul sou aux Banques centrales. Parce que le cumul de toutes nos réserves (Sénégal, Côte d’Ivoire…) peuvent assurer nos opérations à l’extérieur. Donc, point de garantie Française». Deuxième chose, qui auparavant était explicité c’est que «la France est représentée dans les Banques centrales (Bc) à travers les conseils d’administration et les comités de politiques monétaire. Mieux, elle s’arroge le droit de véto. Auparavant, c’était explicite mais aujourd’hui, c’est devenu implicite. Parce que pour modifier les statuts, il faut l’unanimité. Mais les décisions ordinaires se prennent à la majorité simple. Et là les africains sont majoritaires. Mais à ce niveau les statuts sont verrouillés déjà». Par conséquent, «sur certaines questions, il n’est pas possible de décider, ni moins encore de délibérer sur quoi que ce soit».
Symboliquement, c’est nous qui finançons la France
Poursuivant son développement, il indique que «la France, siégeant dans les Banques centrales s’est donnée les moyens de mettre en place des ratios de surveillance. En clair, la France se porte garant si jamais nos réserves atteignent 20% de l’émission monétaire, tout en s’assurant qu’on n’arrivera jamais à ce plafond.
Systématiquement ces ratios de surveillance s’arrangent à ce que les réserves ne baissent pas en dessous de 20%. Et pour contourner, très souvent, elle engage des politiques restrictives (politiques de durcissement de crédits) pour éviter ces situations. En définitive, de manière symbolique, c’est nous qui finançons la France, même si, par ailleurs, ceci est moins signifiant par rapport au budget Français. Parce qu’on y dépose nos réserves en y versant une petite commission et la France les utilise à sa guise.»
Ce sont les africains qui garantissent leur propre monnaie au Trésor Français
La question préjudicielle, c’est qu’est-ce la France fait dans le système CFA alors qu’elle ne garantit pas la monnaie. Une question que les économistes et politiciens doivent se poser. D’ailleurs, pour s‘en convaincre, indique le chercheur: «Dans la loi de finances du budget Français, section accord de coopération monétaire (Bceao, Beac, et Banque centrale des Comores), et au titre de la garantie de la convertibilité, il est inscrit zéro. C’est-à-dire la France ne prévoit jamais de garantir le Franc CFA au cas où nos réserves venaient à s’épuiser.
Et lorsqu’une telle situation se pose, seules deux options se dégagent : faire appel au Fonds monétaire international (Fmi) ou alors dévaluer la monnaie».
Pour preuve, souligne –t-il: «En 1994, si la France avait exercé sa garantie, il n’aurait jamais dévaluation. Et à chaque fois qu’on parle de dévaluation, la France s’y soustrait… C’est dire que c’est de l’arnaque».
La garantie de convertibilité, c’est du toc
Débuté par les contre-sens de la France sur la garantie de la convertibilité, l’économiste laisse entendre ceci: «Se vanter d’avoir la meilleure monnaie du monde que la France elle-même ne garantit pas, c’est un non-sens». Et sous ce rapport: «Beaucoup d’économistes ne s’y sont pas penchés. Ceci, nous amène à dire que la garantie de convertibilité n’existe pas, c’est du toc».
Le taux d’intérêt réel est négatif
Depuis la crise financière internationale, les Banques centrales des pays riches ont enclenché des politiques de taux d’intérêts nus pour relancer les crédits aux fins de relancer les économies. Et c’est ce cadre que «la Banque centrale européenne (Bce) a fixé ses taux, et c’est à partir d’un taux que la Bce qu’on rémunère nos réserves au Trésor Français. Ce taux appelé facilité de prêt marginal, c’est le taux au jour le jour auquel la Banque centrale prête des liquidités aux banques. C’est le taux le plus élevé, mais à ce taux, les banques obtiendront toujours les liquidités dont elles ont besoin. Et ce taux d’intérêt était de 0,25% en 2011, puis revu à la hausse à 0,75% entre les pays d’Afrique francophone zone franc et le gouvernement Français régulièrement.
Et l’inflation en zone euro varie entre 1% et plus. Et ceci signifie que le taux d’intérêt réel qu’est la différence entre le taux d’intérêt nominal (0,25% et 0,75%) moins le taux d’inflation donne d’intérêt. Lequel taux est négatif», fait remarquer M. Sylla avant d’affirmer ceci: «En réalité, nous perdons en laissant notre argent dans les comptes d’opérations du Trésor Français…».