Elles sont vingt et une femmes, dont deux fillettes de 12 et 13 ans, à avoir péri dans l’embouchure du fleuve Saloum, mortes noyées après le chavirement de leur pirogue aux larges des îles du Saloum. Une pirogue surchargée, en proie à des vents violents qui ont causé l’irréparable. Quarante-huit heures après les faits qui se sont passés ce lundi 24 avril 2017 vers 17 h 30, les rescapées de Bettenty et leurs proches racontent l’horreur. Ils livrent leurs impressions après que leur localité a enregistré une vingtaine de pertes en vies humaines.
Fatou Sarr, « une femme soumise qui savait s’occuper de son homme »
« On m’a appelé pour dire que ma femme, Fatou Sarr, faisait partie des victimes du naufrage, qu’elle était décédée. Malheureusement, il n’y avait plus de pirogue disponible. Donc on était obligé d’en louer une. Nous sommes arrivés à Bettenty vers 23 heures. C’est dur mais on s’en remet au bon Dieu. J’ai perdu une épouse, une amie, une confidente, une femme soumise qui savait s’occuper de son homme », confie dans le quotidien L’Observateur, Lamine Sarr, enseignant, qui se trouvait à Marsasoum au moment des faits.
Il est le mari de Fatou Sarr depuis 1998. Le couple a eu quatre enfants : deux filles et deux garçons. Des enfants qui pleurent la mort atroce de leur mère.
« J’ai toujours déconseillé à ma fille d’aller en mer »
Awa, mère d’une victime, est habitée par la même peine que le mari de Fatou Sarr. « J’ai perdu ma fille unique. Elle était mariée et mère de deux garçons et d’une fille de deux ans. Son mari est en Italie. Le jour du drame, elle est venue me voir, nous étions ensemble. Elle m’a laissée ici pour partir chercher des huîtres. Je lui ai toujours déconseillé d’aller en mer parce qu’elle était fragile (…) », relate la mère dans les colonnes du journal.
Fatou Bodian, rescapée du drame, pense devoir son salut à une planche flottant dans l’eau. « Personne ne pensait qu’il y aurait des survivants. On pensait qu’on allait tous mourir. J’étais debout à l’intérieur de la pirogue, quand elle a commencé à chavirer. Mais, certes, mes collègues m’ont tirée et je suis tombée. A trois reprises, je suis tombée dans l’eau et me suis relevée. Heureusement, en me relevant pour la troisième fois, j’ai vu une planche flotter dans l’eau et je me suis couchée dessus. J’y ai passé plus de deux heures flottant dans l’eau. Parce que c’est là-bas que les secours m’ont trouvée », se rappelle la miraculée.
« Je ne pourrai jamais oublier cette tragédie »
Mariée et mère de famille, Awa Bodian, 20 ans, pense avoir survécu par miracle. « Je ne peux même pas expliquer ce qui s’est passé. Les choses sont allées très vite. Pour moi, j’ai survécu par miracle. Quand la pirogue a commencé à chavirer, je ne savais pas quoi faire. Je ne voyais que la mort. Pour moi, c’était déjà fini. Et alors, toutes mes pensées étaient tournées vers mon petit garçon. Heureusement, en me retournant, ma main a saisi une planche de la pirogue, à laquelle je me suis accrochée de toutes mes forces. Et là, je voyais les femmes que je connaissais très bien, mourir. Certaines criaient, demandant de l’aide. Je revois encore ces femmes qui ont toutes rué vers le piroguier qui s’activait pour sauver tout ce beau monde. Ce qui était quasi-impossible. Cette image n’arrête pas de tourner dans ma tête. Toute la nuit, j’ai pensé à ça. C’était difficile. Les cris et les pleurs de ces braves femmes résonnent encore dans mes oreilles. Je ne pourrai jamais oublier cette tragédie », pleure Awa Bodian.
L’État du Sénégal, pour porter assistance aux victimes et à leurs familles, a offert 10 millions de FCfa et 10 tonnes de riz. Après la visite du ministre de la Pêche, le président Macky Sall est attendu à Bettenty, vendredi.