A Dakar depuis quelques semaines suite au décès de son père, Toubabou Dior, le lutteur Nar Touré revient sur les rapports qu’il entretenait avec son défunt papa. Dans cet entretien, «l’intellectuel de la lutte» est revenu, entre autres, sur son séjour aux Etats-Unis depuis trois ans, ses études, la crise qui frappe l’arène et son avenir sportif tout en précisant n’avoir pas abandonné la lutte.
Comment avez-vous appris le décès de votre père, Toubabou Dior ?
J’ai un ami journaliste à New York qui m’a appelé à une heure inhabituelle le lundi, très tôt le matin, pour me demander si tout va bien de mon côté. Cela a réveillé mes soupçons car je savais que mon père était malade. Et ce même lundi, ma mère m’avait déjà envoyé un Sms pour me dire que mon père était gravement malade et qu’au cours de la nuit, la situation s’était empirée. Quelques minutes plus tard, un autre ami du nom de Ablaye Ndiaye m’appelle du Sénégal et me demande ce qui se passait. Finalement, c’est lui qui me l’a annoncé, car aucun membre de ma famille n’avait voulu m’informer ; ils cherchaient certainement la bonne formule.
Quelle a été votre réaction en apprenant le décès de votre père ?
Comme tout fils apprenant le décès de son père, j’ai paniqué. Mais en bon croyant, je me suis ressaisi quelques minutes après et j’ai même eu le courage de répondre à mes appels leur disant que tout ce qu’on peut faire actuellement, c’est de prier pour lui. Prier pour le repos de son âme. Prier pour que Dieu l’accueille au paradis.
Aviez-vous discuté avec votre père avant son décès ?
J’ai parlé avec lui deux jours avant son décès. C’était justement pour voir son état de santé. Je le savais un peu souffrant de maux de tête, il revenait d’ailleurs de l’hôpital. Mais il m’avait rassuré que ça allait mieux.
Quel genre de relation aviez-vous ?
Mon père était mon plus grand conseiller. Des Etats-Unis, je l’appelais régulièrement. Il se prononçait sur tous les sujets, tous les thèmes en me donnant des conseils.
Confirmez-vous l’information selon laquelle votre père n’a jamais voulu que vous soyez lutteur ?
Non ! Mon père avait toujours prôné l’indépendance. Pour cela, il me disait de ne jamais me cloîtrer dans la lutte uniquement. D’être lutteur certes, mais d’avoir une autre qualification, un métier autre que ce sport. Mais il ne m’a jamais interdit de lutter.
Qu’est-ce qui vous différencie de votre père si on vous compare tous les deux en tant que lutteurs ?
Je dois d’abord préciser que je n’aimerais pas qu’on me compare à mon père. Il fut un grand champion sur tous les plans. Dans l’arène et dans la vie de tous les jours, moi je ne fais que suivre ses pas.
Quelle formation êtes-vous allé suivre aux Etats-Unis ?
Après le Master en commerce international, je suis une formation dans le domaine du sport. J’allie donc sport-études-travail car je vis et travaille aux Etats-Unis. Mais il est important de faire savoir que la vie hors de sa famille, de son pays, est la vraie école, la vraie formation. Vivre aux Etats-Unis est déjà une formation, c’est l’école de la vie. Pour dire que tous ceux qui vivent hors de leur pays, sont en formation permanente.
Pourquoi avoir laissé la lutte ?
(Catégorique) Je n’ai pas abandonné la lutte ! Comme je l’ai dit plus haut, je demeure dans le domaine du sport. Je m’entraîne comme si j’avais un combat. Je me suis imposé ce rythme d’entraînement car je veux lutter même demain. Mon combat contre l’Espagnol Juan aurait été un beau duel, mais les démarches au niveau du promoteur n’ont point abouti. J’attends toujours des propositions. Mon manager s’y active car j’ai beaucoup d’adversaires dans l’arène.
Qui est dans votre ligne de mire ?
Aujourd’hui, j’attends des combats chocs. Mes adversaires sont nombreux dans l’arène. Et mon staff ici comme aux Etats-Unis est fin prêt car je dois renouer avec mes supporters et tous les amateurs qui verront un Nar Touré new-look.
Un mot sur votre palmarès…
Concernant ma carrière, je suis sur une série de deux (2) victoires consécutives. Mes deux dernières victimes dans l’arène sont Yarame Guèye de Rock Energie et Ablaye Wade de l’école de lutte Mor Fadam. J’ai pris part au tournoi «Mbeurou Demeu» (lutteurs d’hier) en 2009 où j’ai été finaliste malheureux.
Comment voyez-vous l’avenir de la lutte avec la crise qui la secoue actuellement ?
L’arène est en crise, c’est une réalité. De plus en plus des lutteurs sont laissés en rade pendant de nombreuses saisons. Il y a aussi des promoteurs qui se retirent etc. Mais étant notre tradition, notre sport national depuis des décennies, la lutte avec frappe ne mourra pas. Seulement j’en appelle à la sagesse des promoteurs et de mes collègues lutteurs. Toutes les deux entités doivent être modérées dans leurs rapports pour l’évolution de ce sport qui fait la fierté de notre pays et qui nourrit des centaines de familles.
L’exigence de perpétuer l’œuvre de votre défunt père pourrait être une motivation pour vous…
En effet, et je rappelle que je suis toujours dans l’arène et l’œuvre de mon père doit être perpétuée.
Comment jugez-vous la gestion du Cng de lutte ?
Aucune œuvre humaine n’est parfaite. Voilà pourquoi il ne faut pas jeter la pierre au Cng. Reconnaissons que nous lutteurs, avons eu beaucoup d’acquis avec le Cng. Les choses ont indéniablement évolué dans l’arène même s’il reste encore beaucoup à faire. Les dirigeants font des efforts énormes.
Prévoyez-vous d’organiser quelque chose pour rendre hommage à votre père ?
Je verrai avec les promoteurs, comment organiser un Mémorial Toubabou Dior. Et pour rendre hommage à mon père, je suis prêt à lutter. Je le répète, je suis toujours dans l’arène et j’ai un staff ici et aux Etats-Unis.
Justement, quand est-ce que vous comptez rentrer aux Etats-Unis ?
J’ai un programme très chargé ici pour le moment. Dès que je finis, je retournerai aux Etats-Unis.
Nar Touré est-il marié ?
Oui, je suis marié mais je n’ai pas encore d’enfant.
lequotidien.sn