Le chef de l’opposition mozambicaine Afonso Dhlakama accuse les forces gouvernementales de violer le cessez-le-feu proclamé fin décembre par sa branche armée, mais continue à espérer qu’il permette de relancer les pourparlers de paix avec le pouvoir.
La Renamo, l’ancienne rébellion de la guerre civile (1976-1992) qui a repris les armes en 2013, a décrété à la surprise générale une trêve unilatérale le 27 décembre dernier.
Présentée comme un « geste de bonne volonté », elle devait suspendre le conflit larvé avec les troupes de Maputo, qui a fait plusieurs centaines de morts et des milliers de réfugiés.
Mais selon Afonso Dhlakama, qui a accordé jeudi à l’AFP un rare entretien téléphonique depuis la montagne de Gorongosa (centre) où il est retranché depuis octobre 2015, le gouvernement joue aujourd’hui un jeu trouble.
L’armée « tend des embuscades, kidnappe et met en prison » les rebelles et les sympathisants de la Renamo, affirme le chef de la Renamo. « Il y a eu des morts », poursuit-il sans toutefois donner de bilan.
S’il admet qu’il n’y a pas eu d’offensive militaire en bonne et due forme contre sa base depuis un mois, il dénonce les « missions de reconnaissance » menées par les forces gouvernementales dans les environs.
« Que viennent-ils faire là ? Ils comptent encore lancer des opérations pour venir tuer Dhlakama? », s’interroge le rebelle de 64 ans, qui parle souvent de lui à la troisième personne.
« Veulent-ils voir où se trouve la rivière où Dhlakama s’abreuve pour pouvoir l’empoisonner ? Ou les chemins que nous empruntons pour y poser des mines antipersonnel ? ».
En octobre 2012, vingt ans après la fin de la guerre civile, M. Dhlakama a quitté son statut d’opposant pour retourner dans son maquis de Gorongosa avec 800 de ses anciens guérilleros. Six mois plus tard, ses troupes ont repris les attaques contre l’armée.
Il exige depuis du Frelimo, le parti au pouvoir depuis quarante et un ans au Mozambique, un meilleur partage du pouvoir.
Après deux ans d’instabilité, la Renamo et le gouvernement ont signé un premier cessez-le-feu à la veille des élections d’octobre 2014.
– Guérilla –
Battu pour la cinquième fois dans ce scrutin, le chef de l’opposition a refusé d’en reconnaître les résultats et réclame le contrôle de six des onze provinces du pays que son parti estime avoir remportées.
Aujourd’hui, Afonso Dhlakama milite pour une réforme de la Constitution et une véritable décentralisation, afin que chaque province puisse élire son gouverneur.
Depuis février 2016, après une vague de rapts et d’assassinats contre ses cadres, le chef de la Renamo a donné ordre à ses hommes de viser le trafic sur les routes du centre du pays. Ces embuscades ont fait plusieurs morts et replongé la région dans l’instabilité.
Malgré la trêve, l’armée continue à s’en prendre à ses hommes et à la population, accuse M. Dhlakama.
« Les forces armées vont dans les villages, tirent pour disperser la population, et ensuite entrent dans les maisons pour prendre les poules et les chèvres. C’est typique du Frelimo », lance-t-il.
Il n’existe pas de décompte officiel des victimes de cette nouvelle guérilla. Mais selon le chef de la Renamo, « des centaines et des centaines de militaires sont morts entre début 2015 et fin 2016 ».
« Ou bien le Frelimo ne sait pas tenir ses troupes, ou bien il y a un manque de volonté », résume-t-il.
Malgré ces accusations, Afonso Dhlakama n’entend pas renoncer à la trêve, qu’il dit avoir décrétée pour redonner une chance aux négociations de paix.
Encadrées par des médiateurs internationaux, ces discussions, qui ont repris en mai 2016, n’ont pas réussi à empêcher l’escalade des tensions. Au point que, mi-décembre, ces médiateurs ont quitté le pays sur un constat d’échec.
« Je dois parler au président Filipe Nyusi dans les prochains jours car on attend toujours à ce qu’il donne le signal du retour des médiateurs », espère M. Dhlakama.
Le rebelle affirme qu’il ne quittera sa montagne que pour signer un accord de paix.
« On ne va pas renoncer à la trêve. Tous les jours, quelqu’un m’appelle pour me demander de la prolonger après le 4 mars. Je leur réponds que cela dépendra de l’avancée des négociations », conclut-il.