Mamadou Mouth Bane est un journaliste spécialisé en Terrorisme, Criminalité et Relations internationales. Dans un entretien exclusif accordé à Xibaaru, le président du mouvement citoyen « Jubanti Sénégal », membre de la société civile sénégalaise, revient sur des faits marquants de l’actualité nationale, notamment la mise en place de la coalition Manko Taxawu Sénégal dont il dit faire partie des principaux artisans.
Bonjour M. Bane, comment se porte le mouvement « Jubanti Sénégal » ?
Permettez-moi d’abord de vous remercier pour l’intérêt que vous portez sur ma personne. Notre coalition « Jubanti Sénégal » se porte bien. Ce qu’il faut comprendre, c’est que « Jubanti » n’est pas un parti politique. C’est un mouvement citoyen membre de la société civile. Nous avons noué un partenariat stratégique limité dans le temps avec certains membres de l’Opposition qui sont dans Mankoo Taxawu Sénégal.
Sur le plan organisationnel, depuis sa création, « Jubanti Sénégal » a installé des cellules dans certains départements du Sénégal. Notre spécialité, c’est l’éveil des consciences par rapport à la marche du pays. Nous avons remarqué que les Sénégalais, dans leur écrasante majorité, n’ont pas le sens de la citoyenneté. Ils ne savent pas pourquoi ils votent. Ils ne votent pas pour des raisons objectives. Certains n’hésitent pas à vendre leur carte d’électeur.
Les Sénégalais ne regardent pas le programme du candidat qu’il choisit. Ce n’est pas leur affaire. Ils suivent leur intuition en votant. C’est la raison pour laquelle, jamais nos dirigeants ne font une évaluation de leur programme de gouvernement. Et les citoyens ne sont pas rigoureux dans leur choix. Or, un citoyen exemplaire, c’est celui qui connait le sens du vote et qui œuvre pour l’émergence de son pays sans condition.
Pour nous, le Sénégal ne sera émergent que lorsque 80% de la population sera instruit. L’éducation est la base de l’émergence. Il faut que le Gouvernement investisse davantage dans l’éducation et la formation des jeunes pour qu’on ait un citoyen conscient de son devoir dans la société. C’est-à-dire un citoyen qui comprend qu’il est le principal et unique acteur de son propre épanouissement. C’est le travail de nos dirigeants d’abord. Car ce sont eux qui définissent la politique de la Nation. En tant que mouvement citoyen, nos moyens limités ne nous permettent pas d’aller au-delà des sensibilisations.
« Jubanti Sénégal » sensibilise les populations dans le domaine de la santé, de l’éducation. Nous avons mené des activités en faveur de la petite enfance. Je tenais à préciser que « Jubanti Sénégal » vit des cotisations de ses membres. Nous n’avons pas les moyens de nos ambitions. C’est la volonté, l’engagement et l’envie de bien faire qui motivent nos membres. Nous avons des ambitions pour notre pays. D’ailleurs, « Jubanti Sénégal » travaille sur une offre politique qui sera proposée aux Sénégalais.
L’opposition vient de mettre en place la grande coalition Manko Taxawu Sénégal, votre mouvement en fait-il partie?
Nous sommes la locomotive de cette coalition car je me suis investi pour la mise en place de cette plateforme. Au début du mois de février, j’avais adressé une lettre à l’ensemble des leaders de l’Opposition pour leur demander de tout faire pour mettre en place une liste commune. Mieux, j’ai rendu visite à Idrissa Seck, à Malick Gakou, à Abdoul Mbaye, à Mamadou Lamine Diallo, à Mamadou Diop Decroix et à Oumar Sarr, tous membres de l’Opposition. J’ai aussi rendu compte à Oumar Sarr de mes échanges avec Idrissa Seck à propos des retrouvailles de la famille de Me Abdoulaye Wade. Je tenais à rendre hommage à Idrissa Seck pour sa grandeur et son esprit de dépassement. C’est un homme que j’ai découvert. J’ai beaucoup joué dans ces retrouvailles entre Me Abdoulaye Wade et Idrissa Seck. Aujourd’hui, par la force des choses, Idrissa est devenu un homme incontournable dans cette bataille contre le régime de Macky. Il est un adversaire très sérieux contre Macky en 2019.
Mais il faut saluer le travail remarquable effectué par Malick Gakou qui a le don de fédérer toutes les contradictions politiques au sein d’une même coalition. Sur le plan pratique, il a été l’orfèvre de la plateforme Mankoo Taxawu Sénégal. Je suis l’un des acteurs principaux de cette coalition. Mais contrairement à certains, je mets en avant l’intérêt du groupe. Je ne demande rien. Je n’exige rien. Je ne m’accroche à rien, j’ai encore du temps pour apprendre. Toutefois, il faudra éviter que la liste de Mankoo soit une affaire de politiciens exclusivement. Mankoo Taxawu Sénégal est la liste du peuple. Elle a les couleurs nationales le vert, le jaune et le rouge.
Ma seule crainte par rapport à notre coalition, c’est qu’on est en train d’oublier la vraie bataille. C’est-à-dire celle de la transparence des élections. Nous avons abandonné le combat pour l’organisation du scrutin par une personnalité consensuelle. Nous avons relevé beaucoup de manquements très graves dans le processus électoral. Aujourd’hui, nous avons des craintes par rapport à la distribution des cartes et à l’organisation matérielle des élections. Les Législatives ne seront pas transparentes parce que le processus est volontairement saboté par le pouvoir depuis le début. L’audit du fichier est une obligation de transparence mais comme nous l’avons remarqué tous, rien ne sera fait. Et du côté de l’Opposition, on est plus préoccupé par les listes que par la transparence et la crédibilité du scrutin.
Alors, j’invite les leaders de Mankoo Taxawu Sénégal à éviter de faire de cette coalition un club des ennemis de MackySall. Les Sénégalais ne veulent pas d’une coalition bâtie sur le sable de la haine. Nous voulons une coalition qui rassurera les Sénégalais avec une offre programmatique convaincante. Les Sénégalais veulent savoir les projets de réforme de Mankoo Taxawu Sénégal. Qu’est ce que la coalition propose concernant l’indépendance de la justice, la gestion de nos ressources et le processus électoral. Concernant les ressources humaines, nos concitoyens ont plusieurs fois dénoncé l’élection des députés non instruits qui ignorent même leur mission et le sens de leur vote au parlement. Avant de finir sur cette question, j’invite les leaders de Mankoo Taxawu Sénégal à tendre la main à tous les partis et organisations membres de Mankoo Wattu Sénégal qui se sont investis dans l’opposition aux côtés de ces leaders.
Le président du Grand parti, Malick Gakou, a été investi pour diriger la liste départementale de Guédiawaye pour les Législatives. Votre mouvement a été le premier à réclamer cette investiture, qu’est-ce qui explique ce choix ?
Oui vous avez raison, « Jubanti Sénégal », à travers son Vice-président Mamadou Thiam, a porté la candidature du Président Malick Gakou comme tête de liste à Guédiawaye. Je tenais à le féliciter très sincèrement pour le travail qu’il a abattu. Mais cela a coïncidé avec la volonté du peuple de Guédiawaye. Malick Gakou a le meilleur profil et il a eu le courage de descendre à la base pour affronter le frère du Président Aliou Sall à sa meute. Le président Gakou pouvait exiger la tête de liste nationale mais à cause de son humilité, il a préféré répondre à l’appel de ses frères de Guédiawaye. Vous savez, les populations de Guédiawaye ont envie de corriger l’erreur de 2014 qui avait porté Aliou Sall au pouvoir. Certains disaient que c’est Gakou qui s’est arrangé avec Macky Sall pour laisser Aliou devenir maire de la Ville. Aujourd’hui, le mot d’ordre est donné, il faut rapatrier Aliou Sall auprès de ses parents à Fatick. L’élection d’Aliou Sall a été une grosse déception pour l’ensemble de la classe politique. Le pouvoir est en train de tout faire pour créer des listes fantoches pour éclater l’électorat de l’Opposition. Mais, comme je l’ai dit à mon Vice-président Mamadou Thiam, une élection se gagne avant le jour du scrutin.
Vous avez dernièrement révélé que le chef de l’Etat Macky Sall a l’intention de mettre son frère à la tête de l’Assemblée nationale, sur quoi vous fondez-vous pour porter de telles allégations ?
C’était un projet de la famille Sall. Mais dans cette famille, tout le monde n’était pas d’accord d’ailleurs. Il a fallu que je le dise pour qu’il renonce. Quelqu’un m’a dit que le Président Sall n’ose pas nommer son frère à la tête de l’Assemblée nationale. Alors, qu’est ce qui l’en empêcherait si on sait qu’il a fait élire son oncle à la Mairie de Pikine, son beau-frère à la Mairie de St Louis. Il suffit qu’Aliou Sall devienne député pour que le projet soit opérationnel. Même si l’Opposition est majoritaire à l’Assemblée, le pouvoir peut investir des moyens financiers immenses pour acheter des voix. C’est pourquoi, il faudra qu’on soit rigoureux dans le choix des futurs députés de l’Opposition. Il faut investir des hommes et des femmes dignes, capables de résister à toute forme de corruption. En plus, cité dans l’affaire Pétro Tim, ce poste de député allait rendre difficile les poursuites contre Aliou Sall. Nous avons appris que Racine Talla, le Directeur général de la RTS, pourrait être la pièce de rechange pour Aliou Sall à la tête de la liste de Benno de Guédiawaye. Si le Directeur de la RTS est investi cela posera encore le problème de l’accès des médias publics pour l’Opposition. Parce que, depuis toujours, il a refusé l’accès de la RTS aux opposants. Là, les choses vont s’empirer s’il devenait acteur dans ces élections.
L’opposition parle souvent d’imposer la cohabitation au régime dès juillet, pensez-vous que cela soit possible avec un régime présidentiel comme le nôtre ?
C’est bien possible. Et je pense que ce sera un test pour la démocratie sénégalaise. La cohabitation, c’est juste le partage des pouvoirs du Président dans un régime ultra présidentiel comme c’est le cas au Sénégal. Et cela va renforcer le pouvoir législatif. Une cohabitation saine permet d’équilibrer les pouvoirs exécutif et législatif. Nous avons des hommes politiques responsables tant du côté de l’Opposition comme du côté du pouvoir. Et jamais ils ne poseront des actes qui pourraient menacer la stabilité institutionnelle de notre pays. Je pense que la cohabitation existe déjà parce qu’actuellement le président de la République n’est pas dans le même parti que le président de l’Assemblée nationale. Nous n’avons connu aucun problème malgré tout.
Le ministre de l’Energie Thierno Alassane Sall vient d’être limogé, quelle appréciation en faites-vous?
En dehors des commentaires et des informations approximatives fournies par la presse, c’est la coïncidence entre son départ et l’entrée de Total qui m’ont intrigué. Lorsqu’il quittait le Palais, la délégation de Total était dans la salle d’attente. Et sa démission a tellement surpris le Président qu’il n’avait pas eu le temps de nommer un nouveau ministre. La nomination d’un nouveau ministre allait entraîner le report de la signature du contrat de Total, c’est ce qui explique le choix porté sur le Premier ministre pour assurer l’intérim de Thierno Alassane Sall juste le temps de la signature.
Votre dernier mot.
Je vais finir en lançant un appel à toute la classe politique du Sénégal. Le sous-développement de notre pays est le fruit de l’échec de toutes les générations politiques depuis 1960. Ceux qui sont dans l’opposition ne sont pas plus méritants que ceux qui dirigent le pays aujourd’hui. Ils se connaissent tous. Les uns ont travaillé avec les autres que cela soit sous Senghor, sous Diouf, sous Wade ou sous Macky. Ce se sont les mêmes hommes qui font la navette entre le pouvoir et l’opposition. C’est le même personnel politique, seuls les noms des coalitions changent. En général, le peuple, qui n’a pas de mémoire, suit les hommes politiques sans regarder dans le rétroviseur. Je pense que nous devons être plus rigoureux dans le choix de nos dirigeants en insistant sur leur moralité, leur intégrité, leur compétence et leur amour pour la patrie.
Les hommes politiques sénégalais tournent en rond. Certes Macky Sall a commis des erreurs mais rien ne dit que ceux qui le combattent sont meilleurs que lui. Parce que juste que là, les Sénégalais n’entendent que des insultes et des critiques acerbes mais nous n’avons pas encore vu un programme politique cohérent capable d’éradiquer la pauvreté et l’analphabétisme dans le pays. Nos dirigeants doivent débattre autour de leurs offres programmatiques à la place des invectives.