Silke Pan était une acrobate chevronnée. Alors que son corps était son outil de travail et d’expression, elle chute lors d’un numéro de trapèze et se retrouve clouée à vie dans un fauteuil. Un drame qu’elle a surmonté grâce à sa ténacité et à l’amour de son compagnon.
Silke et Didier étaient acrobates de cirque : leur numéro, surnommé le « jungle joke », était si difficile qu’un jour, la main de Didier n’a pas été au rendez-vous et Silke est tombée. Une chute qui a brisé sa colonne vertébrale, mais pas sa vie : Silke, désormais paraplégique, se découvre une passion pour le handbike.
Aujourd’hui, elle est devenue une athlète paralympique aux multiples médailles. « Ce qui est important désormais, c’est d’aller de l’avant. C’est de constater que notre amour est plus fort que le sort que nous a réservé la vie. » Ces mots, ce sont ceux d’une femme incroyable dont le courage n’a d’égal que sa capacité à n’avoir jamais baissé les bras.
Depuis sa plus tendre enfance, en Suisse, Silke voue une véritable passion à la gymnastique, jusqu’à en faire son métier, en tant qu’acrobate de cirque. Son partenaire de tour, c’est Didier, de onze ans son aîné, son homme à la ville. Ensemble, ils mettent au point un numéro périlleux en 2002, et c’est le début de la gloire.
Les foules se pressent pour voir le couple volant, que ce soit dans les hôtels, les parcs d’attractions ou les cirques, le succès ne se dément pas. Le point d’orgue de leur show, c’est le « jungle joke », un numéro réalisé des centaines et des centaines de fois. « J’adorais le trapèze, confie Silke. « En l’air, je contrôlais tout, je me sentais libre comme un oiseau. Je n’ai jamais eu peur, même si je savais qu’une chute pouvait être potentiellement mortelle. »
« Je n’ai pas crié, pas pleuré. J’étais juste K.-O »
Une passion qui prend brusquement fin le 24 septembre 2007. Didier ne rattrape pas sa femme, qui chute sur le sol de terre battue devant un public sidéré. La colonne vertébrale brisée et la moelle épinière sectionnée, Silke reste quinze jours dans le coma. « A mon réveil, j’ai vu Didier, ma mère et plein de médecins autour de mon lit, l’air catastrophé. Je ne savais pas où j’étais ni ce que je faisais là. J’ai voulu me lever, mais mes jambes ne répondaient pas. J’ai pensé que j’étais trop fatiguée », raconte la jeune femme, qui n’a aucun souvenir de l’accident. Elle apprendra la cruelle réalité de la bouche du médecin chef. « Je n’ai pas crié, pas pleuré. J’étais juste K.-O. »
Durant sept mois, elle reste alitée. Son mari élit domicile sur le parking de l’hôpital et ne la quitte plus. « Il m’a été d’une aide incommensurable. Je ne savais plus qui j’étais ni pourquoi j’existais. Mon corps, qui me permettait jusque-là de me déplacer dans l’air comme un papillon ou un oiseau, m’était devenu étranger. Une masse lourde et morte, un boulet qui me tirait au fond de la mer. »
JamaisSilke n’a reproché à Didier cet instant où il a loupé sa main. « Elle ne m’en a jamais parlé, confirme-t-il. C’est une femme extraordinaire. »Pour l’ancienne acrobate,Didiern’est pas fautif. Elle avoue songer parfois aux circonstances qui l’ont menée dans cette chaise roulante : »Je pense qu’il avait très chaud dans le costume de gorille qu’il portait pour notre numéro. La transpiration a rendu ses mains glissantes, et la sueur a obstrué sa vue. Voilà. C’est ainsi. »
« Un besoin vital de tout donner »
Comme si le sort ne s’était pas assez acharné, le couple s’est retrouvé avec près de 100.000 euros de dettes envers l’hôpital. Un souci administratif qui oblige le couple à vivre dans une cabane non chauffée au fond du jardin de la mère de Didier durant trois ans. Mais l’amour qui les unit les pousse à avancer, à se dépasser. Leurs ennuis financiers enfin réglés par l’assurance, ils se lancent ensemble dans la décoration à base de ballons gonflables. Là encore, le succès est au rendez-vous. Mais cela ne suffit plus à Silke, qui a retrouvé sa persévérance d’antan. « Je ressentais un besoin vital de pouvoir tout donner de moi-même, comme avant. »
Le salut viendra du sport. Elle découvre le handbike (vélo à bras) et, avec l’aide de Didier, elle se donne à fond dans ce dérivé du cyclisme, début 2012. En moins d’un an, elle obtient un palmarès époustouflant : neuf médailles d’or, deux d’argent et une de bronze. L’équipe nationale allemande lui ouvre ses portes. Elle se qualifie ensuite pour les championnats du monde.
Elle a même été la marraine d’une manche de Coupe du monde de paracyclisme en Suisse. On ne l’arrête plus. Didier se voue entièrement à la femme qu’il aime, à la fois mécano, coach, agent ou chauffeur, il est surtout et avant tout, son premier supporter : « Quand elle était debout, j’étais plus grand qu’elle. Maintenant qu’elle est assise, elle me dépasse… »