Mohammed ben Salman, le prince qui veut transformer l’Arabie saoudite

Mohammed ben Salman, le prince qui veut transformer l’Arabie saoudite

En Arabie saoudite, le prince héritier Mohammed ben Salman a promis cette semaine que son pays se montrerait « modéré, tolérant et ouvert », des adjectifs qui tranchent avec le rigorisme religieux en vigueur dans ce royaume ultra-conservateur. Le futur roi affiche sa volonté de réformes économiques et sociétales. Mais il est aussi l’artisan du durcissement de la politique régionale de son pays.

 

Mohammed ben Salman veut transformer l’économie de son pays et les projets sont ambitieux. Il y a ainsi cette future zone de développement économique sur les rives de la mer Rouge, baptisée Neom. Cinq cents milliards de dollars d’investissements annoncés pour faire naître un gigantesque complexe dédié aux secteurs de l’énergie, de l’eau, de la biotechnologie ou encore du divertissement.

 En août dernier, l’Arabie saoudite affichait un autre projet spectaculaire : la transformation d’une cinquantaine d’îles de la mer Rouge en complexes touristiques de luxe.
 Ces desseins pharaoniques ont en commun de vouloir diversifier l’économie saoudienne, qui repose aujourd’hui sur la manne pétrolière. Cette volonté de changement est incarnée par un homme de 32 ans, Mohammed ben Salman. Fils du roi, prince héritier, ministre de la Défense, il est aussi en charge de l’économie du royaume. Son projet a été baptisé « Vision 2030 » et doit permettre à cette date de dessiner le nouveau visage de l’Arabie saoudite.

Réformes

 
 « Nous voulons vivre une vie normale, où notre religion signifie tolérance et bonté », a lancé le prince héritier cette semaine devant des milliers de décideurs réunis dans la capitale saoudienne. Mohammed ben Salman a même mentionné « l’ouverture aux autres religions » alors que toute religion autre que l’islam est officiellement interdite en Arabie saoudite.

Mohammed ben Salman semble donc vouloir rompre avec l’image de rigorisme extrême associée à son pays. Certains changements ont eu lieu ces dernières années, avec le droit de vote et de candidature des femmes depuis le scrutin local de 2015. Et l’Arabie saoudite a récemment annoncé que les femmes auraient le droit de conduire dans le royaume en juin prochain. Mais les réformes sociétales s’accompagnent aussi d’un tour de vis politique, comme en témoignent les arrestations de religieux et de membres de la société civile qui ont eu lieu en septembre dernier.

Rivalité avec l’Iran

Pour mener à bien ses réformes, Mohammed ben Salman s’appuie sur la jeunesse de son pays. « 70 % de la population saoudienne a moins de 30 ans », a-t-il rappelé cette semaine. Le trentenaire s’est rapproché du pouvoir en juin dernier, passant du statut de vice-prince héritier à celui de prince héritier. Et son père, le roi Salman (arrivé au pouvoir en 2015) est âgé de 81 ans. « Si Dieu lui prête vie, « MBS » sera au pouvoir pendant les 50 prochaines années », nous confiait récemment un diplomate occidental.

Les faits et gestes du prince et futur roi sont scrutés par les alliés comme par les adversaires de l’Arabie saoudite. « Une jeune génération arrive au pouvoir dans la région, elle doit apprendre la sagesse », estime ainsi un diplomate iranien.

Car « MBS » est aussi l’artisan du durcissement de la politique régionale de l’Arabie saoudite. Ministre de la Défense de son pays, le prince héritier est aux commandes de la coalition régionale qui bombarde le Yémen depuis mars 2015. La lutte contre les rebelles houthis derrière lesquels l’Arabie saoudite voit la main de l’Iran a fait des milliers de morts dont de nombreux civils. L’ONU parle aujourd’hui de la « pire crise humanitaire au monde » à propos du Yémen, en proie notamment à une épidémie de choléra.

Crise avec le Qatar

Au Yémen comme dans d’autres crises de la région, le royaume saoudien est en lutte contre son rival iranien. Mais à la surprise générale, Riyad s’est brutalement retourné contre l’un de ses alliés en juin dernier. L’Arabie saoudite (ainsi que les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte) ont rompu avec le Qatar, accusé de « soutenir le terrorisme » et d’être trop conciliant avec l’Iran.

Pour de nombreux adversaires, Mohammed ben Salman est l’artisan de cette crise inédite qui fragilise le Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui regroupe les monarchies de la péninsule et dont l’Arabie saoudite et le Qatar sont des membres fondateurs.

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