Le licenciement de Mme Fatou Ly Sall Croquette de ses fonctions de chef adjoint des Services des ventes et contrats du quotidien national Le Soleil a fait couler beaucoup d’encre et en fera encore couler sans doute. En attendant que les parties en conflit puissent régler leurs comptes devant les Tribunaux, Mme Croquette a souhaité s’exprimer. Et c’est pour dénoncer «la gestion despotique» du directeur général Yakham Mbaye. Elle se désole également que son propre syndicat, la Cnts, se soit rangé derrière Yakham Mbaye.
Vous avez été licenciée par le directeur général du quotidien national Le Soleil après qu’on vous a reproché d’avoir refusé de passer le test du Covid-19. Ce que vous avez dénoncé dans la presse. Selon vous, s’agit-il d’un prétexte saisi par la direction pour se débarrasser de vous ?
Vous savez, ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément… Je suis très constante sur ce que j’ai avancé jusque-là dans les médias. Pour rappel, sous la pression de la direction générale du Soleil, tôt le matin du 23 mars, je suis allée voir un médecin. Après consultation, le médecin déclare que je n’ai aucun symptôme de coronavirus. Malgré ce constat et jusque tard dans la soirée, vers 21h, je suis sommée d’aller me faire dépister à l’Institut Pasteur alors que toute la journée, je suis restée dans le bureau avec six collaborateurs et que, à aucun moment, il ne leur a été demandé de quitter le bureau ou d’aller voir un médecin ou de se faire dépister. Je voudrais également relever qu’exiger d’une personne d’aller se faire dépister est une démarche en totale violation avec le protocole établi par le ministère de la Santé que le Dg du Soleil, dans un message WhatsApp envoyé aux agents du Soleil, dit avoir consulté avec le ministre de l’Intérieur avant de procéder comme il l’a fait à mon égard. Donc il y a un problème, une stigmatisation dès le départ de l’affaire, une cabale, un acharnement sur la personne de madame Croquette. Maintenant s’agit-il d’un prétexte pour se débarrasser de moi ? La réponse est claire comme l’eau de roche : Oui ! Yakham Mbaye a jeté son dévolu sur moi pour des raisons qui lui sont propres. Deux ans d’humiliations, deux ans d’acharnement, deux ans de pressions morales, deux ans de plans machiavéliques pour me pousser à la démission. J’ai souffert en silence pendant deux ans… Combien de fois Yakham Mbaye a fait pleurer ma mère parce qu’ayant partagé le secret de mes souffrances professionnelles avec elle ? J’ai résisté, résisté jusqu’au 26 mars 2020, vers 11h chez moi, devant ma famille, jusqu’à ce qu’un huissier de justice vienne m’offrir ma lettre de licenciement.
Quels étaient vos rapports avec le directeur général Yakham Mbaye ?
Mes rapports avec Yakham Mbaye ? Je ne peux pas parler de rapports… Faisant partie des cadres de l’entreprise, je n’ai eu le privilège, si on peut l’appeler ainsi, de le rencontrer dans le cadre du travail qu’à deux reprises, et à titre extra-travail, dans le cadre de l’Amicale des femmes du Soleil que je dirigeais, deux fois également. Donc, je n’ai rencontré M. Mbaye que 4 fois pendant ses 2 années au Soleil. En dehors du lieu de travail, je ne connais pas ce monsieur. La toute première fois que je l’ai vu, c’était lors de sa passation de services avec son prédécesseur, M Cheikh Thiam.
Quelle suite comptez-vous donner à cette affaire ? Vous bénéficiez du soutien de deux des trois syndicats de la maison qui ont même annoncé des plaintes contre le Dg…
Les deux syndicats, Synpics et Slts, sont avec moi pour lutter contre l’injustice que je subis depuis deux ans et veiller à la sauvegarde des intérêts du Soleil. Je leur adresse ici toute ma gratitude et un grand merci. Le moment est venu de mettre fin aux plans perfides et diaboliques de Yakham Mbaye. Le Soleil est une famille, et une famille ne se dessoude pas, ne se disloque pas. Les travailleurs du Soleil ont un seul combat et cela ne date pas d’aujourd’hui : préserver leur outil de travail… et nous ne laisserons jamais quelqu’un détruire notre joyau qu’est Le Soleil et que des générations de brillants journalistes et administratifs ont bâti avec talent et engagement. Les deux syndicats me soutiennent, la Confédération des syndicats autonomes du Sénégal (Csa) également. A ce niveau, il y a lieu de souligner que je suis affiliée à la Cnts, le syndicat auquel je verse des cotisations depuis des années et dont le seul but doit être de défendre les intérêts des travailleurs et qui, contre toute attente, se met aujourd’hui en courbette devant le patronat. Etrange n’est-ce pas ? Un syndicat des travailleurs qui défend le patronat au détriment d’un de ses membres harcelé. Cela n’étonne pas pour qui sait que le secrétaire général de la section est un conseiller du directeur général. Ce qui est une atteinte à la déontologie syndicale. Pour ce qui est de la défense de mes droits, je peux vous préciser déjà que l’affaire sera portée devant la justice dès la reprise de l’activité des Cours et tribunaux, car nous sommes actuellement dans le semi-confinement. Mais n’empêche ! Nous n’allons pas nous laisser intimider.
Vous n’êtes pas la première à avoir été licenciée. Avant vous et après vous, d’autres personnes l’ont été. Le climat de travail au Soleil est-il aussi mauvais qu’il en donne l’air ?
Monsieur Mbaye licencie à coup d’humeurs lunatiques et restructure la société tous les 3 ou 6 mois à coup de caprices… Aucun licenciement n’est réfléchi. Il ne respecte aucune procédure de licenciement ou mesure disciplinaire. Nous sommes dans une gestion absolutiste, césarique, autoritaire, despotique… Le climat social est délétère.
Dans une interview accordée à un quotidien de la place, Yakham Mbaye dit que finalement votre licenciement n’est qu’un prétexte saisi par les syndicats. Mais qu’en réalité, le problème reste le fonds commun de 150 millions…
Celui qui veut noyer son chien l’accuse de rage. Vous savez, cela fait deux ans que les fonds communs ne sont pas payés et il n’y a eu aucune manifestation de mécontentement des salariés du Soleil. Cela montre leur souci de préserver leur outil de travail et surtout dans le respect. Cette personne essaye de divertir l’opinion publique et de noyer le poisson pour des raisons que l’on peut largement deviner. Il veut mener Le Soleil à coups de pilon et cela ne marchera pas.
Yakham Mbaye vous décrit comme quelqu’une de particulièrement belliqueuse et allergique à l’autorité. Est-ce le cas ?
Quand on veut nuire à quelqu’un, on raconte des calomnies sur lui. J‘aimerais bien avoir la définition du mot belliqueux. Je pense que nous n’avons pas le même dictionnaire. Pour qui connaît Yakham Mbaye et son comportement sait qu’il n’attendrait pas deux ans pour servir une demande d’explication, une mise à pied ou toute autre mesure disciplinaire à une belliqueuse ou belliqueux ? C’est comme s’il a un besoin permanent d’assouvir totalement sa mégalomanie et ses penchants autocratiques aux antipodes du management modèle. Il n’y a jamais eu de fautes de ma part établies dans un quelconque document, ni de mesures disciplinaires à mon égard. Mais il s’est servi de son registre d’humiliations outrancières pour me stigmatiser, me faire mal et me haïr gratuitement. A moi de lui poser une question, une seule : Qu’est-ce que je vous ai fait M. Mbaye pour mériter deux années d’humiliations et de haine ? Au moment opportun, j’égrènerai la liste machiavélique des humiliations.
Parlant de la situation de la société, Yakham Mbaye dit avoir plutôt été un excellent directeur qui a réussi à réduire le déficit de la maison de 365 millions en 2017 à moins de 25 millions. Comment réagissez-vous à cela ?
Ces chiffres n’engagent que lui. Quand le climat social est toxique, je pense qu’il est plus sage et plus responsable de l’apaiser que de chercher à éblouir l’opinion publique par des effets d’optique