« Mon texte qui s’est voulu courtois – mais sans concession sur le fond – t’a fait sortir de tes gonds, à la surprise générale. Je n’aurai donc réussi, en cherchant à te secouer un peu, qu’à te blesser. J’ai dû toucher quelque point sensible et tu m’en vois désolé. Les invectives sont nuisibles à la dignité de ce débat et il vaut mieux que nous les évitions. Encore faudrait-il que tu fasses l’effort de distinguer la critique de l’affront. Tu as quand même un peu fait rire à tes dépens avec cette étrange histoire de vouvoiement. Encore heureux que tu ne m’aies pas provoqué en duel sur je ne sais quel pré de Bretagne ou de Normandie. Serions-nous tous devenus fous au point de ne même plus pouvoir discuter – un peu rudement, certes – de nos affaires sans nous prendre les pieds dans le tapis des autres, pour paraphraser Ki-Zerbo ? Sans jamais avoir été des amis, nos relations sont plutôt restées cordiales au cours des ans. Mais tu sais bien que nous avons rarement l’occasion de nous voir. La dernière remonte à plus d’une décennie. Alors, Bachir, se dire « tu » ou « vous » une fois tous les quinze ans, ça rime à quoi, surtout à nos âges ?
Tu as été tellement aveuglé par ta colère que tu me reproches injustement à deux ou trois reprises d’avoir présenté « In the Den of the Alchemist » comme une interview. Voici ce que tu écris à ce sujet : « Le propos que l’auteur – moi-même en l’occurrence – présente comme une interview récente n’est pas une interview et n’est pas récent : c’est la reprise, des décennies plus tard, d’un article dont seul le titre a été changé. » Dis-moi franchement : peux-tu relire ce passage de ton texte sans embarras ? N’importe quel lecteur peut bien voir que l’allégation est totalement fausse car j’analyse l’un après l’autre l’article de Chimurenga et des éléments de l’interview que tu as accordée à Elara Bertho et que SenePlus a reprise sous un titre assez délicatement « diagnien » : « Un universel comme horizon ».
Pour ce qui est de mon aptitude à comprendre un texte dans la langue de Shakespeare, sache seulement que je t’écris ces lignes du campus de l’Université américaine du Nigeria (AUN) où depuis quatre ans j’enseigne, en anglais, en plus du creative writing, les auteurs anglophones et francophones, ces derniers en traduction anglaise. Tu ignores aussi, je suppose, qu’ici même au Nigeria mais encore plus aux Etats-Unis, je ne cesse de faire des présentations en anglais. Cela a été le cas récemment au National Press Club de Washington DC pour le 25ème anniversaire du génocide contre les Tutsi au Rwanda puis quelques jours plus tard à Dickinson University au moins sept ou huit fois en deux semaines mais avant tout cela à Mac Allaster, à Boston et à Stanford.
J’aurais préféré ne pas avoir à préciser tout cela. J’ai en effet toujours préféré rester en retrait de la vie publique en tant que personne tout en prenant systématiquement position sur les questions politiques ou sociales de l’heure.
Vois-tu, Bachir, personne n’a la science infuse. Tout s’apprend et ma langue maternelle aussi j’ai guerroyé avec elle en solitaire pendant des milliers d’heures pour en maîtriser l’écriture. Comme tu le sais, j’y ai aujourd’hui à mon actif deux romans et la traduction d’une pièce d’Aimé Césaire. Je n’évoquerai qu’au passage les œuvres littéraires que mes amis et moi-même publions à travers EJO, notre maison d’édition en langues nationales, le label de traduction « Céytu », le sous-titrage en wolof de KEMTIYU, le documentaire d’Ousmane William Mbaye sur Cheikh Anta Diop et, last but not least, le site d’information en ligne Lu defu waxu, tenu pour l’essentiel par certains de mes anciens étudiants de wolof de l’université Gaston Berger.
Tu as par ailleurs mis en avant l’âge de ton texte : plus de vingt ans, dis-tu. C’est beaucoup, oui. Sauf que Chimurenga ne mentionne nulle part que L’antre de l’Alchimiste est une reprise, sous un titre totalement différent, d’un très vieil article. J’ai moi-même contribué par un long article à ce numéro spécial d’avril 2018 sur Cheikh Anta Diop où tu l’as republié et une telle indication ne m’aurait sûrement pas échappé. À vrai dire, je comptais réagir très brièvement à ton observation sur l’ancienneté de ce texte mais des amis m’ont dit, horrifiés : « Déet, loolu ëpp naa def, exprime-toi clairement là-dessus car même ceux qui t’aiment bien sont en train de se demander pourquoi tu as présenté un article datant de deux décennies comme étant beaucoup plus récent ! » Retiens donc ceci : si j’avais eu connaissance de la première date de parution de « In the Den of the Alchemist », je l’aurais signalée avant d’en proposer exactement la même analyse. Après tout, en le faisant reparaître tu nous as invités à le considérer comme actuel. Et tu as bien eu raison : un texte de vingt ans peut être bien plus « jeune » qu’un autre datant seulement de deux semaines. L’âge est moins fonction ici de la plate chronologie que du contenu. Or, « In the Den of the Alchemist » peut revendiquer à bon droit une certaine intemporalité. Sur cette question, ton indignation me semble plutôt feinte. Pourquoi aurais-je usé d’un tel artifice en sachant que tu pourrais t’en servir pour m’accuser de « mauvaise foi » ? Crois-moi, si j’avais été un « cynique » mû par de « sinistres » desseins, je n’aurais pas frappé avec un tel amateurisme.
Je dois ajouter ici une petite information assez intéressante dans le contexte de cette polémique : dès mai ou juin 2018, une amie, brillante universitaire américaine et donc parfaitement anglophone, rendue furieuse par « In the Den of the Alchemist » y a répliqué par un article intitulé Dans la tanière de l’Alchimiste : hommage ou dédain de Souleymane Bachir Diagne envers Cheikh Anta Diop ? Et tu sais quoi ? C’est ton humble serviteur qui l’a dissuadée de le publier. Pourquoi ai-je agi ainsi, alors que j’étais entièrement de son avis ? Parce qu’en bon Sénégalais, je ne goûte pas spécialement les affrontements verbaux. En réalité, sans ton entretien avec Elara Bertho, je m’en serais tenu à cette position. Il me semble essentiel de rappeler à l’intention de ceux qui s’interrogent, en toute bonne foi, sur mes motivations que c’est à cette interview très récente, faite en français, que j’ai prioritairement répondu.
Avant d’y revenir plus longuement, deux mots sur l’article de Chimurenga. Puisque beaucoup de personnes qui n’en soupçonnaient même pas l’existence l’ont lu pour se faire une opinion personnelle, il est devenu plus facile d’en parler.
Tu admets avoir attribué la paternité du Laboratoire de Carbone 14 à Théodore Monod et Vincent Monteil. La moindre des choses aurait été de nous dire dans ta réponse ce que leurs deux noms viennent faire dans cette histoire. Dans Figures du politique et de l’intellectuel au Sénégal (Harmattan, 2016) le Professeur Djibril Samb, par ailleurs ancien directeur de l’IFAN, raconte en détail la création du laboratoire. Voici ce qu’il écrit dans cet ouvrage dont on ne saurait trop recommander la lecture à tout un chacun : « Dès le début de sa carrière, Cheikh Anta Diop conçut le projet – qui pouvait paraître utopique à plus d’un – de monter, au sein de l’IFAN, un laboratoire de datation au radiocarbone. » Diop obtient alors du Recteur de l’époque, Claude Franck, l’autorisation de se rendre en France pour étudier les installations du laboratoire de Saclay qui allait lui servir de modèle. « À son retour, écrit Djibril Samb, il se consacra tout entier à cette tâche gigantesque. Il dressa lui-même les plans du laboratoire dont l’exécution fut confiée au service des Travaux publics. Mais il faut mal connaître l’homme pour penser qu’il se fût contenté de dresser une liasse de plans et d’aller pêcher. Ce projet était d’abord le sien, et il s’y engagea tout entier comme dans tout ce qu’il faisait, déployant toutes les facettes, non seulement d’un immense savant mais d’un homme d’action, pragmatique, attentif aux moindres détails. Dans une lettre en date du 25 juin 1963 adressée au Directeur de l’IFAN, le grand et regretté Théodore Monod, il rappelle qu’il donnait lui-même des indications aux entreprises maîtres d’oeuvres, effectuait deux à quatre visites quotidiennes sur le chantier, précisait les plans d’installation du laboratoire, en fixait les pièces, déterminait leurs dispositions et leurs vocations, redressait les directives ou les applications erronées ». Le récit de Djibril Samb se poursuit ainsi sur près de dix pages. Cheikh Anta Diop avait le plus grand respect pour Monod à qui il rend d’ailleurs hommage quelque part. Ce n’est donc pas un hasard si son nom apparaît dans Figures du politique et de l’intellectuel au Sénégal ; Monteil et lui peuvent être crédités d’avoir dans leur rôle administratif, permis à Diop d’aller au bout de son grand rêve. Lui-même a dès 1968 consacré un ouvrage à son laboratoire et je constate avec stupéfaction que tu ne l’as pas lu pour les besoins de ce que tu présentes comme un hommage. Il y fait état des résultats des premières datations à partir de trois échantillons fournis respectivement par Théodore Monod, le laboratoire de Saclay/Gif-sur-Yvette et une mission archéologique britannique en Gambie. Cela dit, s’il est un directeur de l’IFAN qui aurait mérité d’être nommé, c’est Amar Samb avec qui Cheikh Anta Diop avait des relations exceptionnelles, comme en témoigne l’ouvrage qu’il lui a dédié en des termes émouvants.
Tu n’as pas non plus démenti ce que j’ai écrit sur la soutenance de thèse de Diop. La mention qui l’avait sanctionnée était-elle juste ? Se contenter de la rappeler au passage n’est pas la meilleure façon de mettre Diop en valeur. La qualification de « l’Alchimiste » ne peut être un point de détail dans un texte comme le tien. Le face-à-face de Diop le 9 janvier 1960 avec un jury de la Sorbonne a été un moment copernicien dans l’histoire des idées en Afrique francophone. Et ce n’était là que le prélude à un autre affrontement direct, quatorze ans plus tard, au Caire.
D’autres passages de ton article – notamment ta description enjouée et pittoresque du cambriolage du labo – sont révélateurs d’une prise de distance parfois un peu déroutante. À qui s’adresse donc ta petite musique pleine de charme et d’ironie ? Désolé de te le dire mais tu sembles parler de si loin que le mot « exotisme » m’est venu à l’esprit. Un terme bien curieux, oui. Mais nous sommes si mal barrés, nous autres intellectuels africains – dois-je ajouter « francophones » ? – qu’il peut nous arriver de nous voir tout à fait du dehors. Ton exercice de style est, de ce point de vue, un modèle du genre. Cela dit, je suis prêt à parier qu’il t’est plus facile de parler ainsi de Cheikh Anta Diop que de Senghor. Ton texte n’est évidemment pas que cela : j’en ai évoqué les accès de tendresse à l’égard de Diop et le très beau passage que tu cites toi-même sur l’exil et le Royaume en est un. Tu avoueras malgré tout qu’un hommage pouvant passer si aisément aux yeux de beaucoup pour du dénigrement a, pour dire le moins, raté son but. Est-ce parce que, comme on dirait en wolof, dangay màtt di ëf ?
Venons-en à présent à ce qui, à mon humble avis, est le plus important : ton entretien du 2 juillet 2019 avec Elara Bertho. Bien que la plus grande partie de mon analyse ait porté sur ce que tu appelles tes « deux coups de griffe contre Cheikh Anta Diop », tu as préféré ne pas t’y attarder dans ta réplique hâtive et enflammée. Sans vouloir te faire un procès d’intention, je me demande encore si ce n’était pas à dessein, pour éviter une discussion un peu gênante sur la question de la langue.
Si tu me dis que tes propos sur la traduction de la théorie de la relativité en wolof par Diop ne visaient pas à le tourner en dérision, je ne peux que t’en donner acte. Uniquement sur la forme, bien entendu. Parce que dans le fond, je ne vois pas en quoi tu es qualifié pour juger de la difficulté ou non de l’entreprise. Tu as certes évoqué à l’occasion d’un de nos rares échanges par mail, ton ambitieux projet de traduction en wolof de concepts philosophiques. La nouvelle m’a fait plaisir et je t’ai dit qu’il est bien que ce soit une personne comme toi qui fasse ce travail. Je crois savoir que l’affaire évolue dans la bonne direction et je te renouvelle ici mes encouragements. J’espère simplement que tu as fait l’effort de t’alphabétiser. Je n’en ai pas eu l’impression la dernière fois que j’ai surpris des termes wolof dans certains de tes textes en français.
Tu reprends également à ton compte la vieille rengaine africaniste voyant en tout défenseur de Cheikh Anta Diop un fanatique, adepte d’on ne sait quelle nouvelle « religion ». C’est lui faire un bien mauvais procès car peu de penseurs ont dû faire face autant que lui au feu roulant des critiques. Elles ne l’ont jamais dérangé, bien au contraire. Lorsqu’en 1974 Diop et Obenga se rendent au Caire pour une explication décisive avec les égyptologues occidentaux, une des choses qu’il dit à son ami et disciple congolais, c’est : « S’ils ont raison, sur la base de faits précis, nous n’aurons pas d’autre choix que de le reconnaître publiquement ». Ils n’en eurent pas besoin, car comme chacun sait, leurs thèses sont sorties confortées de cette rencontre de haut niveau. Ce n’est pas moi qui le dis mais le rapport de l’UNESCO qui se conclut ainsi : « La très minutieuse préparation des communications des professeurs Cheikh Anta Diop et Obenga n’a pas eu, malgré les précisions contenues dans le document de travail préparatoire envoyé par l’UNESCO, une contrepartie toujours égale. Il s’en est suivi un réel déséquilibre dans les discussions. »
De même, lorsque Diop lance aux jeunes Africains : « Armez-vous de science jusqu’aux dents, car à connaissance égale la vérité finit toujours par triompher ! », il ne peut exclure que leurs recherches puissent invalider un jour ou l’autre ses propres thèses.
Sachant bien tout cela, je ne peux nullement te reprocher d’avoir cherché à remettre sa pensée en cause. Mais dis-moi, Souleymane Bachir Diagne, comment se fait-il qu’un esprit aussi vaste et brillant que le tien ne puisse nous proposer rien de personnel dans sa critique de Cheikh Anta Diop ? Tu es allé puiser à pleines mains chez Francois-Xavier Fauvelle-Aymar qui écrit dans « L’Afrique de Cheikh Anta Diop. Histoire et idéologie » (Karthala, 1996) : « Mais au demeurant, quoi qu’on en conclude, il reste que Diop use là d’un modèle de l’Etat-nation sous sa forme la plus jacobine explicitement emprunté à la France ». Fauvelle s’exprime ainsi au terme d’un laborieux développement sur la supposée préférence de Diop pour une « langue unique ». Et toi, vingt trois ans plus tard, tu déclares : « Deuxièmement il – Diop – est beaucoup plus jacobin et français qu’il ne le croit parce qu’il veut une langue unique. Cela n’a pas de sens d’avoir une langue d’unification : pourquoi le projet devrait-il être un projet qui imite l’Etat-Nation, c’est-à-dire être homogène avec une seule langue, de manière centralisée ? » Il ne me viendra jamais à l’esprit de mettre en doute tes capacités intellectuelles. Mais alors pourquoi ne t’en sers-tu pas pour penser par toi-même comme ne cessait d’ailleurs de nous le recommander Senghor ? Quel besoin as-tu d’aller « emprunter » des griffes à un intellectuel français qui s’est construit, comme le montre bien Obenga, dans une haine vigilante et quasi morbide de Cheikh Anta Diop ? En somme, dans cette interview, tu crânes avec des mots grandioses qui ne sont même pas les tiens mais ceux écrits par Fauvelle quand il n’avait que vingt huit ans. En d’autres circonstances Fauvelle t’aurait fait une petite querelle de derrière les fagots. Mais il s’en garde bien car, idéologiquement parlant, c’est tout bénef pour lui d’être relayé par une voix africaine. Il t’en sait donc gré et, dans une toute récente émission de France Culture, conclut sa charge furieuse contre Cheikh Anta Diop par les mots que voici : « D’ailleurs, ne croyez pas que tous les intellectuels africains sont d’accord avec Diop, lisez donc Souleymane Bachir Diagne ! ».
Cette affaire n’est pas bien jolie mais un tel faux-pas, cela peut arriver à tout un chacun, en particulier à ceux qui, comme toi, ont fini par ne plus s’attendre à être contredits. Il en a résulté une situation assez cocasse où en te réfutant sur la théorie de la langue unique, je me trompais en quelque sorte d’interlocuteur. Cela ne mérite-t-il pas réflexion ? le plus grave, toutefois, c’est le fait que tu reprennes à ton compte l’accusation de « jacobinisme » supposée être, pour un certain africanisme de combat, l’arme fatale contre Cheikh Anta Diop. On ne peut laisser personne la glisser dans une interview, ni vu ni connu, parmi d’autres « ismes », alors qu’elle a un potentiel si explosif. C’est ce mot-là, et au fond ce mot seul, qui m’a fait réagir. Nous faut-il une « relecture négro-africaine » de Cheikh Anta Diop ? Elle s’impose plus que jamais. Mais comment « relire » une œuvre que l’on n’a même pas pris le temps de lire ? Je n’ai pas été le seul à essayer de te montrer, textes à l’appui, à quelles extrémités peut mener le manque de caractère d’une intelligentsia africaine encore tellement fascinée par l’Occident.
Pour le reste, chacun de nous peut avoir la plus haute idée de lui-même mais je doute que nos petites personnes comptent vraiment. Beaucoup d’amis communs ont été gênés, voire choqués, par cette polémique soudaine et très inhabituelle au Sénégal. Je crois que c’est ta réaction qui a mis le feu aux poudres. Elle aura cependant été, pour le dire ainsi, un mal pour un bien. Les idées de Diop ont en effet rarement été aussi présentes dans l’espace public sénégalais, surtout depuis sa disparition. L’on a vite oublié ce que tu as pu écrire il y a vingt ans pour réfléchir à ce qui peut nous arriver dans vingt ans. Je trouve cela très bien. S’il en est ainsi, c’est que la discussion a été prise en mains, pour l’essentiel, par cette « jeunesse africaine en quête de sens » dont parle Aminata Dramane Traoré. Certains de ces jeunes ont, ainsi qu’en témoigne l’article de Khadim Ndiaye, une égale affection pour chacun de nous deux. Je les sais d’ailleurs déchirés en ce moment. Ils n’ont qu’une hâte : que les esprits se calment et qu’ils reprennent leur dialogue avec l’un et l’autre sans avoir à se sentir coupables de n’avoir pas choisi leur camp. Il ne devrait pas y avoir de camp, en fait. À mes yeux, cette affaire est toute simple. Ayant jugé pernicieux et de mauvais goût un de tes articles, je l’ai dit publiquement en me limitant à une analyse du texte. Ayant encore moins apprécié une de tes interviews, j’ai dit publiquement que j’y vois le symbole d’une allégeance intellectuelle à l’Occident à la fois déshonorante et dangereuse. C’est aussi simple que cela. Tu as peut-être été surpris, comme moi-même, par les réactions très vives d’une partie de l’opinion. C’est que, comme l’a si magnifiquement rappelé un des intervenants à ce débat, Cheikh Anta Diop est aujourd’hui encore pour beaucoup d’Africains non seulement un penseur mais aussi une conscience. Il est bon de s’en souvenir chaque fois que l’on est tenté de le traîner dans la boue. »