Présumé recruteur de combattants sénégalais pour Boko Haram, Matar Diokhané s’est défendu, ce lundi, des accusations portés contre lui.
« Avant de recruter, il faut d’abord pouvoir conduire une personne là bas. Qu’on me montre un seul sénégalais qui a été recruté par moi. Quand j’étais avec Shekau, après nos échanges, il m’a félicité et à dit à ses hommes de laisser libre champ à tous les Sénégalais qui veulent rentrer. Lorsque je sortais de la zone, Aboubacar qui est un de ses hommes m’a remis 3 millions de nairas (environs 12 000 euros équivalant de 15 millions 600 000 F Cfa). Il m’a dit que c’est pour nos frais de transport. Et que la moitié était à moi et le reste pour les autres Sénégalais ».
Une générosité qui ne s’explique pas selon le juge qui a demandé l’origine de ce don. « Moi, je ne peux pas expliquer cette générosité de sa part. Lui seul, Shekau est en mesure de le faire. Il a, peut-être, des parents parmi mes élèves. C’est probablement pour cela. Là bas, il est presque comme un président », a dit l’accusé. Qui explique avoir accompagné les Sénégalais à rentrer au Sénégal.
« Après avoir quitté la localité, nous sommes partis à Handack. Je les ai réunis, après 2 semaines de séjour sur place. Je leur ai suggéré de collaborer et leur ai soumis des conditions à respecter jusqu’au Sénégal », explique Diokhané.
Il ajoute : « Je voulais éviter des problèmes vu que je ne les ai pas amenés au Nigéria. Je voulais éviter que l’on me fasse un faux procès après avoir réussi à les tirer d’affaire. J’ignore qui les a amenés au Nigéria. Même si ce sont des amis qui les auraient conduits là bas. Et vu que j’ai fait 6 mois de travail, ayant droit à un mois de congé, j’avais la possibilité de revenir au bercail ».
Dans les procès verbaux d’enquête, Diokhané a soutenu que les Sénégalais risquaient la mort si Shekau apprenait qu’ils ont abandonné le combat. Ce que l’accusé a nié. « Je n’ai jamais parlé de combat. Ce sont des propos que l’on me prête. Je n’ai jamais amené une quelconque personne au Nigéria. Je ne connaissais personne de ces accusés. Et si je savais que j’allais faire l’objet de toutes ces choses qui me sont reprochés aujourd’hui, je n’allais pas intervenir pour leur venir en aide », a-t-il soutenu à la barre.
Auteur: Youssoupha MINE – Seneweb.com
Ce lundi, la parole était à Makhtar Diokhané, présumé cerveau de la bande à l’imam Ndao, jugé pour terrorisme.
Né en 1986, marié à 3 épouses dont deux des accusés, enseignant de l’école coranique, Diokhané, habillé d’un boubou blanc, a nié les chefs de terrorisme, d’association de malfaiteurs, de financement terroriste, de blanchiment de capitaux et d’apologie du terrorisme, dont il est accusé. Devant le juge, il est revenu sur sa rencontre avec un des leaders du combattant Aboubakar Shekau, le chef de Boko Haram.
« Oui j’ai rencontré un chef combattant, je ne sais pas si c’est celui de Boko Haram ou non. Je ne l’avais jamais rencontré jusqu’au jour où on m’a informé que des Sénégalais avait des problèmes pour rentrer au bercail. On m’a sollicité pour aller introduire la requête malgré le fait que j’ignorais les raisons de leur présence, je suis intervenu. Ce pour venir en aide à des concitoyens. J’ai alors vu un certain Moustapha. Lui, a parcouru quelques 4 kilomètres pour rallier le fief de Boko Haram où se trouvait Shekau ». Une rencontre qui a été fructueuse pour les demandeurs qui voulaient quitter la zone, se souvient le présumé cerveau de cette affaire.
« Après 4 jours, j’ai été voir les concitoyens pour m’enquérir de leurs conditions. Ils étaient une vingtaine et m’ont dit qu’ils avaient un problème parce qu’ils détenaient une pièce d’identité. Or, Shekau estimait que la détention de ce document était illicite en islam. Il trouvait que le fait de ne pas quitter le Sénégal pour se rendre dans un pays musulman était un problème », a-t-il dit.
« J’ai compris que nous avions été conduits là bas sans nous en rendre compte. Je leur ai demandé de collaborer pour s’en sortir. J’avais alors suggéré à ceux qui étaient détenteurs de passeport de remettre les documents réclamés à la place des cartes d’identité. C’est alors qu’un certain Aboubacar est venu me chercher. On a fait 2 heures de route sur un parcours qui comptait beaucoup de check points ». Ce sera la première rencontre entre Diokhané et Shekau.
« Ma rencontre avec Shekau a porté sur la détention de la carte d’identité et sur le voyage d’une personne d’un pays laïc ou non musulman a un pays islamique. Nos échanges, Shekau et moi, ont duré plusieurs heures. On était des fois interrompu de temps en temps. Je l’avais précédé dans une tente, il m’y a rejoins. Nos échanges ont porté sur ces deux points. Mais, la raison principale qui a motivé ma visite est que Mohamed Mballo avait commencé à frôler la folie et commençait à tenir un discours incohérent. J’avais mal ».
Il poursuit : « On m’a présenté à Shekau et je lui ai expliqué la raison de ma visite. On a discuté sereinement et j’ai compris qu’il voulait juste qu’on reconnaisse son autorité. J’ai joué le jeu et l’ai soutenu dans ses convictions sur ces deux points. J’ai, alors, vu qu’il a baissé ses gardes. Je lui ai dit des choses qui cadraient avec sa conviction. J’avais senti qu’il avalait tout ce que je lui disais. J’ai fait un bref exposé et il a accédé à ma demande. Même si je n’étais pas convaincu que détenir une carte d’identité n’est pas un acte de mécréance, j’avais fait semblant de partager sa conviction ».