Mariage mixte : La triste histoire d’un couple Africain-Européenne devant le racisme au quotidien

Cheikh a 38 ans, il est sénégalais. Anna a 28 ans, elle est Française . Mariés depuis des années, ils témoignent de leur vie de famille imprégnée par de fortes différences culturelles et un environnement plus qu’hostile envers les gens de couleur. Cheikh est médecin de formation mais travaille dans une compagnie suisse de montres comme contrôleur qualité. Il est arrivé en France en 1993 pour faire ses études de médecine. Anna est française , économiste de formation.
Elle ne travaille pas et s’occupe de leur enfant, une petite Sophie, née ni noire ni blanche mais « café au lait » comme dit Cheikh. Ils ont pris du temps pour s’habituer à la culture de l’autre. Il a fallu, dans la mesure du possible, changer, s’adapter, trouver des compromis…finalement comme dans tous les couples. La France et le Sénégal sous le même toit Cheikh affirme pourtant « fermer les yeux sur beaucoup de choses » notamment sur la façon dont une femme française peut parler à son mari : « Elle peut se permettre de me critiquer en public comme si c’était tout à fait normal alors que ce serait une tragédie au Sénégal.
Ici les femmes sont moins soumises et ont de l’audace. Les femmes africaines n’affrontent jamais leur mari, surtout sur les sujets intimes. Un homme frustré est un homme en instance de divorce en Afrique alors qu’ici, la femme peut frustrer son mari sur le plan sexuel sans problème. » De son côté, Anna a dû s’adapter. « Un homme africain n’a pas la même conception de la vie que les français : il ne rentre pas tous les soirs à la maison ou ne sort pas les week-end avec sa femme et son enfant. Il a besoin de sortir, de bouger, d’être avec ses amis pour discuter ». Et Cheikh semble du genre fidèle au proverbe africain qui dit « tu ne peux rien trouver en restant à la maison ».
Petits arrangements Anna a du également accepter que Cheikh s’occupe financièrement de sa famille au Sénégal. « Mais tant qu’il y a de l’amour et la volonté d’être ensemble, tout se règle entre nous », confie Anna. Aussi les sommes investies en Afrique sont aussi investies en France. « Nous avons construit une datcha parce que ma femme et ma belle-mère le souhaitaient, alors que ce n’était pas important pour moi d’avoir de l‘immobilier en France car je ne compte pas y vivre éternellement », explique Cheikh. Anna sait que tôt ou tard leur famille ira vivre en Afrique, et si elle a accepté l’idée, elle pose ses conditions. L’une d’elle est la garantie d’une stabilité financière là-bas. Une autre est de pouvoir rentrer une ou deux fois par an en France avec ses enfants.
Face à leurs différences culturelles, Cheikh précise : « je n’ai jamais accepté, j’ai toléré. Le désir d’être ensemble et l’amour doivent être très forts pour passer au-dessus de ces contraintes. » Ce à quoi Anna répond : « Dés le départ, on doit savoir qu’on épouse une autre tradition et on doit l’accepter. » A l’annonce de leur relation, la mère est sous le choc, le père veut se suicider Le couple doit également s’assumer en France, un pays où les démonstrations racistes sont importantes. Anna en fait les frais régulièrement lorsqu’elle sort avec sa petite fille.
Les regards des gens en disent long et la soupçonnent d’avoir eu « une relation douteuse dont la conséquence est (ma) petite fille métisse ». « Quand je vais à la polyclinique, le médecin me demande sous forme d’affirmation : « évidemment il n’y a pas de père ? » Sous entendant que je ne peux être qu’une fille mère. » Personne ne peut imaginer qu’elle est mariée à un homme de couleur et, le comble, amoureuse. Un problème de taille quand Anna a dû annoncer à sa famille qu’elle vivait avec un Africain. Ce fut une situation « normale », plaisante Cheikh : « la mère était sous le choc et le père voulait se suicider. »
Lors de la première rencontre, la mère d’Anna était seule. « Elle a eu du tact et m’a posé beaucoup de questions pour connaître mes projets d’avenir, mon niveau intellectuel… nous avons bu un verre ensemble et le contact est passé même si elle n’était pas pour notre union ». Le père, lui, a longtemps résisté. « Puis à notre retour d’un voyage en Afrique, il a voulu nous rencontrer. Il était gêné et ne pouvait pas me regarder en face. Il était très nerveux, ne souriait jamais, et puis, au bout de plusieurs rencontres, nous sommes devenus les meilleurs amis du monde. »
Le rôle de la belle-famille russe Cheikh et Anna savent que leur histoire ne ressemble pas à toutes celles des couples mixtes en France. Avant de rencontrer sa femme, Cheikh a vécu une histoire tragique avec une jeune fille française rencontrée à Marseille, « où ils n’ont jamais vu un noir de leur vie ». Après 5 années de vie amoureuse intense, son amie est tombée enceinte. Alors qu’ils voulaient garder l’enfant et se marier, la mère de la jeune fille s’est opposée.
Elle qui nommait Cheikh « créature », « comme (s’il)’était un animal », a fini par convaincre sa fille d’avorter. Cheikh raconte cette expérience douloureuse pour insister sur le fait que si un couple afro-français doit surmonter de nombreuses difficultés en France, c’est la relation avec la belle-famille français qui reste la composante essentielle de sa réussite.

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