A Saly Portudal, nombreux sont les jeunes qui rêvent que de rallier l’Europe. Et le mariage mixte est pour eux un moyen sûr d’y arriver. Reportage !
Aujourd’hui, il est en train de se développer à grande vitesse et pour ces filles ou garçons ; le profil de leur futur conjoint importe peu. Seul le résultat final compte à leurs yeux. La chasse à l’étranger, qu’il soit Français, Belge, Espagnol, Italien, Américain est un exercice très pratiqué à Saly du fait de sa position de ville très touristique. Aujourd’hui, ces unions dites mixtes continuent d’intéresser les jeunes, filles comme garçons. Et pour concrétiser leurs fous rêves, ils sont prêts à tout. De janvier à décembre, Saly est assailli par les touristes. Et dans les différentes artères de la ville, il n’est guère surprenant de rencontrer des européens, hommes ou femmes, au bras de fils du terroir. Dans une autre ville, ces scènes auraient peut-être heurté la sensibilité, mais pas à Saly où ce mariage dit mixte est en train de se développer à grande vitesse. Il nous revient de sources dignes de foi, de dizaines d’unions y sont scellées chaque année. Et la chasse aux blancs continue d’y être intense. Garçons et filles n’hésitent pas à user de toute sorte de subterfuge pour ferrer leurs proies. Que ce soit dans les restaurants, les hôtels, à la plage, les boites de nuit ou dans toute autre place fréquentés par les nombreux touristes.
Amour ou Business
Diverses sont les raisons, qui poussent les jeunes à s’unir avec des européens. Même si dans certains cas, ce qui est infime, ces unions sont motivées par l’amour, elles sont dans d’autres un moyen sûr d’échapper à une situation de misère et de précarité. Dans cette cité touristique qui a marqué son époque, un nombre appréciable de jeunes filles choisissent de se marier avec un conjoint étranger aisé et profiter des possibilités matérielles pour mener une vie confortable et heureuse en faisant profiter toute sa famille. Le mariage mixte est souvent social et motivé par un intérêt dissimulé. Car certaines personnes trouvent en ces unions un moyen sûr pour sortir de la misère ou pour réaliser leur rêve d’émigration, mais ces unions ne peuvent prospérer que s’il est motivé par l’amour », estime B.B un professeur de lettres, qui soutient que ces filles ou garçons qui se lient avec des blancs ont leur raison. «Que leur union soit par amour ou par simple intérêt, on doit respecter leur choix », a-t-il fait savoir. «Ce qui est désolant c’est le fait que certaines filles se lancent dans cette aventure sans prendre le temps de connaitre leurs partenaires», se désole-t-elle, en soulignant que le mariage mixte c’est comme un jeu de hasard. « Des fois on peut avoir la chance et d’autres fois, la désillusion peut être très grande », explique-t-il en invitant ses compatriotes à être plus regardants dans leur choix. Le rêve de convoler avec un blanc est beaucoup plus accru chez les filles. Nombre d’entre elles disent ne pas être gênées de convoler avec un européen. Un mariage mixte qui ferait, à les en croire, leur affaire. « Mon rêve c’est d’épouser un riche européen pour pouvoir continuer mes études à l’étranger et pourquoi pas vivre là-bas. Il n’y a aucune honte puisque chaque personne est libre de choisir la façon dont elle compte mener sa vie », soutient Ami Ndiaye, une jeune élève. Pour sa camarade F. W, sa grande sœur qui vit depuis une décennie en Suisse lui a transmis le virus d’épouser un homme blanc. « J’ai beaucoup de soupirants qui n’attendent que mon aval pour venir demander ma main, mais je préfère attendre, car je ne pense pas pour l’instant me marier ici », soutient-elle en précisant être prête à offrir son cœur à un chevalier blanc, quel que soit sa religion. Pourvu simplement, qu’il la rende heureuse.
Le coup de pouce d’Internet
Aujourd’hui à Mbour Saly, nombreux sont ces jeunes qui continuent de rêver de trouver une fille ou un garçon de bonne famille pour fonder un foyer et avoir des enfants. Même si dans la plupart des cas, la recherche d’une situation meilleure sous d’autres cieux ou la recherche des fameux « papiers » européens sont à l’origine de ce genre d’union, les jeunes qui font fi de ces remarques caressent toujours le secret espoir de rencontrer leur douce moitié qui leur permet de réaliser leur rêve de rallier l’Europe, sans embarquer dans ces pirogues qui tuent. Et les moyens pour l’oiseau rare sont connus. Il s’agit de l’Internet, qui constitue d’ailleurs la seule alternative. Dans les seuls cybercafés qui ont réussi à résister à la révolution technologique, c’est chaque jour un embouteillage monstre que crées filles et garçons à la recherche de l’oiseau rare. Et il n’est pas surprenant, surtout au centre-ville, de voir une meute dé filles, assaillir ces espaces devenus leur lieu de drague, voire de chasse. Et ce sont les gérants de cybercafé qui y gagnent. Selon les estimations, près de 70% des filles consacrent au moins une ou deux heures sur Facebook ou MSN pour dialoguer avec leurs proies. « Chaque jour, on reçoit beaucoup de clients, en majorité des filles, qui passent des heures devant la machine. Leur hobby favori, c’est rechercher l’oiseau rare. C’est pour cette raison, qu’à chaque fois qu’une de ces clientes rentrent au cyber, la première chose qu’elle demande, c’est un webcam », souligne Tapha Mbaye, un gérant de cybercafé, qui soutient que beaucoup d’entre elles estiment qu’un mariage avec un blanc est la solution à leur rêve et elles sont prêtes à tout pour le dénicher. Selon lui, la majorité de sa clientèle est composée de jeunes filles à la recherche de chevaliers blancs. « Ce n’est pas un phénomène nouveau et je connais plusieurs filles qui se sont mariés grâce à l’internet », indique-il. Pour N. Ndiaye, la chasse au blanc est un sport qui n’est pas encore sur le point de s’estomper, car tout le monde veut avoir un mari étranger. Ce qui selon lui, est impossible. « Tout le monde ne peut pas en avoir. Et c’est vraiment triste de constater que certaines filles, qui ont déjà des copains ou qui sont même mariées, se prêtent à ce jeu », déplore-t-il. «Elles ne sont là que pour trouver un canard à déplumer, mais elles sont louer de se douter que ces liens à travers l’Internet sont souvent décevantes », souligne-t-il en invitant ses compatriotes à plus de vigilance. « Certains chevaliers sont de beaux parleurs et savent souvent profiter de la position de certaines filles qui, à force de vouloir partir, font preuve d’une très grande naïveté. Espérer se marier par Internet est une loterie qui, entre les faux profils et les mensonges, se termine souvent par une très grande désillusion», prévient-il.
Le calvaire des papiers
Obnubilées par leur union, certaines personnes ne se soucient même pas d’y mettre la forme. Pour les couples qui décident d’officialiser leurs relations, le mariage mixte est un véritable parcours du combattant dès l’instant. Les Français candidats au mariage, contrairement aux Sénégalais, doivent prendre contact avec l’officier d’état civil du poste consulaire français, compétent territorialement au regard du lieu du mariage, en vue de la délivrance de ce certificat. Mais, c’est l’obtention du certificat de capacité à mariage, qui facilitera les formalités de transcription ultérieure de l’acte du mariage étranger dans les registres de l’état civil français, la loi renforçant le rôle de cette transcription, qui est désormais obligatoire pour que le mariage d’un ressortissant français, célébré par une autorité étrangère, soit opposable aux tiers en France. C’est une fois que le certificat de capacité à mariage préalablement à la célébration de l’union est obtenu par les époux que la transcription sera en principe acquise. Avant le mariage, le couple doit se présenter pour satisfaire aux formalités de publication des bans, qui constitue la démarche ultime qui témoigne que le dossier est complet et ne pose pas de difficulté aux yeux de l’officier de l’état civil. Un an après s’être marié, le conjoint étranger pourra acquérir la nationalité française s’il le désire. Souvent des cas de fraudes sont notés, car souvent des candidats présentent de faux certificats de célibat, de faux passeports, de faux extraits d’actes de naissance, sans compter ceux qui cachent à leur conjoint français qu’ils étaient déjà mariés ou qu’ils avaient déjà des enfants. Tout y passe. Mais, avec la dureté des temps, tous les moyens sont bons pour se barrer. Aujourd’hui, le mariage est devenu business et face au chômage, à la crise économique, nombreux sont ces jeunes qui estiment que ces unions sont une solution pour accéder à un statut social meilleur. Mais, en attendant de dénicher l’oiseau rare, la chasse au blanc continue toujours.
Khady T. COLY
rewmi.com