Nous sommes passé du devoir de commémoration à la haute trahison.
La femme sénégalaise a toujours été une résistante. Dans notre histoire nationale, elles ont été de tous les combats aux côtés des hommes. Tantôt au nom de la liberté, parfois au service de la religion.
Le 7 mars 1820, nos aïeules sénégalaises avaient refusées l’humiliation et montrées en plus de leur courage, leur dignité, pour notre liberté d’aujourd’hui.
Ces femmes du Walo se sont sacrifiées pour ne pas devenir esclaves. Pour que nous ne devenions pas esclaves. Au-delà de la tragédie, c’est la bravoure de ces martyres que nous avons le devoir d’enseigner, l’exigence de rappeler et l’obligation de transmettre aux générations futures.
Chères mères, chères sœurs, quand vous rappeler à la génération hybride « nos valeurs et notre histoire », permettez-moi de vous dire que votre mutisme devant le sacrifice des dignes femmes de Nder, est une honte historique.
Chaque 7 Mars, date qui précède la célébration de la Journée internationale des droits de la femme, c’est avec un silence ingrat que les sénégalais et sénégalaises que nous sommes, marquons la commémoration de cet événement. Hélas !
Pourtant, cette date devrait constituer un moment fort pour l’histoire de la femme sénégalaise. Elle devrait être célébrée comme une journée nationale d’hommage au sacrifice des femmes de Nder mais aussi un moment de réflexion pour la perpétuation ce combat pour la liberté et la dignité des femmes sénégalaises.
Chaque année, nous célébrons le 8 Mars avec tambours et trompettes. Hors, il n’y a rien à célébrer.
D’abord, parce que ce n’est pas la journée de la femme comme on le présente regrettablement en transmettant des vœux, des cadeaux ou même des affiches publicitaires d’entreprises, d’institutions et d’hommes ou de partis politiques.
C’est la journée internationale des DROITS des FEMMES. Une journée pour marquer la lutte à l’échelle du monde, et rappeler les combats pour la cause féminine qui nous incombent à tous.
Ailleurs, on a vu des marches de femmes, des conférences, des doléances pour faire avancer la position de la femme dans les sociétés. Evidemment, c’est de l’ordre de la cohérence.
Apres ce 8 Mars 2022, la sénégalaise que je suis s’est réveillée groggy ! Comment avons-nous pu ?
De la présidence de la République du Sénégal, en passant par les ministères régaliens et autres, les institutions publiques, les entreprises publiques et privées, à l’unanimité ont perpétrés l’institutionnalisation du non-respect de la femme sénégalaise avec la grande complicité et la totale participation de celles-ci.
On a assisté à l’immense rassemblement des femmes au Grand Théâtre de Dakar, arborant des pancartes à l’effigie de l’autorité étatique de tutelle, avec les couleurs du parti politique au pouvoir autour de femmes dépêchées un peu partout en car, avec en compensation, une modique somme et des tissus unifiés pour l’occasion.
Le spectacle est affligeant, cérémonie de décoration, discours à n’en plus finir, chants et danses dans une ville ou les usagers ont subis les blocages engendrés par ce rassemblement qui vient faire oublier
aux femmes l’essence de cette journée de lutte pour l’amélioration et l’évolution de leurs droits.
Quelle institutionnalisation du mépris pour la cause et les droits des femmes sénégalaises !
Arrêtez, arrêtez, arrêtez !
Il n’y a rien à célébrer, rien à fêter, rien qui justifie cet indécent folklore à outrance des tenues unifiées, des repas de baptême à volonté et des pas de danses malvenus.
Que fêter un 8 Mars au Sénégal quand les sénégalaises n’ont aucun droit juridique sur les enfants qu’elles portent, enfantent et éduquent ?
Que célébrer vous, quand il est toujours question de puissance paternelle, alors que nous savons la sacralité de la maternité ?
Que vanter vous, quand le refus de paternité est un droit masculin qui détruit vos vies et celles de vos enfants ?
De quoi vous glorifiez vous, quand on fait face aux violences économiques et sexuelles dont nous sommes victimes quotidiennement dans un silence absolu ?
Cette posture est des plus néfastes pour notre avenir commun et celui de nos filles et petites filles. Et vous voudriez que les hommes et ceux qui nous dirigent nous octroient nos droits ainsi ?
Détrompez-vous !
Nous valons plus, nos filles méritent plus que ces spectacles que nous nous sommes offert avec parfois l’argent du contribuable qui aurait pu servir à mettre en place des politiques publiques à l’endroit des femmes fragiles et victimes dont le nombre ne cesse de croitre au Sénégal.
A défaut du 7, ce 8 Mars était l’occasion de nous rappeler les manquements de notre société de notre justice vis-à-vis des femmes. Cela aurait pu servir à des temps de réflexions et de transmissions de doléances des femmes aux autorités compétentes dans les institutions et entreprises pour faire des problématiques des femmes, une priorité commune et nationale.
Notre pays ne peut pas construire un si beau stade et laisser les femmes en rades !
Si nous le voulons et que nous luttons pour nos droits comme il se doit, nous serons d’égale dignité avec nos partenaires. Nous verrons émerger des politiques publiques de protections des femmes veuves, des mères seules et abandonnées qui les premières, subissent de plein fouet la pauvreté et la précarité.
Nous sentirons la protection et la prise en charge nécessaires face à l’insécurité et aux violences sexuelles auxquelles nous sommes toutes exposées, en tout lieu, en tout temps.
En attendant, nous devons des excuses à ces femmes dans les champs sous le chaud soleil, à celles qui sont détenues dans des conditions difficiles, à celles qui accouchent encore sur des charrettes, celles qui sont victimes de violences physiques et sexuelles …
Et pour la postérité, comme l’ont dignement fait les générations précédentes, nous devons honorablement mener notre part du combat, par devoir pour les générations futures.
Gabrielle KANE