Vous avez peut-être vu cette photo circuler sur Internet récemment : cet homme a été présenté comme l’une des personnes ayant été tuée dans l’attentat survenu mardi soir à l’aéroport Atatürk d’Istanbul. Mais il a aussi été présenté comme une victime du crash Egypt Air le mois dernier. Et de beaucoup d’autres drames récents. Or il est bien vivant, et derrière ce visage se cache une histoire rocambolesque venue du Mexique, qui pose la question des limites de la diffamation sur Internet.
L’équipe des Observateurs de France 24 a est tombée sur cette photo pour la première fois après le crash de l’avion EgyptAir.
Des internautes avaient diffusé cette image affirmant que l’homme faisait partie des victimes de l’accident. Plusieurs articles sur Internet, notamment sur le site de la BBC, avaient à l’époque révélé la supercherie en démontrant que des « trolls » [des personnes qui cherchent à créer une polémique ou à nuire sur Internet] s’amusaient à diffuser des photos de fausses victimes de l’accident, « dans le but de berner les médias » selon les auteurs des articles. Mais aucun média n’avait identifié l’homme en question.
Cet homme ne fait effectivement pas partie des personnes officiellement décédées lors de l’accident du 19 mai dernier. Il ne fait d’ailleurs pas davantage partie des victimes de la fusillade à l’aéroport Atatürk d’Istanbul survenue mardi soir et qui a fait, selon un bilan disponible ce mercredi à la mi-journée, 41 morts et 239 blessés. Pourtant, sa photo est de nouveau ressortie sur Twitter à cette occasion.
Idem lors de la tuerie survenue à Orlando (Floride) dans une boite de nuit gay le 12 juin dernier. On retrouve son portrait dans une vidéo du New York Times présentant des images des victimes du drame.
En fait, ce visage est régulièrement associé à toutes sortes d’événements tragiques. Le19 juin, la police mexicaine avait tiré sur une foule rassemblée pour protester contre une réforme éducative, faisant au moins huit morts. Des internautes avaient, sur twitter, présenté cette fois l’homme comme le fonctionnaire qui avait donné l’ordre aux policiers de tirer sur la foule.
Intrigué par la récurrence de ces photos, l’équipe des Observateurs de France 24 a voulu en savoir plus. L’intégralité des publications renvoie à des internautes basés au Mexique. Tous ces internautes, contactés par France 24, donnent la même version : ils affirment avoir été escroqués par cet homme, pour des petites sommes allant jusqu’à 1 000 dollars, dans une affaire de prêts jamais remboursés. L’un d’eux affirme :
Je connais quatre victimes de cet homme, qui est un de mes anciens amis. J’ai porté plainte contre lui au pénal et au civil. Comme l’affaire traîne, et qu’il ne nous rend pas notre argent, nous avons décidé de poster des photos de lui sur Internet, uniquement pour l’embêter… et ça marche ! Pour nous, l’objectif, c’est que son visage soit connu du monde entier et que sa réputation soit ruinée.
Une affaire personnelle autour d’une question d’argent est donc à l’origine de la diffusion systématique du visage de cet homme sur les réseaux sociaux et dans des médias internationaux. France 24 a pu le retrouver mais a décidé de ne pas diffuser son véritable nom. Il ne nie pas être impliqué dans une affaire juridique et explique, fataliste :
Ma photo circule partout, à cause de quelqu’un qui a eu envie de faire une plaisanterie après un litige… Maintenant, j’apparais dans plusieurs histoires que tout le monde retweete. J’ai demandé à la la BBC de supprimer ma photo mais ils ne m’ont jamais répondu. J’ai vu ensuite ma photo sur le New York Times, mais je ne les ai pas contacté. Je n’ai pas porté plainte contre les personnes qui ont diffusé ma photo, car ce genre de procédures n’aboutit jamais au Mexique.