Comme partout à Touba, Janatoul Mahwa, n’a pas désempli. Dans le fief de Serigne Béthio Thioune, c’est la grande affluence où les « Thiantacounes », sont venus des quatre coins du monde. Se considérant comme des filles et fils de Cheikh Béthio Thioune, ils ont tenu à passer comme chaque année la fête auprès de leur guide religieux. Alors que les uns sont au service exclusif du Cheikh et de sa délégation, les autres se démènent en cuisine pour satisfaire les fidèles, venus en nombres, se recueillir.
A l’image des filles qui se pavanent avec leurs cheveux naturels, faisant ainsi abstraction de tout voile, les « Thiantacounes » considèrent à l’unanimité que « l’habit ne fait pas le moine », et que Cheikh Ahmadou Bamba (Rta) n’avait pas exigé ou imposé une tenue à mettre le jour du magal. Ce qui est important, à leurs yeux, c’est l’âme, les gestes et la spiritualité. Serigne Touba avait, disent-ils, « juste demandé de bien accueillir les fidèles, quelle que soit leur religion, et de leur donner à manger comme nul part ailleurs ».
Dans la tente où s’est déroulée la cérémonie officielle du Cheikh, on peut aisément remarquer l’absence de restrictions vestimentaires chez les femmes. Ici, l’on n’est pas obligé de se voiler pour célébrer Bamba.
Pour le « thiantacoune » et chanteur de « xassidas », Alioune Coulibaly : « comme l’a si bien dit le Cheikh, il n’est pas un chef religieux, mais plutôt un guide spirituel. Or, la religion et la spiritualité ont une différence très grande. La spiritualité, c’est Dieu, tandis que la religion est basée sur des dogmes. Raison pour laquelle le Cheikh n’impose ou n’interdit à personne de porter quoi que ce soit ». « Comme Serigne Touba l’a dit : « j’accepte les hommes tels qu’ils sont pour les ramener à la perfection ». C’est ce que le Cheikh a fait. Le Cheikh éduque notre âme, notre intérieur, notre personne. Le fait qu’elles n’ont pas mis de voiles en ce jour du Magal n’a rien à voir avec leur foi et leur croyance en Dieu. Mais, malheureusement, le taux de spiritualité au Sénégal est très bas. Les gens jugent sur l’apparence », ajoute celui que l’on surnomme le « Bambara du Cheikh ».
Cheveux naturels, au vent
Mariama Hann est venue de Dakar. Vêtue d’une robe brodée toute blanche, la tête bien coiffée, elle estime que : « le Magal consiste à faire plaisir aux gens en leur donnant à manger sans distinction aucune. Nous ne nous basons pas sur la charia à 100% c’est pourquoi vous avez vu qu’on a bien fait nos têtes avec des cheveux naturels. Ce n’est pas ça qui est important à mon avis. Ce qui est important, c’est ce que tu gardes à l’intérieur de toi. Le Cheikh nous a beaucoup aidés. Dans notre cœur, il n’y a que Serigne Touba et c’est beaucoup plus important que de mettre un voile sur la tête pour un ou deux jours», a également soutenu la dame.
Un peu plus loin, on aperçoit une jeune dame, vêtu d’une robe jaune, avec une chute de rein qui ne passe pas inaperçu, les lentilles aux yeux. Elle est venue de Bordeaux juste pour venir se recueillir auprès du guide religieux. Elle se nomme Djieuwrine (responsable) Ndéye Pam Thioune. « Je suis venue pour le Magal, et c’est Serigne Touba qui a fait appel à tout le monde, musulmanes comme chrétiennes. Donc, en tant que, mouride et thiantacoune, on doit être les premières à répondre à cet appel. Nous sommes des mourides, Serigne Touba nous a mis là ou il n’a mis personne. C’est pas parce qu’on n’a pas mis des foulards sur nos têtes que nous ne sommes pas des croyants. On a jugé que ce n’est pas nécessaire. Et comme le saviez-vous, on a des âmes prospères, ce qui montre que notre corps l’est aussi. Le Cheikh sait que le monde évolue selon des générations, c’est nos grand-mères qui se voilaient auparavant et maintenant c’est nous qui sommes là, on n’a vraiment pas le temps pour ça. Chaque génération à sa manière de fonctionner. Même le Cheikh nous appelle sur ce fonctionnement. Il savait bien, qu’on allait venir avec nos cheveux naturels et ça ne lui dérange pas. Le fait que l’on ne mette pas de foulard ou de voile l’importe peu, cela ne lui dérange vraiment pas », explique la thiantacoune.
A côté d’elle, une autre Djieuwrine aux pieds nus, vêtu d’une tunique jaune mouchoir à la tête, fait exception. Nafissatou Kane dit Mme Gandoul a choisi de se couvrir la tête. « C’est à cause de la poussière que j’ai mis un mouchoir de tête. Le magal ne se base pas sur un foulard, un voile ou quelque chose d’autre. Il faut juste être correcte, c’est l’essentiel et surtout donner à manger et partager. Ce qui importe, c’est le sacrifice c’est-à-dire le fait de tuer les vaches, les chameaux pour donner aux gens à manger. Tout le reste ce sont des détails », explique la djieuwrine (chef).
Les thiantacouns pensent que le port du voile ne fait pas partie des recommandations du magal. Plutôt, c’est un comportement qu’ils doivent incarner.
Trouvé en train de ranger les adiyas (cadeaux), que les fidèles ont offert au Cheikh, Bakary Coly est le bras droit de Béthio Thioune et en même temps, son garde du corps. Pour lui, le fait de se voiler ou de mettre un mouchoir de tête n’est pas le plus important. L’essentiel, est de donner à manger aux fidèles, de se faire plaisir et de faire plaisir aux autres. « Comme l’a si bien dit Serigne Touba et Serigne Saliou, c’est veiller au bonheur des gens. Tout le reste, c’est pour embellir le magal. Mais comme vous le savez, Touba est un lieu saint, elles doivent faire le minimum. Je ne vais pas dire que cela me dérange ou pas, mais c’est le geste qui compte. Je sais très bien que ce sont de très bonnes filles et elles ont ce qui compte pour une personne, qui est la foi. Si on est dans une société où on a mis des normes et des règles, il est de notre rôle de les respecter », pense Bamba.
Janatoul contraste avec les autres quartiers de la ville sainte. Ici, le mot d’ordre c’est avant tout de donner à manger.