Son appartenance au mouridisme a précédé sa naissance. Serigne Mboup est issu d’une famille dont l’arrière grand-père a cheminé avec Cheikh Ahmadou Bamba. Dans la plus grande discrétion, il accomplit ses devoirs vis-à-vis de sa famille maraboutique naturelle (celle de Serigne Cheikh Madina Mbacké).
Qu’est-ce qui vous lie au mouridisme ?
Mon arrière grand-père a eu des relations étroites avec Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké. Mon arrière grand-père, Mor Mboup, enseignait le Saint Coran au village «Beuri diam», dans la région de Louga où Serigne Touba lui a rendu visite. Et, a passé une nuit dans sa case. C’est à la suite de cette visite que mon arrière grand-père lui a confié son fils, Makhtar Mboup. Et en tant que disciple de Cheikh Ahmadou Bamba, il a instruit à sa lignée de suivre la voie du mouridisme. Après avoir appris le Coran auprès de Cheikh Ahmadou Bamba, mon grand-père a séjourné à Touba Kayel, dans le département de Mbacké, aux côtés de Serigne Moustapha Mbacké, premier Khalife général de Cheikh Ahmadou Bamba. Makhtar Mboup est le père de Bara Mboup, mon père. Du côté de ma mère aussi, je suis lié à la famille de Cheikh Ahmadou Bamba. Assane Dieng, oncle de Serigne Cheikh Awa Balla, est le père de ma mère. Il était le chef de village de Touba Kayel. Donc, je suis lié, par la naissance, à Serigne Touba. Nous avons trouvé que nos parents étaient déjà sous l’aile protectrice de Serigne Touba. Nous sommes nés dans la famille de Serigne Touba.
A quel marabout avez-vous fait allégeance ?
Quand on est né dans une telle famille, on n’a pas besoin de faire allégeance. Notre famille a une lignée qu’elle suit au sein de la famille de Cheikh Ahmadou Bamba. Serigne Modou Moustapha Mbacké est le père de Serigne Mbacké Madina. Ce dernier et Cheikh Gaindé Fatma sont issus du même père. Un jour, un maure a dit à Serigne Modou Moustapha Mbacké, en parlant respectivement de Serigne Cheikh Gaindé Fatma et de Serigne Cheikh Mbacké Madina : «vous avez mis au monde votre sosie et celle de Cheikh Ahmadou Bamba.» Mon père m’a raconté aussi, que quand Serigne Cheikh Mbacké Madina a été rappelé à Dieu, Serigne Abdou Lahad Mbacké a dit devant sa dépouille : «Le défunt Serigne Cheikh Mbacké Madina quitte ce monde, sans laisser meilleur que lui, et rejoint l’au-delà où il ne trouvera pas meilleur que lui». Serigne Mbacké Madina est mon homonyme. Il est le père de Serigne Cheikh Mbacké Bombali. Il est le khalife de Serigne Mbacké Madina, et deuxième khalife de Darou khoudouss. C’est la famille de Serigne Cheikh Madina qui constitue le trait d’union avec Serigne Touba. Nous sommes de cette famille.
Le culte du travail défendu par Serigne Touba n’a-t-il pas constitué un talisman pour votre réussite ?
Serigne Touba nous a appris à travailler pour réussir dans la vie. Mais, je suis frappé par ses khassaïdes. Serigne Touba a dit : «Il est très important d’apprendre le Coran, mais il est encore mieux de ne pas mentir.» Pour pouvoir travailler sainement, il faut éviter de mentir. Pour moi, on aurait dû enseigner cette pensée dans les plus grandes universités du monde. Deuxièmement, il dit qu’il «faut vivre à la sueur de son front». Et Cheikh Ibrahima Fall disait qu’il attend le jour où Dieu va récompenser la parole au détriment des actes. C’est très important. Il y a aussi la capacité de tolérance de Serigne Touba qui est une grande qualité. Le colon qui était là mettait en avant la force physique pour faire respecter ses lois. Mais, Serigne Touba a choisi de conquérir l’esprit des gens. Cela a fait qu’aujourd’hui, même ses petits-fils sont vénérés des talibés mourides. Il a fait face au colon par les idées. «C’est vrai, je mène le jihad, mais un jihad d’idées. Je combats par la raison», disait-il. Un jour, quelqu’un est parti dire aux colons que chez Serigne Touba, il y avait des armes. Une troupe du commandant s’est vite dépêchée chez lui, alors qu’il était absent. Mais après une fouille complète, il n’y avait rien. Finalement, celui qui était venu pour combattre Serigne Touba a pris sur lui la décision de surveiller sa maison contre les comploteurs. C’est simplement vous dire comment Serigne Touba a conquis les esprits. Au plan économique, Serigne Touba a toujours fait des titres fonciers partout où il a eu à s’installer, même à Thiéyène (Département de Dahra Joloff), parce qu’il savait que le monde allait évoluer. Aussi, Serigne Mouhamadou Moustapha est le premier qui a fait du partenariat public-privé, en finançant intégralement le tronçon du train reliant Diourbel à Touba. Cela a contribué à la réduction du coût de transport, lors de la construction de la Grande Mosquée de Touba.
Est-ce qu’il y a eu un signe qui vous montrait que vous alliez réussir dans votre vie grâce à Serigne Touba ?
Nous, famille de Bara Mboup, sommes convaincus que notre réussite est le fruit des prières de Serigne Mbacké Madina. Aujourd’hui, c’est Serigne Cheikh Mbacké Madina et Serigne Ibra Mbacké Madina. Ils sont très respectés dans la voie du mouridisme. Vous ne les entendrez jamais sur certaines choses. Il n’est pas besoin de faire la queue pour les voir. Ils ne demandent rien aux talibés que nous sommes. Ils ont leurs moyens, ils ne comptent pas sur les talibés. Ma maison de Touba que j’ai construite uniquement pour le Magal, a 28 chambres et 5 salons. Mais elle est toujours pleine pendant le Magal. Nous dépensons plus de 20 millions FCfa, pour le repas des deux jours. Et plus d’une centaine de millions pour soutenir les autres familles et écoles coraniques.
On entend souvent certains talibés clamer haut et fort ce qu’ils ont fait à Touba, mais pas vous. Pourquoi cette attitude ?
Je vis mon mouridisme ainsi. On fait beaucoup de choses à Touba. Nous suivons les pas de nos parents. Mais une fois, quand j’ai construit un forage, j’ai beaucoup communiqué là-dessus. C’était fait à dessein pour susciter une concurrence saine, afin que les autres talibés puissent faire autant. Et cela a donné ses fruits, puisqu’après moi, trois autres talibés ont construit des forages. J’ai atteint mon objectif. Vous savez, le Sénégalais aime imiter le bien. C’est cela la vérité. Les gens n’étaient pas orientés à construire des forages à Touba. D’ailleurs, J’ai contribué à la construction de la mosquée de Massalikoul Jinaan. Mais je le fais en toute la discrétion.
A l’école coranique, appreniez-vous les khassaïdes de Serigne Touba ?
J’ai étudié le Coran au «daara» de Coki où se retrouvaient toutes les confréries. Néanmoins, on apprenait les khassaïdes, non pas pour chanter, mais pour découvrir le sens. Quand arrivait le Gamou ou le Magal, le marabout rassemblait tout le monde. Et tour à tour, mourides, layènes, tidianes… se relayaient.
Quelle sera votre prière à l’occasion du Magal ?
Nous allons rendre un grand hommage à Serigne Touba. Vous savez, la ville de Touba est donnée en exemple partout dans le monde. Je prie que les autorités accordent plus d’importance à Touba. Je ne parle pas simplement au plan religieux, mais économiquement, Touba est très important. Son poids démographique en fait la deuxième ville après la capitale Dakar. Donc, Touba contribue considérablement dans l’économie du pays. J’en profite d’ailleurs pour dire que l’autoroute «Ila Touba» est logique, eu égard au poids démographique de la ville sainte.
CHIMERE JUNIOR LOPY