Il ne semble exister aucun sanctuaire ou lieu sûr. Les terroristes attaquent les hôtels, les places de marché, les lieux publics et les postes-frontières, les casernes militaires et autres postes de police ou de gendarmerie. Des personnes en villégiature ou qui vaquent à leurs occupations courantes, sont enlevées et certaines perdent la vie à l’occasion de ces rapts. Les plages et autres endroits de plaisance sont la cible de terroristes. Le tribut n’est pas que sur le plan sécuritaire.
Les activités économiques sont au ralenti, les visiteurs évitent de plus en plus de se rendre dans des pays classés en proie à des menaces terroristes. On pourrait avoir le sentiment que ce sont des alertes qu’on pourrait considérer comme exagérées mais qu’à cela ne tienne. Ne vaudrait-il pas mieux d’être alarmiste plutôt que d’avoir à enregistrer encore des morts ou des otages ? On peut en rire, même si ce n’est vraiment pas drôle. Dans les réseaux sociaux, des messages ont tourné en dérision les alertes et mises en garde émises par la France à l’attention de ses ressortissants en voyage dans des pays du Sahel. «Entre 2013 et 2018, la France, qui a connu 11 attentats, avec un bilan de plus de 245 morts et plus de 900 blessés, n’a jamais été déclarée «pays à risque» et le Bénin, à cause de 2 touristes enlevés et libérés, est déclaré pays risqué par la France.»
Le Sahel, zone d’instabilité
La région sahélienne est en proie depuis 2012, à des tentatives de déstabilisation qui sont le fait d’extrémismes violents. Ces initiatives de déstabilisation ont fini de faire de la menace terroriste et du crime organisé, des situations troubles auxquelles les Etats sahéliens sont exposés, de Dakar à Djibouti. Un tel état est lourd de conséquences pour les populations, avec des pertes en vie humaine sous la violence terroriste, qui font froid dans le dos.
Dans toute la région sahélienne, plus de 4770 personnes ont perdu la vie sous la violence extrémiste entre novembre 2018 et mars 2019, souligne le centre d’analyses sur les conflits Armed Conflict Location and Event Data Project. Un tel chiffre vu au détail, montre l’ampleur du mal terroriste dans notre sous-région. Dans la même période, les civils des Etats voisins du Sénégal ont payé un lourd tribut de cette violence aveugle. De novembre 2018 à février 2019, 547 civils ont été tués dans des violences terroristes au Mali, 78 civils au Niger et 499 personnes au Burkina Faso. Ces chiffres, plus qu’alarmants, montrent la folie meurtrière des entreprises terroristes dans le Sahel, déstabilisant toute la région et faisant le lit d’une montée progressive de violences intercommunautaires là où les Etats semblent avoir failli.
Le massacre de 160 Peuls dans le village d’Ogossagou au Mali, perpétré par une milice Dogon, ainsi que l’attentat de groupes djihadistes ayant fait 62 morts à Arbinda au Burkina Faso, et les affrontements intercommunautaires qui ont suivi, sont des signaux des dérives dans le Sahel. La situation qui prévaut au Mali et au Burkina Faso devrait nous interpeller davantage. Ces pays ne sont presque plus gouvernés, l’autorité de l’Etat est défaillante et cet Etat central n’assure plus ses missions régaliennes ni n’exerce encore aucune autorité sur l’intégrité du territoire.
Franchement, n’eussent été la présence et l’engagement, au prix de lourdes pertes, de cette France si décriée et insultée, la situation aurait été encore plus chaotique. Force est de dire que si le Président François Hollande n’avait pas engagé ses troupes, Bamako serait aujourd’hui la capitale d’un Emirat islamiste au cœur du Sahel.
Des réponses militaires malgré tout
Le sombre tableau des troubles dans le Sahel ne doit pas masquer les efforts qui sont faits par les différents Etats pour faire face à la menace terroriste et le crime organisé. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) mobilise 13000 soldats et 2000 policiers afin de sécuriser et rétablir l’ordre au Mali. C’est une opération dans laquelle le Sénégal est grandement impliqué et ne ménage aucun effort pour la sécurisation de son voisin immédiat.
La contribution du Sénégal pour ce qui est de la Minusma est essentielle, puisqu’il y va de sa stabilité interne. C’est dans une logique d’appui, de prévention et d’endiguement que le Sénégal intervient au Mali voisin pour empêcher toute escalade de risque sécuritaire ou toute expansion de violences terroristes. L’opération Barkhane, destinée à lutter contre le terrorisme en remplacement de Serval, mobilise près de 4500 soldats français dans la région (Mali, Niger et Tchad). Elle est une contribution essentielle de la France dans une région où les troubles terroristes se multiplient et où les ressortissants français en sont souvent victimes.
Le G5 Sahel se présente comme une réponse concertée des Etats les plus affectés par le mal terroriste. La Mauritanie, le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et le Niger mènent un effort conjoint mobilisant 5000 soldats pour mettre un terme à toutes les menaces terroristes. Un débat est nourri par beaucoup d’analystes pour que d’autres pays de la région comme le Sénégal, se joignent à cet effort. Sur un autre registre, des opérations de préparation face aux risques terroristes sont menées par les armées africaines et des puissances partenaires.
C’est le cas des opérations Flintlock à l’initiative du Africa Command (Africom), des Etats-Unis d’Amérique. Le Sénégal participe à ces exercices conjoints pour des réponses efficaces face aux menaces terroristes. L’instabilité dans la région persiste, malgré les efforts déployés pour confronter le péril terroriste. Un travail de conscientisation s’impose auprès des populations du Sahel et particulièrement du Sénégal, pour éviter toute appropriation d’idées violentes. Il demeure que la montée des violences terroristes et intercommunautaires dans la sous-région ouest-africaine est une question majeure qui doit interpeller au Sénégal.
Dans une région en proie à de fortes instabilités, le Sénégal se présente comme la dernière tour que les extrémismes violents n’ont pas encore atteinte. Touchons du bois ! Une telle situation pousse à davantage de vigilance de la part des autorités et une plus grande conscientisation des populations sur les troubles présents dans la sous-région et du poids des menaces. Les efforts déployés sont nombreux, avec des services de sécurité veillant au grain et s’appropriant toute information sur des conduites suspectes ou des velléités de déstabilisation. Au vu des troubles dans les Etats voisins, on peut dire qu’on n’est jamais assez prudent.
Discréditer les idéologies violentes
Le discours à l’attention des populations est ce sur quoi bien des efforts sont à faire. Une conscientisation des populations sénégalaises sur les dangers du terrorisme, les menaces à la stabilité et l’importance du vivre-ensemble sont à promouvoir à tous les niveaux. Les autorités étatiques, les cercles coutumiers et religieux, les acteurs de la Ssociété civile et les médias, se doivent d’être au premier rang dans cet effort. Une attitude volontariste est à encourager auprès des populations pour que tout discours ou projet violent soit contré à ses premiers balbutiements. Cela ne sera pas simple au vu de tout le mal que fait l’usage malicieux des réseaux sociaux dans notre pays !
Une meilleure compréhension des enjeux sur les questions religieuses, la conduite des politiques du Sénégal à l’égard de ses voisins et partenaires sont à avoir. L’occasion est donnée pour saluer le travail du Dr. Bakary Sambe exposant les vulnérabilités socio-politiques du Sénégal, dans un contexte de montée des extrémismes dans notre sous-région. Les discours violents sont à déconstruire pour un pays dont le luxe partagé par tous est sa paix et sa quiétude. Ce sera toute une entreprise de garder notre pays sauf du mal terroriste.
Source: Le Quotidien