Macky Sall, le commencement de la fin

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Après une chevauchée fantastique qui l’a conduit au pouvoir, au bout de quatre années seulement d’opposition, Macky Sall a décroché le graal. Mais, ironie du sort, cette consécration à nulle autre pareille, a marqué le début du déclin. Grandeur et décadence d’un homme qui était promis à un bel avenir dans le cercle très fermé des grands dirigeants du monde contemporain, mais qui s’est loupé magistralement.

Depuis lors, comme s’il ne s’y était pas bien préparé – la fulgurance du parcours en est une explication – le président Macky Sall n’a eu de cesse de collectionner les contre-performances et de multiplier les bourdes. Piètre président de la République, en dépit de son itinéraire politico-administratif qui lui a fait gravir en un temps record les plus hautes sphères de l’Etat, par la grâce de Dieu et de son ex-mentor, le président Abdoulaye Wade, Macky Sall qui avait tous les atouts et prédispositions pour devenir un grand chef d’Etat, aidé en cela par son âge relativement jeune, a eu l’impéritie de transformer l’essai. Pire, il s’est tiré une, voire plusieurs balles dans le pied. La très éphémère lune de miel entre le président Macky Sall et le peuple sénégalais s’est vite transformée en lune de fiel et en dépit amoureux. Un désamour qui s’en va grandissant, du fait d’une gouvernance chaotique et cahoteuse ayant comme soubassement l’acharnement contre des adversaires politiques (…).

Sur le plan économique, tout est allé de mal en pis. Le Sénégal, en chute libre, dégringole jusqu’à entrer dans le cercle peu enviable des 25 pays les plus pauvres au monde. Fuyant la misère et le mal-vivre, beaucoup de jeunes Sénégalais sautent dans des embarcations de fortune pour prendre le large, affronter la haute mer pour une quête de l’Eldorado. La plupart d’entre eux périront dans les océans. Mais, ils ne sont pas plus malheureux que leurs compatriotes qui ont eu la chance d’arriver à destination et de fouler la terre ferme des pays dits développés. Il ne se passe pas un mois sans que la presse rapporte des cas d’émigrés sénégalais tués à l’étranger dans des conditions atroces, sans que l’Etat du Sénégal ne fasse entendre sa voix. A peine, se glorifie-t-on d’avoir permis le rapatriement du corps.

Faute d’une gestion responsable de l’Ecole et de l’Université, l’Etat du Sénégal s’illustre plus par son bras de fer avec les syndicats de l’enseignement que par autre chose. Ainsi, les grèves se succèdent, et faute de quantum horaire suffisant, c’est des élèves et des étudiants mal ou insuffisamment formés. Nos établissements scolaires et universitaires produisent plus de cancres que de cracks. Les hôpitaux deviennent des mouroirs, faute d’une prise en charge correcte par les pouvoirs publics. Le secteur agricole qui est censé être l’une des mamelles principales de notre économie, est laissée à la merci de pluies hypothétiques et aléatoires. Seulement, à chaque fois que le ciel ouvre largement ses vannes pour arroser le pays, nos villes et bourgades sont inondées faute d’un système d’assainissement maîtrisé.

C’est donc dans un contexte aussi macabre que la politique politicienne règne en maître et semble plus occuper nos gouvernants que les véritables problèmes que vivent les populations au quotidien, comme décrit plus haut. C’est la course aux prébendes et aux sinécures. Hanté par son obsession pour un second mandat, le président Macky Sall en est arrivé à oublier la situation préoccupante que vivent les Sénégalais. Entouré ou encerclé par une équipe d’incompétents et de laudateurs, il fait dans le manichéisme en scindant le Sénégal en deux entités distinctes : ceux qui sont avec lui et qui ont donc tous les droits, y compris le droit à l’impunité, et ceux qui s’opposent à sa politique et qui doivent donc vivre l’enfer. Jamais un chef d’Etat sénégalais n’a été aussi impopulaire en si peu de temps.

Le népotisme aidant, la «dynastie Faye-Sall» régente le Sénégal avec comme tête de gondole son frangin Aliou Sall qui truste les ressources pétrolières et gazières nationales. Honni soit qui mal y pense. L’inspecteur des impôts Ousmane Sonko l’a appris à ses dépens. C’est la république des copains et de coquins, comme l’a fait savoir justement le même Ousmane Sonko, qui a déclaré lors d’une conférence publique tenue le 3 septembre dernier : «Nous avons un système complètement infiltré où ce sont des hommes d’affaires qui sont aujourd’hui ministre-Conseiller qui sont au palais pour négocier leur propre business et qui se font énormément d’argent au détriment du peuple sénégalais». Le chanteur et ministre-conseiller Youssou Ndour se reconnaîtra certainement dans cette allusion fort claire. Un Youssou Ndour réputé, par ailleurs, être un grand délinquant fiscal qui, après avoir été dénoncé par un quotidien de la place, n’a rien trouvé de mieux à déclarer, pour se défendre, que de demander à ses accusateurs de publier la liste de tous les autres qui sont dans la même situation que lui. Pauvre ligne de défense ! Si l’on y ajoute que ce ministre très particulier fait du business avec l’Etat du Sénégal, c’est la totale. Mais, que voulez-vous ? C’est le régime de Macky Sall non !?

Il est vraiment dommage qu’après plus de cinquante années d’indépendance, deux alternances politiques au pouvoir, zéro coup d’Etat militaire, que l’on constate un recul démocratique aussi flagrant au Sénégal. Mais, ne dit-on pas qu’il n’y a point de démocratie sans démocrates. Or, l’actuel président de la République du Sénégal traîne beaucoup de casseroles ayant trait à des propos, faits et postures anti-démocratiques. Les souvenirs de déclarations malheureuses du président Macky Sall affirmant vouloir «réduire l’opposition à sa plus simple expression» ou disant que «l’opposition devra subir [sa] politique, que ça plaise ou pas» sont encore frais dans les mémoires des Sénégalais. Le dimanche 4 septembre dernier, à l’occasion des élections des conseillers du Hcct, Adama Faye, frère de la Première dame Marème Faye Sall, et donc beau-frère du président Macky Sall, s’est présenté devant le centre de vote Mame Yacine Diagne après la fermeture des bureaux de vote. Il était déjà 18 h 15 mn, quand il a voulu forcer le barrage de police pour voter alors que les bureaux étaient fermés à l’heure indiquée, c’est-à-dire 18 h. Ceci n’est pas sans rappeler les faits d’arme de son beau-frère de président de la République. En effet, en 2002 à Fatick, Macky Sall avait cassé une urne, rudoyé un représentant de parti dans le bureau de vote et voté par la force sans présenter sa pièce d’identité, malgré le refus du représentant de l’Onel. Bis-repetita en 2007, quand le même Macky Sall a osé faire sortir des observateurs d’élection pour faire voter ses partisans au-delà de l’heure légale, jusqu’à figurer dans un rapport de la Cena.

Après s’être essayé à tout ou presque (chantages, achats de consciences, corruption, envoi en exil, limogeages, emprisonnements, radiations, etc.) le président Macky Sall, grisé par la passivité étonnante des Sénégalais qui le laissent faire – il est plus juste de dire qu’ils le laissent déraper – vient de franchir un nouveau palier en s’érigeant en «gunman» en s’affichant publiquement avec un flingue et en visant une cible inconnue. Les plus célèbres «pistoleros» connus jusqu’ici au Sénégal (Barthélémy Dias et Moustapha Cissé Lô) n’ont qu’à se tenir tranquilles. Son Excellence le président Macky Sall est dans la place. Aux téméraires du genre Ousmane Sonko de se tenir à carreau également. Plus question de plume pour signer un décret de révocation ou de limogeage. «Pan pan» pour vider son chargeur sur les mal-pensants et les rebelles de tout acabit, et l’affaire est réglée comme au Far West. Cette image choquante du président Macky Sall, maniant avec dextérité un flingue comme un cow boy du Texas, a enflammé la toile et mis les réseaux sociaux sens dessus-dessous. Elle démontre aussi, pour la énième fois, l’incurie des «spin doctors» qui sont sensés polir l’image du président de la République et porter sa communication au firmament.

Au total, voilà un régime plébiscité au départ, mais qui a vu ses scores s’éroder inexorablement d’une élection à l’autre. Un régime qui, de par ses bévues et maladresses à répétition, a permis à ses adversaires politiques, jadis impopulaires, de se requinquer mais aussi de reprendre du poil de la bête ainsi que le sens de l’initiative. Un régime qui a réussi la prouesse de fédérer les énergies et les actions d’une opposition jusque-là divisée et apathique, et qui agrège aujourd’hui ses forces à travers un cadre unitaire lui permettant de faire des tirs groupés sur le pouvoir et de faire mouche.

Tout cela cumulé, à quoi il convient d’ajouter la succession, le rapprochement et la régularité des bourdes, des actes manqués et des déconvenues, nous autorise à nous faire une religion sur le devenir d’un tel régime. En effet, à y regarder de plus près et en convoquant l’histoire, on se rend compte qu’un tel faisceau d’éléments concomitants augure de lendemains pas enchanteurs. C’est souvent le chant du cygne qui annonce le commencement de la fin.

Walf.

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