Depuis que le Président Macky Sall a annoncé qu’il ne briguera pas un nouveau mandat, des responsables politiques se positionnent afin d’en être le successeur. Certains ne s’en cachent pas, d’autres le font en sourdine. C’est sous cet angle qu’il faut comprendre certaines sorties de militants du parti présidentiel criant leur « désarroi ».
Qui tire les ficelles ? A quelle fin ?
Plus on s’approchera de 2024, plus les cris d’orfraie se feront plus audibles.
Des responsables rongent présentement le frein sur lequel ils ont dû en catastrophe appuyer avec le brusque report des locales. Si ces joutes étaient maintenues, on aurait assisté aujourd’hui à des défiances et des menaces de dépôt de « listes parallèles » dans presque toutes les localités du pays. Certains l’avaient même déclaré.
Il est opposé au second mandat du Président Macky Sall deux stratégies politiques : celle dite du chaos et celle par déplacement.
La stratégie du chaos fonctionne sur l’entretien mensonger de la terreur ; elle gère et attise le désordre, l’effroi, la crainte, la panique sociale, la haine… C’est ce qui est opposé, aujourd’hui, au Président Macky en dehors de sa coalition par l’opposition et à l’interne par des responsables qui regardent faire, espérant voir ce chaos s’installer.
Cette stratégie s’organise selon un plan logique et structuré : développer un dispositif chaotique fonctionnant sur l’ignorance, la désinformation, les violences verbale et physique, afin de rendre invisible les efforts d’un régime et invulnérable le centre réel du pouvoir.
Une fois l’objectif atteint, il suffira de se présenter comme un messie incarnant tout l’espoir de ces populations qui auront la perception de ne plus savoir où donner de la tête. C’est cela l’objectif de tout partisan de la stratégie du chaos.
Donald Trump l’a mise en œuvre pour doubler Hillary Clinton lors des présidentielles américaines de 2016. Il avait fini de faire croire aux américaines et américains que la grande puissance mondiale courrait d’énormes risques et qu’il était le seul à pouvoir y faire face. Même après son élection, le Président américain continue de diriger les Etats Unis avec cette même stratégie politique.
La seconde stratégie est celle dite par déplacement.
En politique, il y’a trois stratégies qui peuvent alterner, coïncider ou se chevaucher selon les situations. Ce sont les stratégies directes, indirectes ou par déplacement. Celle par déplacement qui nous intéresse dans notre propos, est un classique du combat politique. On n’a pas attaqué Bill Clinton sur sa gestion, mais sur sa vie privée et Chirac l’a été sur ses voyages familiaux aux frais du contribuable. C’est en cela que la stratégie par déplacement s’apparente à la stratégie indirecte. Elle transfert l’affrontement ailleurs surtout quand la confrontation directe n’a rien donné.
Si vous débattez avec un économiste, déplacez le débat sur la politique étrangère. Si vous affrontez un médecin, faites-le parler d’économie. Aidez un juriste à s’empêtrer dans des problèmes de santé.
La stratégie directe employée par les opposants au Président Macky Sall n’a rien donné jusqu’ici avec le Président Macky Sall. Ce dernier continue de gagner tous ses duels d’homme à homme. Chaque fois qu’un opposant s’est essayé à cette confrontation directe, le Président Macky s’en est sorti victorieux.
C’est ce qui pourrait expliquer, même si ce n’est pas totalement, les attaques que subissent son frère Aliou Sall. Au nom de la stratégie par déplacement, le débat est orienté vers son frère, son entourage et sa vie privée.
C’est là où les jokers qui sont ceux là qui l’accompagnent dans sa politique auraient dû pleinement jouer leur rôle. Rappelons qu’il n’est pas de bonne stratégie politique sans recours à des jokers. Positifs ou négatifs ils apporteront la démonstration, sinon la preuve, que le dirigeant est du côté du bien ; le joker positif étant un porte-drapeau et celui négatif un intégrateur répulsif.
Ceci dit, ceux qui pensent que le Président Macky Sall n’a pas les cartes en main pour organiser sa succession se trompent lourdement de lecture politique. Il tient bien les rênes de la coalition présidentielle et de son parti. Autour de lui, il n’y a pas réellement une personne avec une envergure nationale capable de se déclarer comme son potentiel successeur ; En tout cas pour le moment.
Aujourd’hui, le Président Moustapha Niasse est atteint par la limite d’âge ; le Parti Socialiste (PS) est devenu comme un poisson dans l’océan Benno Bokk Yakaar et ne peut plus espérer vivre en dehors.
L’élargissement annoncé de Khalifa Sall ne pourra rien y changer même si ce dernier accepte de rejoindre ses anciens camarades tant qu’il n’aura pas recouvré ses droits civils et politiques qu’une simple grâce ne pourrait lui offrir.
Par contre, s’il continue de rester en dehors, ce sera encore pire car il ne sera pas à la tête d’une formation politique à moins qu’il en crée une et ce sera pour travailler pour une autre personne. Il ne sera pas dans ce cas à l’abri de ce qui arrive au PDS avec un Karim Wade sans droits civils et politiques.
En ce qui concerne les partisans du Président de la République, qu’ils soient de son parti ou de la mouvance, l’heure doit être au resserrement des lignes et à la démonstration d’une certaine loyauté vis à vis de celui qui détient les cartes. Personne ne peut et ne pourra y arriver sans son consentement.
Des fois, certains militants peuvent vous faire croire que votre heure a sonné et que vous devez entrer en rébellion pour espérer diriger le Sénégal en 2024. Ils ne vous disent aucunement la vérité.
Tout au contraire, ils vous entrainent vers votre perte politique. Nul ne peut avoir aujourd’hui, la prétention de voler de ses propres ailes hors de Benno. Pour vous en rendre compte posez vous sérieusement ces questions : avez vous une envergure nationale ? Avez vous un appareil politique (parti ou mouvement) bien implanté sur tout le territoire national ? Pensez vous qu’une foule immense de sénégalais vous soutiendra ?
Certains vous diront que l’urgence est dans la réorganisation ou l’organisation tout court de l’APR. Que nenni !
Le faire équivaudrait à mettre des responsables les uns devant les autres et ainsi faire croire à celui qui viendrait après le Président qu’il est de fait son dauphin. L’intelligence politique réside dans cette non structuration et c’est là tout le génie politique du Président Macky Sall depuis le début.
La meilleure attitude aujourd’hui, est de rentrer dans les rangs et d’y rester en attendant que celui qui a les cartes les distribue.
Souleymane Ly
Spécialiste en communication