Le monde pourrait revivre les pires heures de la pandémie de sida sans reprise du soutien financier des Etats-Unis à l’aide internationale, a averti la cheffe de l’Onusida lundi.
« Les coupes budgétaires américaines font qu’aujourd’hui 27 pays d’Afrique connaissent des pénuries de personnel et des perturbations dans les systèmes de diagnostic et de traitement, ainsi que des systèmes de surveillance qui s’effondrent », a indiqué la directrice d’Onusida, Winnie Byanyima, lors d’une conférence de presse à Genève.
« A plus long terme, nous voyons la pandémie de sida ressurgir à l’échelle mondiale, non seulement dans les pays à faible revenu (…) d’Afrique, mais aussi parmi les populations clés en Europe de l’Est et en Amérique latine », et « nous verrons des gens mourir, comme nous l’avons vu dans les années 1990 et 2000 », a-t-elle déclaré.
« Nous allons assister à une véritable recrudescence de cette maladie », a-t-elle insisté, lançant un appel direct au président Donald Trump de « faire un deal » autour de la prévention de la maladie qui rapporte bien plus qu’elle ne coûte.
La suspension pour plusieurs mois de l’aide américaine a provoqué confusion et perturbation dans le réseau mondial de lutte contre le sida malgré l’exemption accordée par l’administration Trump à certains programmes, avait averti début février l’Onusida, elle-même financée à 50% par les Etats-Unis.
Selon l’agence onusienne, sans reprise de l’aide des Etats-Unis, et alors qu’aucun autre Etat n’a annoncé vouloir les remplacer, il y aura au cours des quatre prochaines années 6,3 millions de décès supplémentaires dus au sida. « En 2023, on comptait 600.000 décès (…). On parle donc de dix fois plus », a indiqué Mme Byanyima.
Mme Byanyima a expliqué que « les Etats-Unis ont été un partenaire incroyable » et l’Onusida a travaillé en « étroite collaboration » avec le programme Pepfar, lancé par l’ex-président George W. Bush pour lutter contre le sida, également affecté par les coupes budgétaires.
Mais « la soudaineté du retrait du financement américain a entraîné la fermeture de nombreuses cliniques et le licenciement de milliers d’agents de santé », a-t-elle relevé.
Si elle estime « raisonnable que les États-Unis veuillent réduire leur financement », la haute responsable onusienne rappelle que « la soudaineté du retrait (…) a un impact dévastateur dans tous les pays, en particulier en Afrique, en Asie et en Amérique latine ».
– « une nouvelle révolution » –
Dans certains pays d’Afrique, la réponse au sida est très dépendante de l’aide extérieure, comme en Tanzanie, où elle représente 94% du financement et provient en grande partie des Etats-Unis. L’Ouganda est aussi dépendante à 90%, a indiqué Mme Byanyima.
Certains pays, comme le Kenya (63%), l’Afrique du Sud (76%) et le Bostwana (66%), ont réussi à réduire leur dépendance, a-t-elle dit. Mais « il est faux de croire » que les autres « restent les bras croisés, sans rien faire ».
« Nous demandons instamment un réexamen et un rétablissement urgent des services, des services qui sauvent des vies », a-t-elle dit.
L’appel de l’ONU est d’autant plus pressant que les experts estiment qu’un anti-rétroviral, développé par le géant américain Gilead à partir de la molécule lenacapavir, pourrait changer la donne contre le sida.
Selon Mme Byanyima, « nous sommes à l’aube d’une nouvelle révolution dans le traitement préventif » et « nous pourrions voir la fin du sida » grâce à un déploiement ambitieux du traitement, qu’elle qualifie d' »outil miracle ».
« Gilead est une entreprise américaine qui a toutes les chances de tirer profit de cette innovation, à condition que le président des États-Unis et son administration comprennent le deal » autour de la prévention de la maladie, a-t-elle insisté.