« Nous reconduisons beaucoup trop peu »: en matière d’immigration, Emmanuel Macron a fixé mardi un cap de fermeté pour la loi qu’il veut voir bouclée début 2018, dans le cadre d’une « refondation complète » prenant l’Allemagne pour modèle.
Les enjeux sont élevés: « Si nous n’agissons pas pour refonder » cette politique, « c’est le consensus républicain autour de notre tradition d’accueil et d’asile qui est remis en cause » et « les seuls gagnants sont les extrêmes », a averti M. Macron.
Du côté de l’asile, il a répété sa volonté de réduire à six mois le délai d’instruction des demandes. Optimisation des moyens, rapidité des procédures… Sur ce « droit imprescriptible », une communication en Conseil des ministres avait fixé des objectifs ambitieux à l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et son instance d’appel début juillet.
Fidèle à sa dichotomie réfugiés/migrants économiques, M. Macron a répété la nécessité de favoriser l’intégration, chargeant le député REM du Val d’Oise Aurélien Taché d’une mission sur la « refonte » de la politique avec un accent « sur l’apprentissage du français ».
Mais l’heure est aussi à la fermeté. « Nous reconduisons beaucoup trop peu », a-t-il martelé, et nous « laissons s’installer des centaines de milliers » de personnes dans un « no man’s land administratif ».
« Modèle allemand »
Le projet de loi piloté par l’Intérieur comportera « plusieurs dispositions pour permettre d’améliorer les retours vers les pays d’origine », comme le font « nos voisins, en particulier l’Allemagne ». Car il faut désormais « que le modèle français se rapproche du modèle allemand. Nous avons des défis communs. Rapprochons nos droits, soyons plus efficaces », a-t-il affirmé.
Avec cette référence, Emmanuel Macron inscrit son action dans le sillage de la politique généreuse d’Angela Merkel, qui avait ouvert la porte à un million de réfugiés en 2015. Mais l’Allemagne a aussi pris des mesures beaucoup plus fermes depuis : soutien à l’accord décrié UE/Ankara de 2016 permettant le retour de réfugiés en Turquie, renvoi en Grèce de migrants déjà enregistrés dans ce pays, asile plus strict qu’en France pour les Afghans et les Albanais notamment…
Au 1er semestre, l’Allemagne a expulsé 12.545 personnes. C’est autant que la France en 2016, alors que 91.000 personnes en situation irrégulière avaient été interpellées. « Nous sommes inefficaces dans la reconduite », a affirmé M. Macron devant les préfets qui ont reçu dans l’après-midi leur feuille de route du ministre de l’Intérieur. Celle-ci fixe des lignes fermes: « Revisiter les régimes de la retenue » pour vérification du droit au séjour (possible pendant 16 heures) et « de la rétention administrative » (cela pourrait allonger les 45 jours autorisés).
Gérard Collomb évoque aussi des « moyens spécialisés » pour accélérer le transfèrement des « dublinés » vers le pays européen où ils sont déjà enregistrés, conformément au règlement Dublin. Ces migrants ont pu représenter deux tiers des arrivées à Paris en début d’année, venus d’Allemagne notamment. Or la procédure, complexe, fonctionne peu (10% de transferts l’an dernier). Il s’agit aussi de convaincre les pays d’origine de reprendre leurs ressortissants déboutés: « Un ambassadeur sera nommé dès demain (mercredi) en Conseil des ministres » pour « accélérer la délivrance » des documents nécessaires par les pays « récalcitrants », a annoncé M. Macron.
Enfin, selon la feuille de route, la législation devra être « plus constructive en matière d’accompagnement des retours volontaires », moins coûteux que les expulsions mais décriés par des ONG. Depuis le début de l’année 4.500 personnes en ont bénéficié (+40% en un an) et le pécule a été porté à 1.850 euros.
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