Mamadou Dia est né dans la région de Thiès, à l’aube de l’année 1910 d’un père toucouleur devenu cheminot à Thiès avant d’être enseignant à Khombole, ville d’où Dia est d’ailleurs originaire. Sa mère est une serère du Baol. Jeune, il est formé à l’école coranique et commence l’école Française à Diourbel. Au lendemain de la mort de son père, il fréquente l’école primaire supérieure Blanchot de Saint-Louis en 1924 tout en poursuivant ses études coraniques.
Jeune et très brillant, son âge est modifié d’un an, pour qu’il rentre à l’Ecole nationale William Ponty en 1927 et est reçu premier de toute de l’Afrique de l’Ouest occidentale. Il devient instituteur à Saint-Louis et Fissel, puis directeur de l’école régionale de Fatick en 1943.Il côtoie Joseph Mbaye, Fara Sow, Abdoulaye Sadji et Ousmane Socé Diop, connus à Blanchot, développant une hostilité envers le colonialisme et l’assimilation2. Ne portant aucun intérêt à l’engagement politique, il se fait régulièrement le relais dans la presse de la situation économique du Sénégal, en particulier de la misère des paysans pour lesquels il préconise un regroupement en coopératives. Les habitants de Fatick lui demandant d’être candidat à l’Assemblée du Conseil général, il adhère pourtant à la SFIO, qu’il juge pas assez socialiste. Parrainé par Léopold Sédar Senghor et par Ibrahima Seydou Ndaw, il est élu conseiller général en 1946. Avec Senghor, Ndas et Léon Boissier-Palun, il s’oppose au dirigeant de la SFIO sénégalaise, Lamine Guèye, qui tient la direction fédérale, et devient le porte-parole des contestataires jusqu’à leurs démissions du parti le 27 septembre 1948. Ils créent le Bloc démocratique sénégalais (BDS), qui tient son congrès fondateur du 15 au 17 avril 1949 à Thiès, Dia désigné secrétaire général et Senghor président du nouveau parti, rebaptisé au cours des années Bloc populaire sénégalais (BPS) puis UPS. Dans cette période fondatrice, Dia sait habilement seconder Senghor dans les efforts de propagande en direction des minorités non wolof, notamment en Casamance ou dans le pays sérère. Grand Conseiller de l’AOF en 1948, Dia devient ensuite sénateur du Sénégal (1949-1955) puis député, avec Senghor, à l’Assemblée nationale française en 1956, où il siège au sein des indépendants d’outre-mer (IOM). Durant ces années de parlementaire, il complète son cursus par des études supérieures de géographie, de droit et de sciences économiques sous le professorat marquant de François Perroux. Dia constitue avec Senghor, en janvier 1957, à partir du BPS, le Parti de la convention africaine (PCA), premier pas vers une future fédération africaine que beaucoup de dirigeants appellent de leurs vœux. En application de la Loi-cadre Defferre, adoptée le 23 juin 1956, il devient vice-président du Conseil de gouvernement du Sénégal en mai 1957 auprès du gouverneur Pierre Lami, puis président du gouvernement du Sénégal. Lorsque Charles de Gaulle propose un référendum sur la communauté française en 1958, les deux responsables s’opposent publiquement sur la position à prendre : Dia est favorable à une rupture avec la France, alors que Senghor veut conserver le Séné- gal dans la communauté, ce qui est finalement réalisé. Dia se succède à lui-même en qualité de Président du Conseil après l’indépendance du 4 avril 1960. Quand Modibo Keïta cherche à prendre le contrôle de la Fédération du Mali, Dia convoque une séance extraordinaire de l’Assemblée du Sénégal et un conseil des ministres dans la nuit du 20 au 21 août 1960. L’indépendance de la République du Sénégal et l’état d’urgence sur tout le Sénégal sont proclamés3. Spécialiste des questions économiques, influencé par Perroux, Henri Desroches et Louis-Joseph Lebret, Dia met en place le premier plan de développement économique du Sénégal. Il tente aussi de développer un islamisme éclairé et une administration moderne, non sans provoquer quelques heurts avec les milieux conservateurs.