Les révélations d’ Iran Ndao sur les divorces dans les couples

«Dieu dit que s’il y a divorce, c’est parce que l’union n’est pas basée sur l’amour, l’entre-aide, la pitié et la tolérance. Les conjoints doivent pouvoir se supporter quelles que soient leurs incompréhensions. Ils doivent se compléter. Mais de nos jours, on se marie de plus en plus pour des raisons matérielles ou charnelles. On aime la femme parce qu’elle a des fesses, qu’elle est belle ou de teint clair. On ne cherche pas à savoir si elle est vertueuse ou pieuse. Des hommes cherchent des femmes aisées véhiculées qui ont leurs maisons ou qui sont entre deux avions du Sénégal vers les Usa, l’Italie, Dubaï et la Chine. Ils cherchent donc le confort et le bien être social auprès des femmes. On peut en dire autant pour les femmes. Ces unions ne peuvent durer. Les fidèles doivent se suffire à la Charia. Si le divorce est prononcé, la femme a la garde des enfants et l’homme les nourrit jusqu’à leur majorité (18 ans)».

Dans la ville aux-deux-gares, les ménages qui se déchirent devant le juge des familles se comptent par centaines. Au tribunal départemental de Thiès où on note en moyenne 60 divorces par mois tout comme au tribunal ecclésiastique du Diocèse de Thiès, les couples s’y bousculent pour se séparer au motif de multiples causes liées à l’incompatibilité d’humeur, la stérilité, l’abandon de la famille, les violences et sévices conjugales, le défaut d’entretien entre autres…

Diakhou Ndoye affiche des dents d’une blancheur étincelante. Elle essaie de forcer le sourire. Malgré elle. Son attitude cache mal son amertume. Tout près d’elle, un homme, la cinquantaine sonnée, implore son pardon. Il est indifférent aux paires d’yeux braqués sur lui. Sans gêne. Il se tourne et supplie l’avocat de son épouse. Debout comme un piquet dans la cour du tribunal de grande instance de Thiès, la dame, inflexible, feint même d’ignorer son mari qui tente une dernière fois de la dissuader de divorcer. Celle-ci attend juste d’entrer dans la Chambre du conseil pour faire face au juge des familles pour son procès en divorce. Perchée sur ses 35 berges, Diakhou n’a pas connu les bonheurs du ménage.

Son mariage n’a duré que le temps d’une rose. Agent commercial, elle avait connu cet homme qui l’avait aussitôt épousée trois mois après leur rencontre. Puisque son prétendant n’avait pas des ressources financières stables, Diakhou va même contribuer pour 100.000F CFA à la célébration de son propre mariage. Pour avoir connu plusieurs déceptions, elle avait sauté sur la première demande de mariage. Comme si elle portait les signes du bonheur, son époux fut finalement embauché au sein de l’entreprise où il a travaillé comme journalier pendant des années. Mais 6 mois plus tard, celui-ci décide de prendre une seconde femme. Ainsi, commence le calvaire de Diakhou qui n’a plus revu son époux. Ulcérée par cette trahison, elle a demandé le divorce surtout que son mari ne l’a jamais entretenue après avoir consommé leur mariage. Elle a découvert sur le tard que celui-ci a divorcé à trois reprises. Diakhou partage son infortune avec d’autres femmes avec qui elle s’est liée d’amitié à force de les rencontrer au tribunal. Ils sont d’ailleurs nombreux ces couples qui se déchirent au tribunal pour un divorce par consentement mutuel (Dcm) ou par contentieux.

300 cas de divorces prononcés en 7 mois

Du 9 janvier au 27 juillet 2019, 128 cas de divorce par consentement mutuel ont été prononcés au tribunal départemental de Thiès. Et du 9 juillet au 24 juillet, 150 cas de divorce par contentieux ont été notifiés. Fatou Diop qui a connu déjà deux divorces est dans le lot. Le corps moulé dans un pantalon Jean de couleur bleu foncé assorti d’une chemise blanche, elle donne l’air d’une femme qui s’accommode difficilement à la vie de couple. Frustrée et déçue, elle donne toujours le tort aux hommes qui montrent tardivement leur vrai visage. Elle pense que les hommes qui promettent monts et merveilles avant le mariage sont souvent de beaux parleurs. Femme d’affaires, elle vient de se séparer de son mari, un homme politique connu mais qui, malheureusement, n’a cessé de l’abreuver de mensonges. Fatou déteste les hommes qui cherchent par des calculs à s’accrocher aux basques des femmes aisées.

Très sollicité pour des cas de divorce, Me Oumar Faty, avocat à la Cour, regrette le nombre élevé de divorces au niveau du Tribunal de Thiès. Il est d’avis que les couples sont conscients, aujourd’hui, que le divorce coutumier ou religieux n’est pas en réalité un divorce effectif. Car pour se séparer, il faut un certificat de divorce que seul le juge des familles peut prononcer suite à une procédure enclenchée. Quand une personne introduit une demande de divorce, la loi donne d’abord l’obligation au juge des familles d’essayer de concilier les parties sans la présence de leurs avocats. Si les parties ne tombent pas d’accord, il produit une ordonnance de non conciliation. Il peut instruire les époux à arrondir les angles pour un divorce par consentement mutuel. S’ils acceptent, il ne fera qu’homologuer la décision prise par les conjoints. En revanche, pour le divorce par contentieux, le juge est obligé de voir les motifs pour lesquels le couple veut divorcer. Les principales causes de divorce sont l’incompatibilité d’humeur, le défaut d’entretien, l’abandon du domicile conjugal, la stérilité, la maladie incurable, la condamnation à une peine inféodée. Me Faty précise que l’incompatibilité d’humeur est un motif très vague et imprécis. «C’est un motif fourre-tout. Si le juge ne parvient pas à avoir tous les éléments lui permettant de prononcer le divorce, il peut retenir ce motif.

Très souvent, le couple ne s’entend pas. Ce sont des querelles, des mésententes», confie-t-il. C’est d’ailleurs ce motif que le juge a retenu pour Diakhou Ndoye et le défaut d’entretien pour Fatou Diop. Me Faty note qu’il revient à l’époux d’entretenir sa famille quelles que soient les sources de revenus de son épouse. Mais aujourd’hui, avec la situation économique difficile, l’avocat pense que l’homme peut avoir des difficultés à entretenir sa famille surtout s’il n’a pas un travail décent. D’autres abandonnent leur domicile conjugal pour des raisons diverses. Pour rien, la femme qui n’attend rien de son mari peut le renvoyer si c’est l’homme qui a rejoint son domicile. Si c’est le contraire, l’époux peut aussi dire à son épouse : « prend tes bagages et quitte ma maison ».Si la femme n’est pas bien éveillée, elle peut quitter le domicile. Et entre temps, l’époux trouve un huissier pour faire constater que sa femme a disparu en emportant ses affaires. Pour lui, c’est une sorte de piège.

Divorcé après 30 ans de vie en couple

De ce fait, les femmes averties ne partent jamais si elles savent que seul le juge est habilité à la faire quitter le domicile conjugal. La femme peut aussi volontairement quitter parce qu’elle a des problèmes avec son époux ou avec les autres membres de sa belle-famille. Certaines belles-mères ou belles-sœurs ont des relations heurtées avec les épouses de leurs fils ou de leurs frères. Khady Fall, qui n’a pas pu enfanter, victime de violences conjugales et souvent d’injures graves, a décidé de quitter son mari parce qu’elle ne supporte plus ses crises de colère. Me Oumar Faty garde encore en mémoire le divorce d’une de ses clientes après 30 ans de mariage. «Pendant des années, les époux se sont résignés. Il a fallu une petite goutte d’eau pour faire déborder le vase. A un certain âge, la femme ne veut pas divorcer à cause des enfants. Finalement, elle n’en pouvait plus des disputes et des tensions familiales. Elle a fini par craquer», argue-t-il. Souvent aussi, certaines femmes introduisent des demandes de contribution aux charges du mariage auprès du juge. Ce qui révolte les hommes qui finissent par demander le divorce. Trouvé à son domicile dans la cité du rail, Pr Djiby Diakhaté, sociologue, se prépare à conduire sa nièce qui doit rejoindre le domicile de son mari à Keur Massar à Dakar. Il est très content de tout le cérémonial qui a escorté le mariage de sa nièce. «Dans nos traditions, on dit que le mariage, c’est comme un verre avec beaucoup de piments à l’intérieur et du miel au sommet. Il faut donc travailler à ce que les femmes donnent des modèles à leurs enfants. Il faut aussi travailler sur les contenus télévisuels en présentant des femmes et des hommes engagés dans la vie matrimoniale. Les jeunes couples ont besoin d’être accompagnés. On doit se marier sur la base de valeurs et de l’amour. C’est largement suffisant pour avoir une vie matrimoniale stable », dira-t-il. Mieux, il pense que les conjoints doivent être présents lors des rituels à la mosquée et à l’église pour écouter les sermons. «Quand les imans et les évêques parlent, les conjoints sont à la maison et attendent, alors que les messages leur sont destinés», souligne-t-il. Il recommande une éducation aux réseaux sociaux qui font que beaucoup de couples ont des problèmes. «La femme a tendance à lire les sms de son mari. On utilise le téléphone portable à des fins de destruction. Enracinement et ouverture. C’est Youssou Ndour qui chante qu’il faut aller vers le baobab avec nos instruments. Si on regarde le rituel qui accompagne le mariage, envelopper la mariée d’un pagne, cela se fait dans la cour de la maison et non dans une chambre. C’est une façon de lui dire que tu n’as plus de place dans la chambre. Après, on lui donne du mil qu’elle doit prendre entre ses mains. C’est une façon de lui dire que nous souhaitons qu’il y ait l’abondance dans ta vie de couple, la réussite des enfants. Ces choses sont en train de disparaitre. Aujourd’hui, la femme rejoint directement le domicile conjugal », déplore-t-il. Les divorces constituent ainsi un véritable drame social. Parallèlement aux divorces prononcés au tribunal, des centaines d’autres femmes sont répudiées par leurs maris sans autres formes de procès.

PR DJIBY DIAKHATE, SOCIOLOGUE «La crise économique a beaucoup contribué à la fragilisation des ménages»

Perte des valeurs

«Le mariage se heurte aujourd’hui à de sérieuses difficultés. Ces dernières années, on constate une flambée de divorces aussi bien en milieu urbain, périurbain que rural. Parce que nous avons un ensemble de facteurs qui expliquent ce phénomène qui constitue une préoccupation pour les populations. Le mariage disposait avant d’une durée de vie particulièrement appréciable. Les gens se mariaient pour le restant de leur vie. Le mariage était conçu comme une valeur à laquelle s’attachaient les parties prenantes. Que ce soit la famille de la femme ou de l’homme, elle s’adossait à des valeurs et posait des actes qui renforçaient les relations des deux familles. Il se trouve aujourd’hui que ces valeurs ont périclité les unes des autres. Il y a ensuite la crise économique. Celle-ci touche les ménages et fragilise la trésorerie familiale. Il y a une tension de trésorerie au sein de l’Etat mais aussi au sein des familles. Ce qui fait que face à un certain nombre de besoins exprimés, l’un ou l’autre conjoint, s’il n’a pas une réponse appropriée sur le plan financier, cela peut causer un certain nombre de problèmes au sein du couple ».

Infidélité

«Il y a aussi la jalousie. C’est un élément qui constitue un motif de divorce de plus en plus massif. Pour beaucoup de femmes, les hommes ne peuvent pas rester fidèles. Elles considèrent que leurs maris ont des maîtresses. Et le téléphone portable ne vient pas faciliter les choses. Dans certains cas, le mari peut soupçonner son épouse d’avoir un petit ami. Il y a aussi l’incompatibilité d’humeur. Les conjoints peuvent émarger à des registres émotionnels et principiels totalement différents. Le mari peut s’adonner à la piété en allant à la mosquée ou à des activités religieuses alors que sa femme qui est jeune veut sortir, aller au restaurant ou aller danser. Cela peut créer des difficultés dans les couples. Il faut ajouter l’influence nocive de l’environnement familial. Les sœurs, les frères, la belle-mère peuvent avoir une interférence nocive dans la vie du couple ».

Calculs

«Beaucoup de jeunes filles ont compris qu’en allant au tribunal, on peut bénéficier d’une part du salaire du mari. Il y a des calculs faits pour avoir des revenus. Ce n’est pas la majorité qui fonctionne ainsi. Mais il y a certaines femmes qui ciblent les hommes qui ont un certain positionnement socio-économique. Ainsi, beaucoup d’hommes vivent un véritable calvaire. Non seulement, ils ont été abandonnés par leurs femmes de façon inadmissible, mais elles arrivent à bénéficier de revenus tirés du salaire de leur mari. Aujourd’hui si nous voulons sauver la famille, il faut qu’on retourne aux valeurs. Si la famille est fragilisée, c’est la société qui risque d’être dans une situation de déliquescence. Et il ne risque que d’y rester la partie charnelle. Celle-ci ne peut aucunement permettre de construire une famille, une communauté, une Nation. Il est important et quelle que soit la situation pour entrer dans la modernité qu’on s’enracine dans nos valeurs».

IRAN NDAO, ISLAMOLOGUE «Quand on se marie pour des raisons matérielles ou charnelles, le divorce s’en suit»

«Dieu dit que s’il y a divorce, c’est parce que l’union n’est pas basée sur l’amour, l’entre-aide, la pitié et la tolérance. Les conjoints doivent pouvoir se supporter quelles que soient leurs incompréhensions. Ils doivent se compléter. Mais de nos jours, on se marie de plus en plus pour des raisons matérielles ou charnelles. On aime la femme parce qu’elle a des fesses, qu’elle est belle ou de teint clair. On ne cherche pas à savoir si elle est vertueuse ou pieuse. Des hommes cherchent des femmes aisées véhiculées qui ont leurs maisons ou qui sont entre deux avions du Sénégal vers les Usa, l’Italie, Dubaï et la Chine. Ils cherchent donc le confort et le bien être social auprès des femmes. On peut en dire autant pour les femmes. Ces unions ne peuvent durer. Les fidèles doivent se suffire à la Charia. Si le divorce est prononcé, la femme a la garde des enfants et l’homme les nourrit jusqu’à leur majorité (18 ans)».

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