Les recommandations bizarres de Habib Sy

Ancien Ministre, ancien Ministre d’État dans différents gouvernements du Président Abdoulaye Wade dont il fut par ailleurs le Directeur de cabinet et le fidèle compagnon politique jusqu’à la chute du 25 mars 2012, Habib Sy vient de faire une sortie pour le moins surprenante pour préconiser des élections anticipées en 2022 après seulement 3 ans d’exercice d’un mandat présidentiel de 5 ans ; et cerise sur ce fabuleux gâteaux pour opposants à la traîne, le Président Macky Sall devrait « annoncer urbi et orbi » qu’il ne participerait pas à ces élections.
Pourquoi une telle situation d’exception ?
L’ancien ministre d’État énumère, au titre de son argumentaire : « Les scandales à répétition du Pouvoir exécutif, la soumission de l’Assemblée nationale à l’Exécutif, le Pouvoir Judiciaire perçu par une grande partie de l’opinion comme aux ordres, la pérennisation d’institutions budgétivores, la gestion nébuleuse du Fonds Covid-19, l’effondrement de l’économie, les couches sociales défavorisées au bord de l’abîme etc… », des faits allégués qui, selon lui, sont « susceptibles de déclencher de futures manifestations populaires aux conséquences imprévisibles ».
A côté de cette peinture particulièrement sombre de la situation nationale, Habib Sy évoque l’existence d’un « virus d’instabilité qui sévit dans la sous-région ouest Africaine » qui pourrait avoir un effet de contagion sur notre pays.
C’est simplement hallucinant !!!
On serait très à l’aise de discuter pour remettre en cause la justesse de la caractérisation du contexte national portée par Habib Sy. Ce qui est en revanche indiscutable, c’est que la période de 2000 à 2012 répond parfaitement à cette caractérisation, alors que Mr Sy était au cœur du pouvoir. On ne l’a jamais entendu s’émouvoir encore moins demander un départ du Président de la République et l’organisation d’une élection anticipée. La persistance de pratiques réprouvables au cœur de l’État, durant cette période n’a jamais incité non plus les populations à se soulever pour abréger le mandat qu’elles avaient souverainement dévolu au Président de la république. Parlons-en !
En matière de scandales à répétition de l’Exécutif au moment où Habib Sy en était un des piliers, on pourrait citer de manière à titre d’échantillon : l’attentat contre l’opposant Talla Sylla pour avoir critiqué le Président de la République, l’inique effacement de la peine carcérale suivi d’une indécente indemnisation en faveur des assassins du juge constitutionnel Babacar Sèye, le feuilleton de la spectaculaire polémique d’argent entre le Président de la République de l’époque et un de ses anciens Premiers ministres (qui n’est qu’une des nombreuses polémiques d’argent qui impliquaient directement le Président de la République), la rocambolesque attribution à l’entourage institutionnel du Président de la République et à des membres du gouvernement de marchés de fourniture de riz à l’État (dossier qui avait abouti à la DIC sans suite judiciaire), l’assaut lancé par une milice privée armée par l’Exécutif contre la mairie de Mermoz – Sacré – cœur avec mort d’homme, l’affaire Alex Segura impliquant directement le Président de la République, la tentative de constitutionnalisation d’un mécanisme de dévolution dynastique du pouvoir d’État tenue en échec par le soulèvement populaire du 23 juin 2011, etc.
Malgré la déroute subie ce fameux 23 juin, on n’a pas noté une prise de position de Mr Sy appelant son leader à renoncer à briguer un 3ème mandat dont la légalité était fortement contestée dans l’opinion. Au contraire, il a choisi de l’accompagner, de le soutenir dans sa détermination à imposer sa candidature dans la répression, le sang et la mort. Ensemble, ils ont choisi de boire le calice jusqu’à la lie.
En matière de soumission de l’Assemblée nationale à l’Exécutif, c’est à cette époque qu’on a vu le Président de la République faire démettre un Président de l’Assemblée nationale et faire retirer leur mandat à deux députés élus par le peuple. Habib Sy était alors une figure éminente de l’Exécutif.
Il parle d’un pouvoir judiciaire aux ordres. L’expression est en usage dans le débat public depuis l’avènement de la pluralité démocratique dans notre pays, mais c’est sous le règne de Mr Sy et de sa famille politique que l’on a vécu l’affaire dite du Protocole de Reubeuss avec ses péripéties connues de tous les Sénégalais grâce aux médias dans un premier temps, puis aux aveux des acteurs clefs de cette infamie, l’un des rares exemples factuels, en dehors de tout jugement personnel, que l’on pourrait citer pour illustrer une situation de subordination de la Justice à l’Exécutif.
Il parle aussi de la pérennisation d’institutions budgétivores. Pourtant, depuis 2012, on en a beaucoup supprimées sur le legs transmis par lui et les siens. Outre la vice-présidence de la République, on pourrait citer des dizaines d’agences publiques dont mêmes les noms n’étaient pas connus des populations, chacune avec ses organes et personnels fortement équipés, dotés et rémunérés à ne rien faire sinon favoriser l’entretien d’une clientèle politique.
Habib Sy fait état également d’une gestion nébuleuse du Fonds Covid-19. En attendant qu’on dépasse le stade d’allégations pour nous démontrer qu’il existe des irrégularités dans la gestion du Fonds Covid-19, on le renvoie aux prédations incontestables, établies par des rapport d’enquête des organes de contrôle de l’État, perpétrées dans le cadre de l’organisation du Sommet de l’OCI et du FESMAN.
Il parle d’effondrement de l’économie. Cette économie était tellement malmenée par le gouvernement dont Habib Sy était membre qu’elle avait renoncé à la croissance, à l’orthodoxie budgétaire et aux politiques sociales. Ainsi, en 2012, ils ont transmis à l’actuel Président une situation caractérisée par un déficit budgétaire abyssal devenu chronique, la consommation en un trimestre de la réserve budgétaire annuelle, la non prévision dans le budget en cours d’exécution des ressources nécessaires à des politiques publiques prioritaires et des perspectives tellement sombres que le Président sortant avait publiquement déclaré que les salaires des fonctionnaires ne pourraient être payés à la fin du mois qui suivrait son départ. Aujourd’hui que la croissance tourne autour de 7%, que le déficit budgétaire est maitrisé, que des politiques sociales diverses sont exécutées sans faille et que l’État peut se permettre de payer les salaires des fonctionnaires une semaine avant la fin du mois, un représentant du clan responsable du chaos économique qui prévalait en 2012 fait état d’un effondrement de l’économie.
Il prétend que les couches sociales défavorisées sont au bord de l’abime. Ce serait alors peut-être pour finir d’en être tirées par le gouvernement actuel après y avoir été profondément enfoncées par le gouvernement auquel appartenait Habib Sy. Depuis 2012, les populations des différents secteurs d’activités ont vu leurs revenus améliorés par différents mécanismes (hausse de salaires et de pensions de retraite, baisse de l’impôt sur le revenu, augmentation du prix au producteurs des produits agricoles…). Elles paient moins cher les produits et services de première nécessite (riz, huile, sucre, carburant, électricité, certains soins médicaux vitaux…). Elles bénéficient aussi d’un filet social d’une densité jamais connue dans l’histoire de ce pays, avec notamment une allocation financière trimestrielle pour les plus défavorisées d’entre elles.
Clairement, l’appel de Habib Sy aurait eu beaucoup plus d’actualité s’il avait été lancé en 2010 ou en 2011, en considération des justifications brandies.
En ce qui concerne le « virus d’instabilité qui sévit dans la sous-région », il convient de rappeler qu’il s’agit d’une réalité avec laquelle le Sénégal coexiste depuis l’indépendance il y a 60 ans, en étant toujours parvenu à se prémunir de tout risque de contamination. Ce qui en fait le seul pays de son environnement à n’avoir jamais connu de coup d’état civil ou militaire et l’un des rares de la région sahélienne à parvenir encore à sanctuariser son territoire contre l’action des groupes « jihadistes ». Il y a lieu de préciser ici, sans entrer dans des détails sensibles, qu’il est très peu probable que cette dernière performance eût pu être une réalité si le pays était toujours gouverné par le clan de Mr Sy qui avait tant malmené la couverture sécuritaire nationale.
Envisager que la population sénégalaise, en particulier la jeunesse, puisse s’inspirer de ce qui passe chez le voisin en matière d’aspirations démocratiques et de bonne gouvernance, c’est perdre de vue le leadership que nos populations ont exercé de tous temps dans ce domaine. Celles-ci ont toujours été les modèles et les références qui inspirent, elles ne s’inspirent pas des autres. En considérant en plus les éléments de contexte, totalement différents, on peut parier que ce risque de contagion dont parle Mr Sy est au niveau zéro.
Il y a une conjoncture mondiale qui incite aujourd’hui à des réflexions et des remises en cause profondes. Pas un seul État n’est épargné par la vague de contestation boostée par la crise sanitaire sans précédent que connaît l’humanité. Le Sénégal n’est pas plus touché que ces grandes démocraties auxquelles il se mesure et ses Institutions ne sont pas plus ébranlées que celles des États les plus solides du monde parmi lesquels il se compte.
Très certainement, nos sociétés, à l’échelle mondiale et non sous – régionale ou régionale, auront à se repenser et repenser doctrines, méthodes et modèles. Les démocrates, d’où qu’ils soient, sont engagés à faire en sorte que tout cela se passe dans le respect des règles républicaines. L’opportunisme -ou le désespoir- consistant à vouloir dégrader en un contexte d’insurrection et de putsch cette probable phase de transition dans la gouvernance des États dont le Président Sall a été l’un des premiers dirigeants de la planète à percevoir l’avènement n’a aucun avenir.
Certes, Macky Sall fait peur dans le jeu démocratique sénégalais car depuis son entrée en scène, il s’est révélé invincible, ayant remporté toutes les élections dans lesquelles il s’est engagé. On comprend dès lors que ses adversaires n’envisagent l’avenir politique que dans une perspective qui l’exclurait. De là à vouloir l’envoyer à la retraite par anticipation…
Le Président Macky Sall a été réélu en février 2019 pour un mandat de 5 ans et il est déterminé à l’exercer jusqu’à son terme par la grâce de Dieu.
 
Alioune FALL
Conseiller du Président de la République  

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