Collaborateurs dès les premières heures dans l’arène, la relation entre les promoteurs et les lutteurs s’est détériorée petit à petit. L’argent, source de conflits, dicte sa loi. Promoteurs, lutteurs et managers s’expliquent.
Jadis, le promoteur et le lutteur étaient les collaborateurs les plus proches de l’arène. Le premier nommé, bailleur principal, s’engage à mettre un cachet à la disposition du second, qui lui donne son consentement, dans un document écrit, à livrer un combat de lutte conformément aux termes du contrat les liant. Une relation assez particulière qui a même poussé certains lutteurs à faire de ces promoteurs des conseillers voire des parrains (Modou Lo / Luc Nicolai, Gaston Mbengue / Eumeu Sène). Mais, ces dernières années, il ne se passe pas une saison de lutte sans que la tension ne monte entre ces deux acteurs.
Cette relation affectueuse et fraternelle est de nos jours altérée par des intérêts personnels au détriment de la communauté. Le promoteur cherche à se remplir les poches après investissements, le lutteur lui, n’a d’yeux que pour son cachet de sponsoring qui, en cas de victoire ou de défaite, lui sera remis. Les civilités laissent alors la place à l’animosité. Et tous les coups sont permis pour obtenir gain de cause. L’on se rappelle encore des embrouilles entre Gaston Mbengue et Malick Niang ou encore Gaston Mbengue et Modou Anta. Il en est de même du promoteur Prince et Amanékh, Prince et Boy Niang. Récemment, c’est au tour de Bamba Faye et Saloum Saloum d’entrer dans la danse.
Les responsabilités sont partagées
L’argent est devenu source de conflits dans ‘’ce couple’’. Investissant l’arène depuis 2007, le patron de Kandji Productions, Moustapha Kandji, pense que les responsabilités sont partagées. Et que le promoteur comme le lutteur, à ce niveau, doivent jouer la carte de la compréhension, car étant condamnés à travailler ensemble. ‘’La relation promoteur / lutteur est très sensible. Raison pour laquelle ils doivent toujours communiquer pour éviter des mésententes’’, a renseigné le promoteur du troisième millénaire. Selon lui, ‘’les promoteurs doivent jouer carte sur table en engageant les lutteurs’’. Au lieu de ça, dit-il, ‘’ils jouent aux grands patrons’’. ‘’C’est seulement le contrat de sponsoring qui heurte leurs relations. Car, après le combat, si le promoteur tarde à payer en courant derrière les sponsors, le lutteur sort ses griffes pour rentrer en possession de son dû.’’
Des lutteurs ‘’pas reconnaissants’’
Réaction normale ou pas ? Prince Cissokho qui a reçu une plainte du staff de Boy Niang accuse : ‘’Il y a des lutteurs qui ne sont pas reconnaissants. Celui qui monte ton combat et t’offre un cachet, ne souhaite que ton bien et ton avancement. Malheureusement, il y a des lutteurs qui ne comprennent pas cela parce que ce sont des illettrés et n’ont aucune idée du partenariat.’’ Le patron de PABC Events pointe un doigt accusateur sur les lutteurs qui, dit-il, ne respectent pas leurs promesses. ‘’Des lutteurs m’ont promis d’acheter des billets d’un montant d’un à deux millions. Mais ils n’ont jamais respecté leurs engagements. Le promoteur peut avoir des soucis financiers et retarder le paiement parce que tout simplement, soit les sponsors traînent le pas, soit la journée était un échec, mais il ne refuse jamais de payer. Certains lutteurs ne comprennent pas cela et croient qu’en parlant dans la presse, leurs problèmes peuvent trouver solution’’, soutient Prince.
Le ‘’silence’’ du Comité de gestion de la lutte
Devant ces heurts répétés, le Comité national de gestion de la lutte s’est tu. L’instance dirigeante de la lutte ne s’est jamais impliquée dans ces différends opposants promoteurs et lutteurs. Un silence normal de l’avis de Kandji. ‘’Le Cng ne s’impliquera jamais dans pareils cas. Il ne s’occupe pas du contrat de sponsoring mais plutôt de celui concernant la lutte à proprement parler’’. ‘’D’ailleurs, poursuit-il, avant même le combat, comme écrit dans les textes, une avance sur cachet est remise au lutteur et le reliquat placé au niveau du Cng qui transmet la somme au bénéficiaire’’. Donc, insiste-il, le Cng ne peut en aucun cas intervenir parce que le cachet de sponsoring ne le concerne pas’’. Chez les lutteurs, le contenu du contrat conclu avec les promoteurs n’est pas souvent bien étudié. Ces derniers ne sont intéressés que par le montant du cachet retenu. Suffisant pour que l’incompréhension règne entre les deux parties.
Un des lutteurs, qui a préféré parler sous le couvert de l’anonymat, taxe les promoteurs de truands et de personnes mal intentionnées. ‘’Depuis plus de deux ans, je cours derrière mon argent. Le promoteur ne respecte pas les dates qu’il fixe. J’ai trop patienté sans suite favorable et si cela continue, je risque de saisir la justice’’, menace-t-il d’un ton ferme. A la question de savoir si dans le contrat, le paiement du cachet de sponsoring était fixé à une date, le lutteur, sans convaincre, rétorque : ‘’Il devait me payer juste après le combat. C’est ce qu’on s’était dit.’’ Il assure que cette mésaventure lui servira de leçon à l’avenir. ‘’Cela ne se passera plus comme ça. Ils ne sont mus que par leurs propres intérêts car ils refusent de déclarer le montant global du cachet au niveau du Cng.’’ Une réponse qui pousse à se demander quel est le rôle du manager dans l’établissement du contrat de lutte.
Membre de l’Association des managers, Bakhoum, manager de plusieurs lutteurs pikinois, indexent les promoteurs qui, dit-il, sont les principaux responsables de ces différends. ‘’Les promoteurs n’acceptent pas de déclarer le montant global au Cng pour des raisons financières. Car, plus le montant est colossal, plus les frais d’organisation sont élevés. Et pour éviter des frais supplémentaires, ils procèdent ainsi, en complicité, des fois, avec le lutteur. Mais pour le cachet sponsoring, c’est le promoteur qui ne respecte jamais le délai.’’