Les précisions de Iba Der Thiam suite à la Colère des Niassenes: « Dire que El Haj Abdoulaye Niasse était l’élève d’El Haj Malick serait ridicule »
Certains hauts dignitaires de la famille Niassène se sont offusqués de la mention faite sur leur guide El Haj Abdoulaye Niasse à la page 186 du volume 1/A de du Tome III de l’Histoire générale du Sénégal.
Le Comité de pilotage, codirigé par les Professeurs Iba Der THIAM, Mor NDAO, le Docteur-Ingénieur El Hadji Ibrahima NDAO et le Docteur Gana FALL , a fait un communiqué pour apporter des éclaircissements. Dans le texte signé par le Coordonnateur général Iba Der Thiam, l’histoire du compagnonnage entre El Haj Abdoulaye Niasse et El Haj Malick Sy est retracée. L’historien indique qu’il n’a jamais été question de dire que le premier était l’élève du second. Mais qu’il partageait la même école. Voici in extenso le communiqué.
Dire que telle ou telle personne appartient à l’école de tel autre signifie simplement qu’ils partageaient la même vision de l’Islam à travers leur commune appartenance à la Tidjaniyya. On peut être de la même école de pensée que quelqu’un, sans avoir été son élève. A titre d’exemple, nombreux sont les gens appartenant à l’école du libéralisme, sans avoir jamais été, ni un élève, ni un obligé des pères du libéralisme.
Cela ne veut point dire qu’il y a une hiérarchie quelconque entre El Hadji Malick SY et El Hadji Abdoulaye NIASSE ; encore moins que l’un aurait été l’élève de l’autre. Ce qui serait ridicule.
Ce qui a plus de signification, c’est que Sidy Lamine NIASSE a dit, à savoir qu’ils étaient des frères et amis et se considéraient comme des jumeaux à cause de l’affection réciproque qu’ils se portaient, de l’admiration réciproque qu’ils avaient pour leur sainteté et leur érudition.
Quand El Hadji Malick SY et El Hadji Abdoulaye NIASSE se sont rencontrés, le dernier nommé avait plus de 60 ans et revenait de Fèz, siège du pôle de la Tidjaniyya. Il avait, donc, non seulement une autorité connue et reconnue, mais avait même tissé des relations avec Fez.
Leurs rapports n’ont jamais été des relations de maître à élève ou de guide à talibé. Ils étaient fondés sur le respect réciproque, leur égale dignité, la confiance totale et la solidarité agissante.
Il est regrettable et nous nous en excusons que la présentation que le livre fait à la 223 de l’Histoire d’El Hadji Abdoulaye NIASSE ne permet pas de saisir l’idée qu’El Hadji Abdoulaye NIASSE incarnait un pôle de la Tidjaniyya distinct, qui avait pris naissance dans le Djolof.
Né en 1848 pour les uns et en 1838 pour les autres, El Hadji Abdoulaye NIASSE était l’aîné d’El Hadji Malick SY (1853) (de 5 ans, 10 ans, 11 ans, ou 15 ans, selon les sources), mais, surtout, son ami et son frère.
Erudit hors pair, linguiste réputé, faqih, sunnite jusqu’à la moelle, il était de la Tidjaniyya Mohammadia et incarnait un pôle qui, tout en étant autonome, entretenait avec Tivaouane, des relations extrêmement étroites d’estime mutuelle, de considération réciproque, d’égale dignité, de solidarité et de paix.
Pour ce qui concerne le voyage au Maroc, les généalogistes de la famille niassène infirment la version donnée dans le livre et disent « qu’El Hadji Abdoulaye NIASSE n’était pas parti au Maroc pour s’acquitter aussi d’une mission spéciale qu’on lui aurait confiée ». Le livre ne l’a jamais dit. Le livre a dit « qu’El Hadji Abdoulaye NIASSE avait formé le projet de se rendre au Maroc pour effectuer un pèlerinage, mais aussi pour s’acquitter d’une mission que lui avait confiée son frère et ami El Hadji Malick SY avec lequel, il était constamment en relation, mission que les obligations d’El Hadji Malick SY ne lui permettaient pas de remplir ».
Au retour de son voyage du Maroc, où il s’était rendu pour visiter le Tombeau de Cheikh Ahmed Tidiane Chérif (RTA), fondateur de la Confrérie, El Hadji Malick SY a accueilli à Tivaouane El Hadji Abdoulaye NIASSE avec emphase et chaleur dans sa famille pendant 3 mois durant lesquels, il présidait des prières et dispensait un enseignement de haut niveau auprès des talibés. Il présidait même, disent certaines sources, des mariages et des décès. A cette époque, il avait plus de 60 ans. Il avait, donc, dépassé l’âge où l’on va à l’école.
Maodo était tellement satisfait de son hôte, qu’il lui dédia un poème, selon certaines sources, pour rendre hommage à sa sainteté et à son érudition. Et, sans l’avoir consulté, il entreprit de demander à l’Administration coloniale de lever les accusations injustes articulées contre lui, pour qu’il restât au Sénégal et ne retournât pas en Gambie ; au Sénégal, où la communauté musulmane avait besoin de sa sainteté, de son érudition et de ses qualités d’éducateur et de formateur. Sa démarche, grâce à Dieu, fut couronnée de succès.
Le jour de son départ pour Kaolack, il l’accompagna dans le train jusqu’à Gossas et chargea son Moukhaddam Abdou Hamid KANE de Kaolack, de l’accueillir et de lui faciliter son installation dans cette ville. Ce qu’il fit.
C’est ainsi que prit naissance le quartier de Léona, où se trouve la demeure et la mosquée, ainsi que le tombeau d’El Hadji Abdoulaye NIASSE.
Dieu, pour magnifier la belle entente qui existait entre Tivaouane et Niassène, entre El Hadji Malick SY et El Hadji Abdoulaye NIASSE, les rappela à Lui, le 14 Juin 1922 et le 27 Juin 1922, soit le même mois, à moins de 15 jours d’intervalle.
Qu’El Hadji Abdoulaye NIASSE ait combattu le système colonial est largement connu et le livre l’a dit. Il refusait d’envoyer ses enfants à l’école française. Sa maison a été saccagée, sa mosquée brûlée, les talibés de son école dispersés. Il ne plia pas et préféra émigrer en Gambie, pour y poursuivre son action d’éducation et de formation.
Pour ce qui concerne Porokhane, le livre reconnait qu’il a été une étape et non une installation définitive avant l’installation à Taïba Niassène au Saloum, à la page 224, 3e paragraphe.
Les erreurs que nous reconnaissons et pour lesquelles, nous nous excusons, proviennent du fait que nous ne sommes pas infaillibles et ne possédons pas toutes les connaissances possibles et imaginables. Dieu Seul sait tout. Nous ne sommes que des humains et l’être humain, par nature, est accessible à l’erreur.
C’est pourquoi, nous n’avons cessé, depuis 2014, de lancer un appel à tous les experts et à tous les sachant, pour qu’ils viennent nous prodiguer leurs avis et conseils. Cet appel a été largement entendu, mais on peut mieux faire.
J’appartiens, moi-même, à la communauté Niassène, aussi, à travers mes grands pères Meissa SY et Sassy SY de Khelcom (Kaolack) et mon oncle El Hadji SY, Ex-Imam de la Mosquée de Marseille, qui a été l’homonyme de Cheikh Khalifa NIASSE, qui l’avait accueilli dans sa maison avec ses enfants dès l’âge de 7 ans et lui avait appris le Saint Coran en totalité et les autres sciences islamiques. Il disait de son vivant, que mis à part Dieu, il devait tout ce qu’il a eu à Cheikh Khalifa NIASSE.
Je ne ferai, donc, rien qui porte atteinte à la famille Niassène.
Cette page d’errata sera tirée et intégrée dans tous les exemplaires du livre et envoyé à tous ceux qui l’avaient déjà acquis à la date d’aujourd’hui.
Lors de la prochaine réédition, toutes ces observations seront introduites dans le texte de base de la nouvelle édition.
Enfin, si le Projet Histoire Générale du Sénégal des origines à nos jours (HGS) suscite des polémiques, c’est parce qu’il intéresse des Sénégalais qui le soutiennent dans leur écrasante majorité. Il invite tous ceux et toutes celles qui sont intéressés et qui ont lu les livres de HGS de nous faire part de leurs observations, qui seront prises en compte, autant que possible, dans le cadre des débats à venir.
Les réactions enregistrées nous réconfortent dans notre détermination à poursuivre notre travail.
Je pardonne à tous les manifestations d’humeur et les jugements de valeur tendancieux ou revanchards, qui ne visent qu’à blesser, à punir, ou à régler des comptes qui n’ont pas leur place ici et non à faire avancer le débat.
Le Coordonnateur Général agissant au nom du Comité de Pilotage
et des 63 autres rédacteurs du Volume 1/A du Tome III
« 1817-1914 Les années d’épreuves, de luttes armées, de renouveau religieux et culturel, de refus de la domination coloniale et de consolidation du pouvoir colonial »