Annoncée depuis juin dernier, la mesure sera effective ce mercredi 29 septembre 2021. Il s’agit de la réouverture de la frontière entre le Sénégal et la Guinée. La décision a été prise par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, chef de la junte au pouvoir depuis le renversement du régime d’Alpha Condé, le 5 septembre dernier. La commission de la CEDEAO avait entamé une médiation depuis plusieurs mois.
« Il y a beaucoup de discussions en cours. C’est le ministère des Affaires étrangères qui s’en occupe. Ce que je peux vous dire, c’est que le président de la République est très sensible à la situation que vivent les populations de la région de Kolda, particulièrement de Diaobé et de Kalifourou. Toutes les dispositions sont prises pour qu’on parvienne à une résolution de ce problème. Mais, il faudrait comprendre encore une fois que c’est une question qui ne dépend pas seulement du Sénégal. Donc, la diplomatie est à pied d’œuvre », indiquait en juin, le ministre du Commerce, Aminata Assome Diatta, s’exprimant dans le cadre de sa tournée pour l’installation de Conseils de commercialisation des produits agricoles pour éviter les pertes post-récoltes.
Relations tendues entre Condé et Sall
La tension était alors vive sur l’axe Conakry-Dakar. C’est un secret de polichinelle que les relations étaient devenues fraiches entre les présidents Alpha Condé et Macky Sall . Le président guinéen déchu avait fermé la frontière entre les deux pays. Décision prise fin septembre 2020, avant la présidentielle qui a mené à sa réélection. Motif avancé : « raisons de sécurité ».
Le dimanche 28 mars, Alpha Condé avait, en substance, déclaré que le Sénégal servait de base arrière de déstabilisation de la Guinée. « Ceux qui voulaient que la Guinée brûle, nous tous voyons ce qui se passe chez eux. Ce qui veut dire que Dieu ne dort pas. Moi, je ne me querelle avec personne, pas un seul jour depuis que j’ai été élu président, aucun opposant n’est venu à Conakry pour diffamer le gouvernement. Ça, je ne l’accepte pas. Mais tout le monde sait, tous ceux qui nous insultent, tous ces cris de « la Guinée va brûler », tout se fait à Dakar. Tout le monde le sait, mais Dieu est là », avait de façon explicite et sans détour accusé Alpha Condé.
Sous Wade déjà, le même climat délétère régnait. Sékouba Konaté, président de la République de Guinée, par intérim de janvier à décembre 2010, ne sollicitait pas l’avis du Sénégal, et ne faisait pas de l’axe Dakar-Conakry, une priorité de sa politique sous régionale.
Bien avant et plus globalement, l’opposition historique entre « Politiques » guinéens et sénégalais remonte à la tumultueuse rivalité pré et post-indépendance opposant Sékou Touré et Léopold Sédar Senghor alors députés à l’Assemblée nationale de l’empire colonial français. Bref, c’est l’histoire de deux peuples voisins dont les dirigeants font tout pour opposer alors qu’en réalité, tout les rapproche tant dans la proximité que sur le plan sociologique.
Freins économiques
Asphyxiés, commerçants et transporteurs ne cessaient depuis d’alerter sur la fermeture de cette frontière. Celle-ci au point mort, des camions chargés de marchandises y stationnés depuis plusieurs mois. Le marché de Diaobé, d’habitude grouillant, était presque vide, tuant l’économie locale.
L’ouverture de la frontière : c’est le souhait exprimé par les ressortissants guinéens de Kédougou, réagissant au lendemain du putsch opéré par les forces spéciales, à leur tête le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya. Des scènes de joie suivies de liesse animaient, d’ailleurs, les lieux de commerce détenus par ces ressortissants, à l’annonce de la chute du régime d’Alpha Condé.
Au titre des questions frontalières, figurant dans le rapport issu de la cinquante-neuvième session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), en juin, la Conférence s’était félicité de la réouverture des frontières entre la République de Guinée (Conakry) et la République de Sierra Léone. Il restait le blocus entre la Guinée et le Sénégal. Les tractations étaient en cours depuis.
Le Sénégal et la Guinée conjuguent-ils leur désamour au passé. La donne va-t-elle changer avec la junte militaire ? Wait and see !