Les lundis de Madiambal : « Nemekou Tour »… dereet : Sonko n’a pas osé

Madiambal
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Ousmane Sonko a été entendu, le 3 novembre 2022, dans le fond de l’affaire de viol qui l’oppose à la dame Adji Raby Sarr. L’audition s’est déroulée sans grand encombre. Le leader du Pastef s’est présenté normalement devant le juge, comme le font tous les justiciables qui, tous les jours que Dieu fait, vont répondre aux convocations des magistrats. Il y a eu beaucoup de peur et d’appréhension quant à cette comparution, car Ousmane Sonko avait habitué son monde à susciter du grabuge, à chaque fois qu’il était appelé à répondre de cette sordide affaire.

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Cette fois, il a changé de stratégie et pour cause ! Il n’a pas manqué d’évaluer le rapport de force. En effet, si en mars 2021 il avait semé la mort, le chaos et laissé du sang sur sa route pour aller répondre à la convocation du juge, cette fois-ci il n’a pu prendre les forces de sécurité en traitre. Les préposés à la sécurité publique ont pu tirer tous les enseignements du drame des 6, 7 et 8 mars 2021 et ont pris la mesure de la situation et surtout ont pu établir une coordination et une collaboration efficaces. Ousmane Sonko sait désormais qu’à chaque fois qu’il appellera ses foules à l’insurrection, il trouvera à qui parler. Déjà, Il avait bien eu l’occasion d’en faire l’expérience quand il s’était finalement résigné à piquer un sprint, digne de Usain Bolt, à travers les rues du quartier de la Médina à Dakar, avec le groupe des Malick Gakou, Barthélemy Dias et autres.

C’était, (drôle hasard du calendrier) en novembre 2021, un an jour pour jour. Ils bravaient les Forces de l’ordre pour aller au Tribunal de Dakar où était convoqué Barthélemy Dias pour une affaire de meurtre commis en décembre 2011 sur Ndiaga Diouf. Le groupe avait fini dans un vulgaire panier à salade et pas une mouche n’avait volé ce jour-là à Dakar ou nulle part ailleurs dans le pays.

Aussi, quand Ousmane Sonko avait appelé, durant les élections législatives de juillet 2022, à marcher pour bouter Macky Sall hors du Palais présidentiel, Dakar avait passé l’une des journées les plus calmes. C’est dire que les Forces de sécurité ont fini d’imposer le respect de l’ordre et de la loi dans les rues et que Ousmane Sonko n’a pas manqué de réaliser que plus aucun cadeau ne lui sera fait. Le Président Macky Sall avait d’ailleurs assuré les populations que plus jamais les malheureux événements de mars 2021 ne se reproduiront au Sénégal sous son magistère.

C’est ainsi que l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, semblait avoir manqué plusieurs épisodes, quand il soufflait sur les braises pour soutenir devant les caméras, le 1er novembre 2022, que la situation de la nouvelle comparution de Ousmane Sonko était explosive et que l’opposition pourrait rééditer la casse de mars 2021 qui avait, est-il besoin de le rappeler, occasionné plus de 14 morts et de graves troubles. Ousmane Sonko, qui était conscient qu’il jouait sur le coup sa propre liberté, s’était empressé de désavouer publiquement son allié politique, précisant qu’il appelait au calme et qu’il ne demandait à être accompagné que par ses avocats pour aller répondre au juge. Et comme pour mieux se faire entendre, le leader du Pastef souligna avec insistance qu’aucun leader politique n’aille l’accompagner.

Une telle déclaration a dû bourdonner dans les oreilles de Khalifa Sall, encore que Ousmane Sonko, dans la même déclaration, l’avait aussi couvert de ridicule quand il soulignait que Khalifa Sall trouvait une explication mystique dans les dates de ses convocations par la Justice. Il faisait savoir qu’il n’est pas un féticheur pour croire à de telles élucubrations. On peut parier que Khalifa Sall remuera sa langue plus de sept fois avant de parler à nouveau.

Déthié Fall et Barthélemy Dias, qui voulaient coûte que coûte aller au domicile de Ousmane Sonko qui leur avait pourtant publiquement signifié ne pas souhaiter leur présence, sont aussi apparus pathétiques en se débattant pour chercher à s’agripper à la bouée. Personne n’est dupe et il est aussi très triste de voir des rêveurs d’un «Grand soir» qui, au crépuscule de leur vie, s’assoient sur tout scrupule, toute dignité et toute morale politique pour utiliser le leader du Pastef comme le bélier qui leur défoncera les portes du pouvoir.

La bonne leçon de l’histoire est que tous les Sénégalais ont pu vaquer tranquillement à leurs affaires le 3 novembre 2022, parce que personne n’avait appelé à l’insurrection. En d’autres termes, il n’y a pas eu de violence parce que Ousmane Sonko n’a pas lancé un appel à ses militants à donner leur vie pour le soustraire à l’action de la Justice ! L’autre déconvenue de Ousmane Sonko, qui prétend avoir des yeux et des oreilles au cœur des services de sécurité, est qu’il n’a pu que constater que les éléments de sa garde rapprochée ont été cueillis par surprise, comme des fruits mûrs, par la gendarmerie qui les a conduits devant le procureur de Mbour.

Ils sont poursuivis pour de graves violences commises, le 30 octobre 2022, sur des habitants du village de Tchiky qui scandaient le nom de Adji Sarr au passage du cortège du Pastef. C’était dans le cadre du Nemekou Tour, une caravane des leaders du Pastef pour aller à la rencontre de leurs partisans. Les bodyguards avaient versé du sang en malmenant leurs victimes qui se retrouvent ainsi avec de graves blessures. Alioune Tine, défenseur de toutes les causes, peut rallonger de cinq nouveaux noms, sa liste de «détenus politiques» dont il demande la libération au ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall. Alors, au moment où sa garde était neutralisée, Ousmane Sonko était sagement assis dans le cabinet du juge Oumar Maham Diallo.

3 heures chrono de ridicule devant le juge

Au sortir de son face-à-face avec le magistrat instructeur, Ousmane Sonko s’est autorisé devant les médias, une séance de publication et de commentaire de sa déposition. Il n’y aurait pas de secret de l’instruction judiciaire pour tout ce qui peut lui sembler être à son avantage ou pour fabuler. Seulement, plus il en dit, plus Ousmane Sonko se met à nu et révèle son immaturité. Il soutient avoir intimé l’ordre au juge Diallo de ne plus lui poser la question infâmante de savoir s’il a eu des rapports sexuels avec Adji Sarr car dans 16 mois, il sera président de la République du Sénégal. C’est maintenant qu’il réalise, comme nous l’apostrophions dans une chronique en date du 14 janvier 2019, que «quelqu’un qui veut devenir Président ne doit pas faire ça» ?

Si en 2024, Ousmane Sonko a la chance de devenir Président du Sénégal, ce sera fatalement une auto-humiliation pour son Peuple qui aura la honte de voir les ébats sexuels ou les images de l’anatomie intime du premier des citoyens dans les smartphones de ses compatriotes. Il sera «un Président à poil» (chronique du 23 mai 2022).

Au demeurant, quel est le juge qui se laisserait ainsi marcher sur les pieds par un justiciable en comparution devant son cabinet ou qui lui dit refuser de répondre à ses questions parce que ce juge aurait été nommé spécialement pour un dossier ? Le juge Oumar Maham Diallo a sans doute compris que, coincé par les questions, il ne restait à l’inculpé que de verser dans l’outrage, l’invective et la provocation. Ousmane Sonko fait le fanfaron, mais il semble que l’ambiance dans le cabinet du juge était tout autre. Seulement, ni le juge ni le procureur ne pourront dire en public ce qui s’était passé.

L’audition a été relativement courte car contrairement à ce qu’il claironne, Ousmane Sonko n’avait pas voulu s’expliquer sur cette affaire. C’est lui-même qui le dit devant les médias. Pourtant, il affirmait être impatient de rencontrer le juge pour enfin s’expliquer, mais quand l’occasion lui a été donnée, il a cherché à se débiner. C’est ainsi qu’il a été catégorique pour refuser le test Adn proposé par le juge ; un test qui aurait été un moyen absolu pour laver son honneur en révélant par exemple que le sperme prélevé suite à un examen vaginal n’était pas le sien.

Assurément, le cas échéant, Ousmane Sonko aurait soulagé ses partisans, jusqu’à son avocat, Me Abdoulaye Tall, qui jurait, le Coran à la main, que son client n’avait eu aucune relation intime avec son accusatrice. Le leader du Pastef cherchera la parade pour dire qu’il refuse de donner son sang à des «comploteurs». Qui lui dit qu’un test Adn ne se ferait que sur la base d’un échantillon de prélèvement sanguin ? Un petit bout de salive ou de sueur ou un frottis aurait suffi. Aussi n’avaient-ils pas la latitude, lui et ses conseils, de participer à choisir un laboratoire de confiance ?

Il a aussi refusé de répondre aux questions gênantes du représentant du Parquet (c’est son droit) et s’est attelé à débiter sa théorie du complot orchestré par de hautes autorités de l’Etat. On peut lui rétorquer qu’il avait bien facilité le travail aux «comploteurs» en se rendant de lui-même, nuitamment, dans un bordel, après s’être caché de chauffeurs, gardes du corps, épouses et en prenant le soin particulier de mettre une cagoule ou un déguisement et de surcroît en période de couvre-feu !

Les personnes privées citées dans sa liste noire de «comploteurs» auront de bonnes raisons pour le traduire en Justice. Pour sa part, il promet de leur faire leur fête quand il sera président de la République. Ousmane Sonko menace une fois de plus juges, procureurs, avocats, généraux, colonels et adversaires politiques. Une bien drôle conception de l’Etat, des rapports entre les institutions et des droits et libertés des citoyens ! Président de la République, Ousmane Sonko s’arrogera le droit de vie et de mort sur ses concitoyens.

Il reste qu’une séance de confrontation entre Ousmane Sonko et Adji Sarr, son accusatrice, ne devrait pas manquer de figurer à l’agenda du juge d’instruction pour la manifestation de la vérité. Comme également une confrontation avec la tenancière du «Sweet Beauty», Ndèye Khady Ndiaye, poursuivie pour proxénétisme, entre autres chefs. Il apparaît, à l’issue des auditions, que cette bonne dame officiait à l’occasion pour tenir une autre queue que celle d’une casserole.

La perspective de séances de confrontation devrait être fort redoutée par l’inculpé. On sait que Adji Sarr entend mener le combat de sa vie et puis, quel homme sensé peut snober une femme qui l’a vu nu ? Le juge devra sans doute mieux veiller à l’intégrité pour ne pas dire l’inviolabilité de ses auditions car des extraits de vidéos filmées, à l’intérieur du bureau du juge au moment de l’audition, ont circulé alors qu’il n’y avait dans ledit bureau que le juge, son greffier et le substitut du procureur, avec l’inculpé et ses conseils.

* Ousmane Sonko a baptisé sa dernière caravane politique, «Nemekou Tour». En langue wolof «Nemeku» signifie, rendre visite, prendre des nouvelles et «tur dereet» signifie verser du sang.

* Par Madiambal DIAGNE- [email protected]

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