Après plusieurs renvois, le procès des personnes qui avaient filmé, ligoté et exercé des attouchements sur la malade mentale à Sacré-Cœur a eu lieu à la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar. Les prévenus, poursuivis pour les délits de collecte et diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs, outrage public à la pudeur et attentat à la pudeur, ont devant le prétoire, battu en brèche les accusations qui leur sont imputées.
Les prévenus nient tout
Considéré comme l’auteur principal dans cette affaire, Ibou Thiam, marié et père de 3 enfants, a été le premier à s’expliquer sur les charges qui lui valent, depuis quelques semaines, un séjour à la maison d’arrêt. À l’en croire, lorsque la jeune dame a été interpellée et ligotée, c’est une autre personne, qui ne réside pas dans le quartier selon ses dires, qui a tripoté les seins de cette dernière. « Je lui ai interdit cela en lui disant que c’est une femme et on lui doit du respect », a-t-il expliqué pour se dédouaner.
Dans sa volonté de se laver à grande eau, il indique qu’il avait suggéré qu’une dame procède à la fouille corporelle de la présumée voleuse. « Babacar filmait la scène. Je fais partie de ceux qui l’ont attachée, mais je ne l’ai pas filmé. Si je savais qu’Abdou avait l’intention de la tripoter, je n’allais pas la déshabiller », a-t-il finalement lâché, non sans dire qu’il ne sait pas comment la vidéo a atterri sur les réseaux sociaux. « Je l’ai vue à la police », dit-il.
Entendu à son tour, le prévenu Moussa Diallo conteste les charges qui pèsent sur lui. Ce, même s’il reconnait avoir filmé la dame. Mais, s’empresse-t-il de préciser : « C’était pour envoyer les images à la patronne de l’atelier afin qu’elle soit au courant. Et, je l’ai supprimée subitement. Je n’ai filmé que son visage et non ses parties intimes. J’étais là-bas au moment où Abdou tripote des seins. Et je leur ai demandés de la dénouer après qu’ils l’ont ligotée. Les images que j’ai filmées n’ont pas été publiées sur le net », se défend-il.
À l’instar des autres prévenus, Babacar Ndiaye, chef de la boutique, a également nié les faits. « Vu que je suis le chef d’entreprise, je l’ai filmée. Et lorsque Abdou la tripotait, j’étais là-bas. Mais, l’un d’eux m’a dit qu’il la fouillait pour voir si elle avait des talismans autour d’elle. Je leur ai interdits cela. Elle m’a craché dessus et je lui ai donné un coup de pied. C’est moi qui ai filmé la scène mais, je ne l’ai envoyée à personne. J’ai pris ces images pour juste la reconnaître », explique devant les juges.
Malick Ndoye père de la victime : « Ce qu’on a fait à ma fille est horrible »
Partie civile dans cette affaire, Malick Ndoye, père de la victime, est revenu sur la maladie dont souffre sa fille. Cette dernière, raconte-t-il, était à Dakar et vivait seule dans un studio. Et, c’est au mois de ramadan dernier qu’ils ont su qu’elle avait des problèmes psychiques. Elle ne dormait plus et entendait des voix et sentait des odeurs fétides.
Elle a été internée à l’hôpital psychiatrique de Thiaroye et son état de santé s’était amélioré. Elle avait même repris service, assure son père. Mais elle a rechuté depuis cette fameuse journée où elle a été interpellée dans cette boutique. « Ce qu’on a fait à ma fille ce jour-là est horrible. C’est trois jours après que j’ai su qu’elle a été violentée. Elle est présentement internée mais, elle a commencé à se souvenir des faits. Les séquelles des violences sont toujours visibles sur son corps », informe-t-il, avec tristesse.
L’avocat de la partie civile : « Ils ont ligoté toutes nos femmes »
L’avocat de la partie civile, estimant que les faits pour lesquels les prévenus comparaissent devant le prétoire ne souffrent d’aucune contestation, réclame, en guise de réparation du préjudice subi, le montant de 10 millions de francs CFA. « C’est la société sénégalaise entière qui se constitue partie civile. Ces prévenus ont ligoté toutes nos femmes, tâté et tripoté nos seins, soulevé nos nounous. Ils ont violé notre intimité. Condamnez-les pour avoir pourfendu nos moralités ! Condamnez-les pour avoir souillé notre moralité », a plaidé la robe noire.
Le maitre des poursuites a, dans son réquisitoire, indiqué que la dame est un être vulnérable qui doit être protégée. Il a requis une peine d’un an ferme et une amende de 100 000 francs CFA contre Ibou Thiam. Quant à Moussa Diallo et Babacar Ndiaye, ils encourent 5 ans de prison dont 2 ans ferme. La défense a plaidé la clémence. Pour elle, une peine d’avertissement et un franc symbolique suffisent. L’affaire est mise en délibéré pour jugement qui sera rendu le 18 août prochain.
EMEDIA