Face aux médiateurs de la Cedeao, Yahya Jammeh a déliré pendant deux heures de temps vendredi dernier. Le même jour, le Président élu Adama Barrow- accueilli à Dakar sur requête de la Cedeao- a été exfiltré de la Gambie à la suite d’une alerte des services secrets américains tendant à faire croire que son intégrité physique était menacée.
«Il a perdu la tête.» C’est la forte conviction d’un diplomate ouest-africain qui parle ainsi du dictateur Yahya Jammeh qui, après avoir accepté les résultats de l’élection présidentielle en Gambie, a fait un revirement spectaculaire plongeant ainsi son pays dans l’incertitude.
Vendredi dernier, le Président nigérian Muhammadu Buhari, son homologue du Libéria Ellen Johnson Sirleaf et l’ancien Président du Ghana John Dramani Mahama ont tenté une dernière fois de convaincre Yahya Jammeh lors d’une rencontre à Banjul. Mais il est clair maintenant que Yahya Jammeh a choisi de défier les Gambiens, la Cedeao et la communauté internationale.
Libération a appris de sources autorisées que la rencontre entre les médiateurs de la Cedeao et le despote gambien a duré deux heures. «Deux heures de délires», soupire un diplomate. Face à la délégation qui l’appelait à la raison, Yahya Jammeh a accusé le président de la commission électorale de la Gambie- réfugié au Sénégal- d’avoir annoncé de faux résultats. Pour lui, il est impératif d’organiser de nouvelles élections pour mettre fin à la crise qui secoue la Gambie. Pire, le dictateur, comme pour faire dans la menace, a affirmé à plusieurs reprises qu’il protégerait la souveraineté et la Constitution gambienne.
Vingt et quatre heures après ces déclarations surréalistes du despote, les Chefs d’Etat-major générale des armées de la Cedeao se sont réunis à Abuja pour peaufiner la conduite à tenir. «Tout est possible et les Chefs d’Etat de la Cedeao ont arrêté un plan d’actions à Bamako. Ils se donnent quatre jours pour tenter de régler la situation sans recourir à la force. Après, tout est impossible», préviennent nos sources qui précisent que la situation est telle que la Cedeao a cru devoir «sécuriser» le Président élu Adama Barrow en demandant au Sénégal de l’accueillir.
Selon nos informations, les dirigeants de la Cedeao ont été informés par les services américains de l’éventualité d’un faux coup d’Etat dont le but serait de faire arrêter Adama Barrow ou de l’éliminer purement et simplement. Des sources de Banjul avaient évoqué cette éventualité à Libération en indexant formellement le ministre de l’Intérieur gambien.
Face à cette sérieuse menace, la Présidente Sirleaf a quitté Banjul avec Adama Barrow avant de se rendre avec lui au Mali où se tenait le sommet Afrique-France après un break au Libéria. Au Mali, la Cedeao a fait une requête au Président Macky Sall pour «loger» Barrow au Sénégal jusqu’à son investiture prévue le 19 janvier prochain. Depuis samedi nuit, Barrow se trouve à Dakar avec certains de ses proches comme son porte-parole, Mai Fatty.
Auteur: Cheikh Mbacké Guissé – Libération