Jadis vitrine de l’artisanat sénégalais, le village artisanal de Soumbédioune, situé au quartier de la Médina, sur la Corniche ouest de Dakar, vit aujourd’hui des moments « difficiles » principalement dus à une absence de visibilité, à la rareté des clients, à un manque de qualification des artisans, etc.
Rien sur un rayon de 100 mètres, aucune plaque de signalisation, ne facilite l’orientation, ne laisse deviner la présence de ce lieu artistique si ne sont quelques rares cantines érigées en bordure de la corniche.
A l’intérieur, beaucoup de cantines occupées par des artisans (en bijouterie, tissage, reliure, maroquinerie, vannerie, etc.) regroupés par catégorie socioprofessionnelle exposant divers objets sculptés, constituent le décor.
On trouve également dans cet espace de création et d’exposition des produits de maroquinerie (sacs, porte-documents, porte-monnaie, sous-mains de bureau…), à base de peau de vache, serpent, chèvre, crocodile, etc.
Toutefois, les pensionnaires du village qui regrettent le passé reluisant de la structure disent être aujourd’hui confrontés à plusieurs difficultés allant du manque de visibilité du site, à celui de la qualification entre autres.
« Rien ne marche plus comme. Les clients viennent par compte goûte. Mais, je pense que cela est dû surtout au manque de visibilité de l’espace. En venant ici, est-ce que vous avez vu quelque part sur la corniche un panneau, ou une lumineuse indiquant le lieu ? », s’interroge Mouhammadou Waïga, président des sculpteurs de Soumbédioune.
Selon Mouhammadou qui exerce ici depuis 1982, « les artisans de Soumbédioune vivent des moments très durs ». « Nous pouvons avoir un manque de clients. Mais depuis que ce tunnel a été érigé en 2009, tu as l’impression qu’on nous a coupé beaucoup de chose. Ce tunnel constitue un vrai problème », dit-il en gesticulant.
De son avis, « des touristes pouvaient, de loin dans leur véhicules, apercevoir les objets d’arts à l’intérieur des cantines et faire leurs achats ». « Tel n’est plus le cas aujourd’hui. Les véhicules passent non seulement dans le tunnel. Et pire le site dépourvu d’indication ne frappe pas la curiosité des passants », déplore t-il.
« Beaucoup de gens se demandent d’ailleurs si le village artisanal de Soumbédioune existe toujours et si les artisans y sont toujours » souligne, amère, Mouhammadou Waïga.
« En 2009, quelque 2.000 artisans s’activaient au village artisanal de Soumbédioune. Actuellement, le fichier affiche 4.600 » informe le président des bijoutiers, Yaté Thiam.
Ce quinquagénaire établi ici depuis 1975 estime qu’il est paradoxal que « l’isolement du village artisanal de Sombédioune s’aggrave de plus en plus, alors que le nombre d’artisans augmente de jour en jour ».
Yaté Thiam qui reconnaît les problèmes de « visibilité » du site, invite les autorités de la Chambre de métiers de Dakar d’y remédier afin de redonner au village su lustre d’antan.
Par rapport aux moyens de travail, le président des bijoutiers du village artisanal de Soumbédioune souligne que un manque criard de matière première pour ses collègues. Et cela malgré le fait qu’on « exploite du métal, de l’or etc,. dans la région de Kédougou » dit-il, se demandant : « quelle sera notre part de cet or, un bien national ? ».
Son collègue Mouhammadou Waïga d’ajouter que « les difficultés auxquelles fait face le village relèvent de plusieurs facteurs dont celui relatif à la fréquentation des touristes au Sénégal ».
« La baisse de la fréquentation des touristes a beaucoup impacté et négativement sur notre travail. D’ailleurs, c’est tout récemment que la France a enlevé le sud du pays, la Casamance de la liste rouge, comme étant zone à risque pour ses ressortissants » explique, pour sa part, Modou Bèye dit Malèye.
Lequel a aussi relevé que dans chaque métier, « il doit y avoir de l’innovation et pour cela, il faut qu’il y’ait une main-d’œuvre qualifiée. Mais actuellement, non seulement, nous vivons tous ces problèmes, pire, les plus jeunes ne voient que l’argent ».
M. Bèye a aussi invoqué les conséquences de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) de 1975.
La CITES ou encore la Convention de Washington est un accord international entre Etats qui a pour but de veiller à ce que le commerce international des spécimens d’animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent.
« Il arrive des fois que des touristes achètent nos produits de cordonnerie et une fois à l’aéroport, ils sont sommés de payer des droits car les peaux avec lesquelles ces objets sont confectionnés sont issues d’animaux protégés par cette disposition. C’est un grand frein pour nous », estime t-il.
Depuis sa création en 1961, le village artisanal de Soumbédioune joue un rôle de promotion des artisans et de leurs oeuvres. Mais avec la rareté des touristes notée au Sénégal ces dernières années, le manque de formation des artisans et la construction du tunnel, etc. ont contribué à son isolement.
Avec Aps