Le soja contient en grande quantité des phyto-oestrogènes, et c’est pour cette raison qu’il serait associé à un risque accru de cancer hormono-dépendant comme le cancer du sein. Mais une récente étude américaine fait taire cette idée reçue et évoque même des effets bénéfiques pour les patientes.
S’il est connu que certains aliments augmentent le risque de cancer comme l’alcool, un excès de viande rouge et un excès d’aliments salés, le rôle de certains autres facteurs alimentaires dans l’augmentation ou la diminution de survenue de cette maladie reste encore à confirmer. C’est le cas du soja qui contient une quantité importante de substances phyto-oestrogènes comme les isoflavones, qui ont un effet similaire mais beaucoup plus faible à celui des œstrogènes produits par le corps.
La question se pose en effet quant à leur action sur les cancers hormono-dépendants (sein, endomètre, prostate), qui sont favorisés par une forte proportion d’oestrogènes dans le sang. C’est notamment le cas pour le cancer du sein puisque 60 à 70 % des cas sont hormonodépendants, selon la Fondation Arc contre le cancer, ce qui signifie que les cellules cancéreuses sont très sensibles aux œstrogènes.
Des chercheurs de la Tufts University ont étudié de près ce lien potentiel et leurs nouvelles recherches indiquent que les produits alimentaires à base de soja sont sûrs et même bénéfiques pour les femmes diagnostiquées avec cette maladie. « Il a été démontré que les isoflavones, le composant du soja qui a des propriétés semblables aux œstrogènes, ralentissent la croissance des cellules de cancer du sein dans les études de laboratoire », explique le Pr Fang Fang Zhang.
Tout dépend du type de cancer et du traitement
Celle-ci ajoute : « Les analyses épidémiologiques réalisées auprès de femmes d’Asie orientale avec le cancer du sein ont trouvé un lien entre une grande consommation d’isoflavones et une réduction de la mortalité. En revanche, d’autres recherches ont suggéré que les effets oestrogéniques des isoflavones peuvent réduire l’efficacité des traitements hormonaux utilisés pour traiter le cancer du sein. En raison de cette disparité, il est difficile de savoir si la consommation d’isoflavones doit être encouragée ou évitée pour ces patientes ».
Pour obtenir cette réponse, les chercheurs ont examiné la relation entre l’apport en isoflavones et la mort de toute cause chez 6235 femmes diagnostiquées avec un cancer du sein. Sur un suivi de 9 ans, les résultats ont montré que celles qui consommaient de grandes quantités d’isoflavones avaient un risque de décès inférieur de 21% par rapport à celles qui en prenaient le moins.
Cet effet bénéfique était particulièrement notable chez les femmes qui présentaient une tumeur non hormono-sensible et donc dépourvue de récepteurs aux œstrogènes et chez les femmes qui n’ont pas reçu d’hormonothérapie, un traitement qui consiste à bloquer l’action des oestrogènes. Et contrairement à certaines recherches antérieures, une consommation élevée d’isoflavones n’a pas été associée à une plus grande mortalité chez les femmes recevant une thérapie hormonale.
La prudence reste de mise
« Nous ne voyons pas un effet préjudiciable de la consommation de soja alimentaire chez les femmes qui ont été traitées par hormonothérapie, souligne le Dr Zhang. Chez celles qui ont un cancer du sein qui n’est pas sensible aux récepteurs hormonaux, ces produits peuvent avoir un effet protecteur ».
Les chercheurs précisent cependant que leurs résultats ne concernent pas les isoflavones provenant de suppléments, seulement les isoflavones naturelles d’origine alimentaire. La façon dont elles interagissent avec les cellules cancéreuses n’est pas claire, mais ils estiment qu’elles ont des effets antioxydants et anti-inflammatoires qui pourraient influencer la survie et la croissance de la tumeur.
En France, l’Institut Français pour la Nutrition précise que les isoflavones de soja « semblent prévenir la tumorisation possiblement par des effets épigénétiques si elles sont consommées dans l’enfance et l’adolescence ». Mais dans son dernier rapport sur le sujet, l’Anses* préfère se montrer prudente, et affirme que « les données disponibles à ce jour montrent que les phyto-oestrogènes ne sont pas associés à une augmentation du risque de cancer du sein chez la femme ».
Toutefois, l’agence déconseille les compléments alimentaires qui contiennent des phyto-oestrogènes purs ou des extraits de plantes en contenant aux femmes ayant des antécédents personnels ou familiaux de cancer du sein. En cas de doute, elle recommande également de demander conseil à son médecin car le soja demeure un aliment intéressant sur le plan nutritionnel en dehors de la problématique des phyto-oestrogènes.
*Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail
Santemagazine