“Le Sénégal en dépression”, Par Ibrahima Diouf économiste statisticien

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Un quotidien sans pitié, des vécus sans honneur, les sénégalais font partie de nos jours des peuples les plus dépressifs et les plus moroses du monde.
Nous vivons sous le règne de la fausse apparence et de la nulle appartenance, et chacun y va de sa bonne conscience mettant en avant les idéaux les plus « nobles ». Les « intellectuels de salon », les journalistes donneurs de leçons savent briller devant les flashs et les projecteurs pour déclamer leurs belles diatribes et montrer de beaux sentiments mais ferment les yeux face à des pratiques dont ils étaient les plus grands dénonciateurs durant le régime libéral. Aujourd’hui sont-ils obnubilés à ce point par les lambris du pouvoir qu’ils ont perdu le goût et le courage de se battre pour des principes de bonne gouvernance, d’une gouvernance sobre et vertueuse ?

J’ai pris sur mon temps et ma vie, pendant toutes ces années, pour soutenir l’action de ces hommes (journalistes, politiciens, société civile, ..) dont j’admirai et partageai l’engagement. Je ne cesse de tressaillir d’écœurement à chaque fois que j’observe ce décalage béant entre le discours de ces hommes, toujours les plus prompts à défendre par les mots des pratiques qu’ils ont combattues dans un passé récent. Bien-sûr la plupart de ces hommes sont prisonniers de leur confort, de leur réussite matérielle mais qu’ils ne s’étonnent pas de subir à leur tour, un jour le sursaut d’un peuple pas toujours naïf. Il y a de quoi s’interroger sur la réelle indépendance de certains de nos médias si prompts à porter le message « officiel » sans le moindre regard critique, ce qui est pour le moins étonnant pour des médias dont où nous dit qu’ils sont soumis à l’éthique du secteur.

Si le monde a changé, notre classe politique peine à renouveler ses membres et ses discours malgré le renouvèlement indéniable des visages et des personnalités dont leur utilité reste à désirer. D’après ce constat, qui est réellement fautif ? Le peuple ou les hommes politiques ? Imaginez un homme malheureux dans son couple. Il décide de changer de femme, mais il est encore malheureux. Il change à nouveau mais il reste toujours malheureux. A votre avis, qui a un problème ? L’homme ou la femme ? Cette situation reflète la réalité de notre paysage politique depuis des décennies. Il ya un changement anachronique d’attelage gouvernemental, mais la déception supplante toujours les attentes.

Si les sénégalais croient vraiment à certaines politiques très bien maquillées, c’est qu’ils sont endormis par les poisons d’un état d’assistance généralisée. Le réveil n’en sera plus rude : car l’état d’assistance dégénère toujours en état d’urgence. Depuis presque 2 ans, on nous a vanté les mérites du Plan Sénégal Emergent avec comme levier l’agriculture et paradoxalement, le gouvernement sénégalais annonce la signature des Accords de Partenariats Economiques (A.P.E). L’amnésie a-t-elle atteint notre élite ? Ne soyons pas surpris, une fois que ces accords soient signés, que l’on assiste à la mort de notre économie, et au PSE si cher au Président MackySall.

En effet, ces accords signés, entraineraient l’inondation du marché national par les produits de l’Union Européenne qui coûtent moins chers et présentent une meilleure qualité. S’en suivra forcément la faillite de nos entreprises nationales qui peinent depuis les indépendances à trouver des solutions aux problèmes structurels qui s’avèrent être l’un des principaux handicaps majeurs à la concurrence. Comme autres conséquences à ces signatures de partenariats, on peut envisager le licenciement des travailleurs, une perte de souveraineté de notre économe si ce n’est pas déjà le cas avec Orange, Eiffage, Bolloré, Total, etc

Les économies africaines ne sont pas prêtes à ouvrir leurs frontières en supprimant les droits de douanes aux pays de l’Union Européenne qui cherchent par tous les moyens à protéger leurs agriculteurs et industriels. Imaginez, là où une entreprise africaine produit par heure 1 unité d’un article A à un prix unitaire de 1000 F CFA, l’entreprise européenne en produira 100 ou 300 fois plus à un prix unitaire de 500 F CFA d’une qualité supérieure. Même si ces accords présageraient également un volet d’aide au développement, cela ne vaut pas le prix. Rappelons que l’aide internationale n’a jamais provoqué le moindre développement. Comme tout argent « tombé du ciel », l’aide internationale (FMI, BM) n’a jamais limité le nombre de jeunes candidats à l’émigration.
Seuls les pays riches ont les moyens de se protéger par des politiques protectionnistes dont les pays pauvres subissent chaque jour les conséquences alors que ces derniers n’ont pas les moyens de mettre en œuvre de telles politiques dont la généralisation serait dommageable pour tout le pays.

On ne peut pas éternellement s’apitoyer sur le sort des pays pauvres tout en cherchant à s’appropriant ses richesses.
A défaut de croissance durable, qui risque de devenir un concept creux servant à alimenter de grandes conférences internationales, on récolte une misère durable, qui est une réalité tangible pour beaucoup de monde.

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